Chronique|

Les « tant qu’à y être » du tramway

Le chantier entre le chemin des Quatre-Bourgeois et le boulevard Hochelaga.

CHRONIQUE / La Ville de Québec profite du tramway pour réaliser des projets routiers et aménagements urbains qu’elle n’aurait pas fait autrement ou plus tard seulement.


On parle de projets « déclenchés » par le tramway mais qui ne sont pas essentiels à sa réalisation. Des « tant qu’à y être », si on peut dire.

Comme à la maison quand on construit ou rénove. On en profite pour inclure des travaux non urgents qu’il devient logique de faire en même temps que les autres. Ou des travaux qui vont ajouter une « plus value » dont il serait bête de se priver.

Ces projets sont « jugés bénéfiques pour les citoyens de Québec », explique le bureau de projet du tramway.

Pour l’heure, ces « tant qu’à y être » totalisent 77M $, mais d’autres sont déjà planifiés et de nouvelles occasions vont peut-être se présenter. Trop tôt donc, pour avoir un portrait complet.

Ces investissements « optionnels » s’ajoutent aux 341 M $ dépensés depuis 2020 pour la planification, la promotion et des travaux préparatoires au tramway. Ce bilan date du 30 juin 2023 et le compteur continue de tourner.

Un nouveau contrat vient d’être octroyé à la firme Stantec (12M $) pour le déplacement des réseaux techniques urbains (gaz, électricité, câble, téléphone) le long du boulevard René-Lévesque. Des travaux essentiels pour le tramway.

Les 341M $ dépensés (maintenant davantage) sont inclus dans l’enveloppe de 924,6 M$ autorisée par le gouvernement du Québec. L’autorisation finale et définitive de l’ensemble du projet devrait venir du Conseil des ministres au début 2024.

Outre les dépenses nécessaires et les « tant qu’à y être » payés par la ville, le ministère des Transports du Québec a aussi engagé des dépenses pour relier les autobus de Lévis au futur pôle d’échange du tramway à Sainte-Foy.

Le débat public se poursuit et l’acceptabilité sociale tarde à venir, mais le projet est en marche et devient de plus en plus difficile à arrêter.

Abandonner après être allé si loin serait un gaspillage de fonds publics. Mais c’est surtout qu’il faudrait recommencer à chercher des moyens d’améliorer l’offre de transport en commun dans la région. Tout scénario impliquera de nouveaux délais sans la certitude de pouvoir financer un éventuel projet.

Pas étonnant que l’Assemblée nationale ait réitéré jeudi son appui unanime au projet de Québec.

Cela dit, tout le monde est préoccupé par la hausse probable des coûts. Les consortiums intéressés au projet doivent déposer leurs propositions financières au plus tard le 2 novembre. C’est seulement après que l’on connaîtra le nouvel estimé des coûts du tramway.

En attendant, voici la liste des «tant qu’à y être» déjà réalisés ou prévus.

Une projection du tramway, à l’angle des rues Saint-Joseph et de la Couronne, dans le quartier Saint-Roch.

Le boulevard Hochelaga

L’élargissement du boulevard Hochelaga arrive en tête de liste avec 59 M$, incluant les acquisitions de terrains.

La Ville estimait que ces travaux étaient essentiels et aurait voulu les inclure dans le budget du tramway. Son argument est que des voies supplémentaires étaient nécessaires sur Hochelaga pour y détourner la circulation pendant les travaux du tramway sur le boulevard Laurier.

Le gouvernement de la CAQ a refusé. De guerre lasse, l’administration Labeaume a dû se résigner et a payé seule les travaux sur Hochelaga.

Il faut ici se replacer dans le contexte. C’était l’époque où la CAQ branlait encore dans le manche pour le tramway et avait mis une chape de plomb sur le budget.

Insister davantage n’aurait rien donné. Les dépenses de Hochelaga ont donc été inscrites dans la liste des « tant qu’à y être », plutôt que dans le budget principal.

