La violence en politique, ça suffit!

« Il nous est intolérable de constater que des femmes qui donnent leur temps et leur énergie avec cœur doivent vivre sous surveillance policière comme c’est le cas pour la mairesse de Longueuil Catherine Fournier. »

POINT DE VUE / Notre organisme travaille depuis 25 ans au soutien des femmes en politique, afin que celles-ci soient plus nombreuses à prendre part aux décisions, et ce à tous paliers.


Parmi nos axes de travail figure l’identification des obstacles qui compliquent la vie des femmes souhaitant solliciter des mandats électoraux.

Ces obstacles sont désormais connus, mais à ceux-ci s’ajoutent les épisodes de violence qui se multiplient à l’égard des élus et particulièrement des femmes élues. Nourrie par la virulence des réseaux sociaux et par le manque de sanctions concrètes, la violence s’ajoute désormais aux obstacles qui ralentissent l’accès des femmes à la politique.

Nous déplorons vivement cette situation et nous inquiétons de la détérioration du climat social. Cette détérioration alourdit les débats, leur médiatisation, et, ainsi, assombrit et durcit les échanges dans l’espace public. Nous pensons qu’il est temps de réagir et de sévir tant sur les réseaux sociaux qu’envers les comportements entourant les personnes politiques.

Le Groupe Femmes, Politique et Démocratie est directement interpellé par cette situation. Nous recevons de plus en plus d’appels et de témoignages de femmes épuisées, troublées, bouleversées, apeurées qui se demandent vers qui se tourner pour assurer leur intégrité. Elles nous disent vouloir continuer à exercer leur mandat, mais doutent de leur capacité à supporter de telles tensions. Est-ce normal? Nous croyons que non.

Il nous est intolérable de constater que des femmes qui donnent leur temps et leur énergie avec cœur doivent vivre sous surveillance policière comme c’est le cas pour la mairesse de Longueuil Catherine Fournier; ou encore abandonner leur travail d’élue pour protéger leur famille et elle-même, comme ce fut le cas pour l’ex-ministre de l’environnement fédérale, Catherine McKenna; ou à subir des agressions comme l’a confié Kariane Bourassa, députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré au micro du journaliste Antoine Robitaille, dénonçant qu’un maire de sa circonscription l’ait «agrippée par le collet». Ces violences sont également le lot de mairesses et de conseillères municipales inconnues du public, mais qui n’en demeurent pas moins aussi heurtées de plein fouet. Une situation maintes fois dénoncée, notamment à la dernière élection provinciale par la députée Marwah Rizqy: elle-même victime de menaces, la députée a invoqué la responsabilité des institutions de protéger les élu.e.s et candidat.e.s.

Cette situation dangereuse vécue par les femmes a aussi clairement été démontrée dans le documentaire Je vous salue salope, la misogynie au temps du numérique, réalisé par Guylaine Maroist et Léa Clermont Dion.

Les exemples commencent à devenir trop nombreux pour que l’on parle encore de cas isolés. Quelque chose ne tourne pas rond et, comme le dit la députée Rizqy, c’est à nos instances d’intervenir et d’assurer la sécurité des femmes qui souhaitent s’investir en politique. Il est urgent d’agir. Les femmes font leurs devoirs pour rattraper le retard que leur ont fait subir les siècles d’histoire: c’est désormais aux institutions de faire leur part.

Comme pour les autres obstacles, l’institution doit se doter de mécanismes et de règles qui permettent aux femmes d’exercer leur droit d’éligibilité et leur mandat en toute sécurité. Des exemples nous viennent d’Italie et de France qui indiquent qu’il est possible de légiférer et de refuser la violence politique.

À ceux qui répondent que les hommes aussi vivent des agressions et de l’intimidation, nous leur répondons que ce qui servira pour les femmes leur servira aussi.

Il est temps de prendre le problème de front et de se doter d’outils efficaces.

C’est vrai, les femmes peuvent porter plainte. Mais ce ne peut pas être la solution à un tel problème de société qu’est la violence contre les femmes aspirantes candidates ou élues.

Thérèse Mailloux, présidente du Groupe Femmes, Politique et Démocratie