Chronique|

Quand le soleil brille de mille feux

CHRONIQUE / On est loin de l’époque où les plus mordus du bronzage s’huilaient inconsciemment le corps avant de s’exposer au soleil et où l’on se montrait nos démarcations de costume de bain pour comparer notre niveau de dorure. Aujourd’hui, notre relation avec le soleil a bien changé… tout comme mon lien avec la crème solaire.


C’est un fait, l’exposition prolongée aux rayons ultra-violets est la première cause du cancer de la peau. Le mélanome, la forme de cancer de peau la plus dangereuse, est en constante augmentation. Mais à part se cloîtrer dans nos maisons de 10h à 16h, il n’y a que les vêtements longs, les chapeaux et la crème solaire pour se protéger. Même l’ombre n’est plus un refuge.

D’emblée, je suis le type de personne à avoir toujours trop chaud, et porter des prothèses qui n’offrent aucune ventilation et qui ne font qu’accumuler la chaleur n’aide en rien. Je suis donc la première à enfiler des vêtements plus légers comme une camisole, exposant ma peau par la même occasion.



Bien que je n’aie plus à me badigeonner les avant-bras ni les demi-jambes avant de sortir à l’extérieur, le fait de ne plus avoir de mains pour appliquer la crème complique tout de même la tâche. Mes prothèses ont beau être utiles pour un paquet de trucs, elles sont nulles pour étendre de la crème.

Ce n’est pas tant mes vraies mains qui me manquent pour accomplir cet important rituel avant de prendre un bain de soleil. En effet, je peux facilement appliquer de la crème solaire avec mes moignons sur mon visage, sur mon ventre et sur mes quatre extrémités. Mais pour atteindre mon cou et mes épaules, il me manque une longueur de bras que je n’ai plus.

Comme ma peau est abîmée par les coups de soleil de ma jeunesse et par les médicaments administrés dans la mi-trentaine, la base de mon cou réagit maintenant à la moindre parcelle de soleil. Si j’oublie de porter un écran solaire de jour, je paye automatiquement en démangeaison le soir.

Certains auront le réflexe de me dire que je n’ai qu’à demander à mon amoureux ou à mes enfants de me crémer là où je n’y arrive pas seule. C’est vrai, c’est une bonne solution lorsque c’est occasionnel. Car demander toujours la même chose à chaque belle journée d’été peut devenir redondant à long terme. Pour eux, mais surtout pour moi. C’est tannant de devoir tout demander à autrui et attendre que des mains soient disponibles pour procéder !



Être quadruple amputée est assurément une épreuve de patience. C’est aussi un défi de résilience. S’adapter à ses capacités réduites demande de la créativité. Ça tombe bien, je suis une artiste. Et la solution à mon problème de crème solaire se trouvait justement dans mon atelier de peinture.

J’utilise un pinceau doux sur lequel je fais couler un peu de crème solaire. Avec mes prothèses, je peux facilement tenir le pinceau de sorte à «peindre» les zones plus à risque de brûler.

Et ça fonctionne à merveille !

Quand je contourne les limites de mon handicap, je me sens victorieuse, et du coup, plus autonome. Reste que je suis très sensible à ce que peuvent vivre ceux et celles qui n’ont tout simplement pas la mobilité ou les capacités intellectuelles pour se crémer.

Dimanche dernier, le soleil – et les participants – brillait de mille feux lors de «La marche qui roule» où une centaine de personnes en situation de handicap ont parcouru près de 2 km sur le circuit du Grand Prix de Trois-Rivières. Outres les nombreux sourires, on pouvait observer des gestes d’entraide tout aussi touchants les uns que les autres. Dans ces petites attentions que les proches aidants exécutaient sans même s’en rendre compte, il y avait le rituel d’application de protection solaire.

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La Semaine québécoise des personnes handicapées se tient chaque année du 1er au 7 juin. Profitons-en pour être à l’écoute des 16 % de la population et multiplier les gestes inclusifs !