La dernière danse d’Antoine Bouchard : une famille au rythme du judo

Antoine Bouchard entouré de ses parents, Josée Brassard et Sylvain Bouchard.

La carrière d’Antoine Bouchard s’est appuyée sur une passion et une persévérance à toute épreuve, sans oublier un exil à Montréal tôt en carrière, et la famille a toujours été un allié de taille, loin d’y voir tous ces efforts comme des sacrifices.


Andréanne et Charles, la grande sœur et le « bébé de la famille » des Bouchard, ont tous pratiqué le judo. Pas à un aussi haut niveau qu’Antoine, mais les deux sont aujourd’hui ceinture noire. Pas surprenant, donc, que les parents ont passé une majeure partie de leur temps au club Judokas de Jonquière.

« On rentrait à 16h30 au club et on sortait à 21h, cinq jours par semaine, en plus du samedi, a raconté Sylvain Bouchard, le père de famille. Je pense que c’est ce qu’il faut faire, pour pouvoir communiquer avec eux à la maison, autour de la table ou peu importe. »

Antoine Bouchard pouvait compter sur de nombreux proches, samedi, lors de sa dernière compétition en carrière. À ses côtés, on retrouve notamment ses parents, Josée Brassard et Sylvain Bouchard, en plus de sa conjointe et de son frère Charles.

Le paternel a été croisé par hasard, samedi matin, à l’entrée du Stade Pierre-Charbonneau, site de compétition de l’Open panaméricain de judo. Plus d’une heure avant le premier combat de son fils. Il attendait Charles, justement, ainsi que les autres membres de la famille venus assister à ce dernier chapitre.

Si Antoine a été animé par une passion pour le judo, on peut en dire autant de son père, toujours impliqué dans le comité des parents du club de Jonquière. Sylvain Bouchard semblait bien calme samedi matin, mais on pourra sentir une certaine fébrilité au cours de la journée, bien installé dans les gradins du centre sportif de Montréal, à apprécier les performances des autres judokas, qu’ils soient Canadiens, Danois, Américains ou Britanniques.

« C’est son prof de maternelle qui nous avait dit de l’inscrire au judo, s’est souvenu M. Bouchard à propos d’Antoine. Il bougeait beaucoup, il voulait toujours être en premier. Ça lui a pris du temps avant d’avoir ses degrés au judo. C’est ce qui vient avant le changement de couleur de ceinture. Il n’avait pas le choix, il fallait qu’il écoute. »

Les proches d'Antoine Bouchard, dont son père Sylvain, avec la chemise pâle, n'ont pu retenir leurs larmes, samedi.

Antoine a finalement obtenu ses fameux degrés, et bien plus encore. Il a ensuite quitté le Saguenay pour poursuivre son développement au sein du Centre national d’entraînement. Sylvain Bouchard n’a pas appris cette nouvelle de la bouche de son fils, mais en lisant Le Quotidien !

« Antoine est parti à 17 ans et sais-tu comment je l’ai su? En regardant le journal le matin, j’ai lu une citation de Roger Tremblay qui disait qu’Antoine partait s’entraîner à Montréal après les Fêtes. J’ai appelé Roger et il m’a dit que c’était vrai. Je n’étais même pas au courant », a raconté le père de trois enfants, qui n’a pas senti son garçon plus nerveux que d’habitude à l’aube de cette toute dernière compétition, samedi.

« Ils (les athlètes) s’entraînent et quand c’est le temps d’aller sur le tatami en compétition, ils savent ce qu’ils ont à faire, a indiqué papa Bouchard. C’est sûr qu’ils vont en ‘’pogner’' des plus gros et plus forts, mais quand tu as fait ce qu’il fallait, il n’y a pas de ‘’j’aurais donc dû'’. Pour ma part, quand je regarde ses compétitions à la télévision et que c’est trop stressant, je ferme la TV ! »

Des émotions fortes

Samedi après-midi, quand Antoine Bouchard a battu Justin Lemire par Ippon en finale pour la médaille d’or chez les moins de 73 kg, les émotions ont pris le dessus dans le clan familial. Tout le monde debout pour une ultime ovation offerte par tous les spectateurs présents, dont plusieurs consœurs et confrères judokas, dans les gradins du Stade Pierre-Charbonneau.

« C’est une fin Cendrillon, effectivement, a reconnu Josée Brassard, la mère d’Antoine. On retient la persévérance, le travail, la discipline, la rigueur. C’est l’fun parce que ça rayonne dans les clubs chez nous aussi. C’est un beau modèle pour les jeunes, je pense. En plus, il continue de travailler le volet études. Il prouve que ça se peut de performer au niveau international en même temps que poursuivre ses études. »

La mère d'Antoine Bouchard, Josée Brassard, était bien fière de son fils.

L’étudiant au doctorat en biochimie est prêt à passer à la prochaine étape de sa vie. Ses parents aussi, même si la fin de ces rendez-vous sportifs va inévitablement laisser un grand vide.

« Ça fait longtemps qu’on regarde les combats de judo d’Antoine et qu’on l’accompagne là-dedans, donc de se dire que c’est la dernière fois, je dirais que ce n’est pas un chapitre qui se tourne, c’est un livre qui se ferme », a illustré de belle façon Josée Brassard.

Antoine Bouchard a compté sur la présence de son entraîneur de toujours, Roger Tremblay, pour cette dernière compétition en carrière.

De beaux moments comme celui de samedi, il y en a eu plusieurs durant la carrière d’Antoine Bouchard. Il y en a aussi eu des plus durs, comme les Jeux olympiques de Rio, en 2016. Pourtant, la cinquième position a laissé un bon souvenir dans la tête des gens, venant confirmer la ténacité du Jonquiérois. Sauf que pour finir cinquième, il faut effectivement encaisser la défaite.

« Quand il a perdu le combat pour la médaille de bronze aux Olympiques, il faisait pitié, a reconnu son père Sylvain, présent au Brésil à l’été 2016. J’étais en train de parler avec quelqu’un, je me suis levé la tête et Antoine était devant moi. La seule affaire qu’il m’a dite, c’est : ‘’Ça fait mal en maudit.’’ »

Antoine Bouchard peut désormais écrire le premier chapitre de son nouveau livre avec le sentiment du devoir accompli.