Le logement abordable sous les projecteurs

Les logements abordables sont une denrée rare à Bromont.

La surchauffe immobilière a d’importantes répercussions, créant entre autres une rareté de logements abordables. Bromont n’échappe pas à cette réalité. On tente toutefois de trouver des pistes pour atténuer cette tendance.


On ne retrouvera jamais des logements abordables dans l’ensemble du territoire de Bromont, indique en entrevue le maire de la municipalité, Louis Villeneuve. Il faut néanmoins s’attaquer à ce problème sans tarder.

«On est dans un libre-marché. Alors, on a un gros défi, dit-il. Il faut trouver des solutions parce qu’on a besoin des travailleurs dans nos commerces, nos entreprises. On a aussi des personnes âgées et de jeunes familles qui veulent rester ici.»

Le maire de Bromont, Louis Villeneuve

La Ville prend le dossier très au sérieux. En ce sens, on a formé un comité ad hoc pour identifier des pistes de solution.

Le groupe est notamment composé de représentants de la Ville (Louis Villeneuve, la conseillère Claire Mailhot, le directeur général Francis Dorion et le directeur de l’urbanisme, Marc Béland). Le consultant spécialiste en urbanisme François Goulet en fait également partie. Idem pour Sylvie Adam (SODEB), Charles-André Cantin (BME), Marilyne Laporte (GAB), Gilbert Lemieux (Château-Bromont), Valérie Marin (CAB Marguerite-Dubois), Diane Perron (projet de coop pour aînés Espace bromontois), Jean-Marc Savoie (OHBM) et Nathalie Grimard (MRC BM).

«Tout le monde doit mettre l’épaule à la roue, image Louis Villeneuve. La solution, ce n’est pas de pelleter ça dans la cour de la Ville. Quand tu as les intervenants de tous les milieux assis autour d’une même table, c’est plus facile de s’entendre et d’aller dans la même direction.»

La démarche du comité s’inscrit dans la révision du plan d’urbanisme, amorcée il y a près d’un an, notamment avec la tenue d’une consultation citoyenne sous la forme d’ateliers participatifs. Notons que la municipalité a dû mettre le projet sur pause en raison des modifications apportées par le gouvernement provincial à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (projet de loi 16).

Enjeux

En ce moment, la majorité des indicateurs sont au rouge pour trouver un logement abordable, fait valoir Francis Dorion. «Avec le dernier dépôt du rôle d’évaluation foncière en 2022, la valeur des résidences a explosé. L’accès aux logements est aussi plus difficile, car le taux d’inoccupation des loyers est de 0% à Bromont», souligne-t-il.

Le DG de Bromont, Francis Dorion

«Bromont n’est pas une ville abordable. Est-ce qu’elle le deviendra un jour? Possiblement que non.»

—  Francis Dorion, DG de la Ville

Si on regarde le tissu urbain et social, ce n’est pas la tendance. Par contre, il faut tout de même faire des efforts pour tenter de permettre à nos personnes aînées, aux jeunes familles puis aux travailleurs de pouvoir y demeurer. Il faut trouver toutes les formules possibles pour y arriver.»

Selon les données fournies au comité sur le logement abordable, le prix médian d’une résidence unifamiliale à Bromont était de 580 500$ en 2021-2022, alors qu’il a grimpé à 695 000$ l’année suivante, soit une hausse de près de 20 %. La valeur médiane des copropriétés a suivi une tangente similaire, passant de 471 250$ à 542 000$ au cours de la même période (+15%).

En date d’août dernier, les mensualités des loyers de deux chambres à coucher était d’environ 1800$ à Bromont. Or, en tenant compte que le loyer doit représenter 30% des revenus bruts, même une personne ayant un salaire de 30$/h (budget d’environ 1400$/mois) ne peut se permettre un loyer à ce prix.

De plus, la mensualité moyenne d’une copropriété à Bromont en 2022-2023 s’élevait à 3366$. À titre comparatif, la mensualité moyenne d’une résidence unifamiliale à Granby pour la même période était de 2468$, selon les statistiques compilées dans le cadre du comité.

