Le quatuor avait visiblement un vrai plaisir à jouer sa partition économique, jeudi. Les quatre responsables politiques ont présenté au grand public leur œuvre commune la plus aboutie : l’implantation à McMasterville et à Saint-Basile-le-Grand de la méga-usine de la Suédoise Northvolt, qui produira des cellules de batterie.
Ce projet est le plus important investissement privé manufacturier de l’histoire du Québec. Pour les deux paliers de gouvernement, il est aussi le plus coûteux, puisqu’ils fourniront eux-mêmes près de 40% des 7 milliards$ requis au démarrage de l’usine.
Par la suite, et sur plusieurs années, les aides incitatives à la production provenant des gouvernements pourraient atteindre jusqu’à 4,6 milliards$. C’est vertigineux.
C’est potentiellement plus de deux millions de dollars pour chacun des 3000 emplois directs attendus!
Un vrai événement
Cela étant, il est rare que l’on assiste à la naissance d’une nouvelle filière industrielle, une nouvelle « grappe industrielle » — pour reprendre le vocable popularisé au début des années 90 au Québec par Gérald Tremblay, alors ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Il est indéniable que l’année 2023 aura vu naître quelque chose à cet égard, tant en Ontario qu’au Québec. Et d’autres annonces importantes sont dans les cartons pour le Québec, des projets qui seront également soutenus par des investissements publics. Ces annonces devraient venir d’ici la fin de 2024.
François Legault et Pierre Fitzgibbon voudraient bien que l’on se retourne dans plusieurs années et que l’on constate que la création d’une « filière batterie » au Québec a contribué à l’avenir collectif.
François-Philippe Champagne et Justin Trudeau aimeraient que l’on dise la même chose lorsqu’on regardera plus largement le Canada, puisque l’Ontario deviendra un terrain de prédilection pour la production de voitures électriques.
Pour ce qui est du Québec, c’est un fait que Northvolt est de loin la pièce la plus spectaculaire et la plus stratégique de toutes les annonces récentes concernant la « filière batterie ».
Joe Biden
Aux yeux de nos gouvernements, il s’agit de ne pas rater le train. C’est maintenant qu’il passe. Pas dans dix ans.
La question des aides publiques est toutefois centrale.
Jusqu’où les gouvernements doivent-ils eux-mêmes investir pour favoriser l’implantation d’une entreprise? La question se pose même lorsqu’il s’agit de créer de toutes pièces un tout nouveau secteur industriel.
En passant, on peut rappeler que M. Legault a toujours estimé qu’un gouvernement se doit d’être « interventionniste ». Là-dessus, il a toujours été de l’école des Bernard Landry et compagnie.
Mais avec Northvolt, on passe à une échelle stratosphérique.
Oui, mais si le Québec et le Canada veulent jouer dans ce match international, ils n’ont pas le choix d’être aussi généreux que l’est l’administration de Joe Biden aux États-Unis.
On rentre dans la danse ou on n’y entre pas!
Depuis que le président américain a signé l’Inflation Reduction Act, un plan doté de 400 milliards$, les entreprises peuvent faire monter les enchères jusqu’au vertige. Elles en profitent et... partagent les risques.
Joe Biden a tellement forcé la main de tout le monde qu’en début d’année, la Commission européenne, par la voix de Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, faisait des pieds et des mains pour que l’Union européenne ajuste à la hausse ses aides de toutes sortes et réponde à l’Inflation Reduction Act, qui agit comme un aspirateur d’investissements internationaux.
Rendez-vous dans une génération
Au-delà des aides gouvernementales, ce qu’il convient surtout d’évaluer est le « retour sur l’investissement ».
À ce sujet, Québec affirme que « le projet génèrera des retombées économiques égales à la valeur des incitatifs à la production, et ce, dans un délai de cinq à neuf ans ».
Québec et Ottawa disent que « cette usine permettra de soutenir des dizaines de milliers d’emplois à l’échelle du pays et d’injecter jusqu’à 1,6 milliard$ dans le PIB annuellement lorsqu’elle aura atteint son plein potentiel ».
Le pari est porteur. Mais il n’est pas sans risque. C’est comme dans tout.
On pourrait aussi parler des questions qui se posent sur la main-d’oeuvre à trouver ou concernant l’effet qu’aura l’arrivée de Northvolt sur des PME de la grande région de Montréal. Plusieurs pourraient perdre des employés au profit de l’entreprise suédoise. Et il existe tant d’autres questions sans réponse!
Rendez-vous dans une génération pour juger du tout.