Autre enjeu de taille, on constate une croissance démographique soutenue à Bromont depuis plusieurs années. On parle d’une augmentation de l’ordre de 26% entre 2016 et 2021, selon la Ville. Près de 80% de la population vit en permanence dans la municipalité.

Rareté

On recense peu de logements locatifs à Bromont. Les immeubles de deux unités et plus représentent 5,8% de l’ensemble des logements du territoire. En raison de la rareté des bâtiments multilocatifs, près du quart des gens cherchant un logement en location doivent plutôt se tourner vers des propriétés, ce qui fait grimper le coût des mensualités.

De plus, aucune coopérative d’habitation n’est présente sur ce territoire. Un projet, qui se nomme Espace bromontois, est toutefois sur la table.

Une autre statistique éloquente a été recensée dans le cadre du comité. «Parmi les personnes qui travaillent à Bromont, seulement 23,4% y habitaient en 2021».

Parmi les personnes travaillant à Bromont, seulement 23,4% d’entre elles y habitaient en 2021.

Le balancier se situe à l’opposé à Granby, où «66,8% de la main-d’œuvre locale habite la ville». Idem à Cowansville (42,5%) et Sutton (50,3%).

«Les employeurs à Bromont disent maintenant que lorsqu’ils ont un poste à [pourvoir], le problème n’est pas de trouver un travailleur, mais un logement, fait valoir l’urbaniste François Goulet. Ce constat est généralisé.»

Répartition du nombre d'immeubles à logements à Bromont.

Leviers

Selon Francis Dorion, l’accès à des subventions gouvernementales figure parmi les principaux leviers pour favoriser le logement abordable. «Il faut aussi déterminer quelle serait l’implication de la Ville, indique-t-il. Notamment en ayant des normes moins restrictives permettant d’avoir des bâtiments différents, sans perdre l’ADN de Bromont.»

On doit aussi décider si on revoit les normes de densité résidentielle dans certains secteurs pour favoriser la construction de logements «moyen et haut de gamme». «Ça pourrait permettre aux promoteurs de diminuer le coût des autres unités autour», a spécifié le directeur général.

Une autre piste serait que des organismes puissent gérer «à long terme» les unités d’habitation «moins dispendieuses», soutient le DG de Bromont.

«Est-ce que des mesures [d’allégement] fiscales sont possibles? Tout est sur la table», a ajouté Francis Dorion.

Point positif, François Goulet dit sentir une «réelle volonté» chez les promoteurs à Bromont de faire partie d’un mouvement pour créer plus de logements abordables. «Le constat est partagé. Des initiatives se mettent en place», dit-il, préférant ne pas s’avancer sur le sujet pour l’instant.

François Goulet urbaniste consultant

Le spécialiste mentionne entre autres que Bromont dispose d’autres voies que l’octroi de subventions pour favoriser la création de logements abordables. «L’approche réglementaire permet désormais un zonage incitatif donnant la possibilité de bonis de densité en échange d’une contrepartie, qui peut être définie par la municipalité. Ça peut être un parc ou du logement abordable. C’est une option que Bromont aurait intérêt à considérer», souligne-t-il.

Selon le consultant, «la solution se trouve en grande partie du côté du milieu à but non-lucratif, qui pourrait créer des logements pour une clientèle bien ciblée».

Étapes à venir

Dans cadre de la révision du plan d’urbanisme, d’ici décembre, on doit établir «l’énoncé de vision du plan d’urbanisme avec des cibles». Une première ébauche réglementaire et des différents zonages sera réalisée.

Des consultations publiques, notamment via des plateformes numériques, doivent avoir lieu entre janvier et mars 2024. On abordera entre autres le dossier du logement abordable. Des rencontres avec des gens d’affaires et des représentants du milieu communautaire doivent aussi avoir lieu durant cette période.

La version finale du plan d’urbanisme révisé se cristallisera entre mars et septembre, dans le but d’une adoption des nouvelles normes d’ici novembre 2024.