La montée Mendel

Un pont d’étagement devra être construit par-dessus la voie ferrée du CN (près de Pie XII) pour amener le tramway vers le terminus de la rue Legendre (près du IKEA). Ces travaux sont inclus dans le budget du tramway.

La Ville de Québec a cependant prévu un ouvrage plus large afin d’y faire passer aussi des voies de circulation, cyclable et piétonne.

Cela permettra de relier le boulevard du Versant Nord au boulevard de la Chaudière.

L’administration Marchand (et avant elle l’administration Labeaume) y voit une occasion de désenclaver les quartiers Chaudière et Cap-Rouge.

Le prolongement de la rue Mendel et l’élargissement du viaduc semblent cependant contradictoires avec la «volonté» du maire Marchand de réduire la place de l’auto dans le futur quartier du terminus du tramway. Des groupes « verts » le lui reprochent d’ailleurs.

Le Conseil régional de l’environnement croit que la Ville se tire dans le pied en augmentant ainsi la capacité routière. Il craint notamment une augmentation de la circulation de transit dans Pointe Sainte-Foy.

Le groupe Accès transports viables est du même avis. Il pense que la ville devrait investir dans le transport actif et collectif, plutôt que dans un nouveau lien routier.

La facture du viaduc élargi pour l’auto, du prolongement de Mendel, des trottoirs et d’une voie cyclable, sera à la charge de la ville. Cela représente environ 60% des coûts du « chantier Mendel ». Ce projet avait été évalué à 21 M$ en 2019, mais les coûts ont certainement grimpé depuis. Ils seront connus au moment où seront donnés les contrats.

Rue Lavigerie

Maquette du tracé du tramway sur le boulevard Laurier

La Ville vient de compléter l’élargissement de la rue Lavigerie, entre Hochelaga et Laurier. Une voie de circulation a été ajoutée dans chaque direction. Contrairement à Hochelaga, une partie des travaux (1 M$ sur 4,5 M$) est imputée au budget du tramway.

La Ville paye pour sa part les aménagements de surface, l’élargissement des trottoirs et les plantations de verdure (3,5 M$).

Québec a profité de ces travaux pour refaire la place publique à l’angle Hochelaga/Lavigerie. Les plans n’étant pas complétés, il est trop tôt pour en connaître les coûts précis.

Rue Dorchester

Les travaux sur la rue Dorchester dans Saint-Roch.

Une des transformations les plus audacieuses induites par le tramway est la fermeture du trafic de transit sur la rue de la Couronne qui sera réservée éventuellement au tramway, vélos, piétons et à la circulation locale.

Le transit sera déplacé vers la rue Dorchester qui deviendra double sens. La ville avait déjà prévu une mise à niveau des réseaux souterrains de Dorchester qui sont âgés.

Par souci d’efficacité, ces travaux souterrains ont été combinés avec les réaménagements de surface requis pour le tramway. La facture totale, 24,8 M$, a été partagée entre la ville (14,6 M$) et le budget du tramway (10,2 M$).

L’Ilot Landry

Québec prévoit créer un nouvel espace vert à « l’ilot Landry », à l’angle du boulevard Hochelaga, près de la route de l’Église. Ce projet n’est pas nécessaire pour le tramway, car celui-ci ne passe pas sur Hochelaga.

Le réaménagement de Hochelaga donne cependant l’occasion à la Ville de revoir cet ilot. Et d’en payer les coûts.

D’autres « tant qu’à y être » pourraient ainsi s’ajouter dans le corridor élargi du tramway.

Cela me semble tout à fait dans l’ordre des choses. Depuis le début, les promoteurs du tramway ont toujours plaidé que le tramway serait l’occasion de transformer la ville et en améliorer les espaces publics.

On parle d’une rénovation de façade à façade partout où va passer le tramway.

Le premier scénario budgétaire (mars 2018) prévoyait que la Ville y consacrerait 300 M$ (élargissements de rues et trottoirs, aménagements urbains, plantation d’arbres, etc).

Un «gros coussin», estimait alors le maire Labeaume. Il ne pensait pas dépenser tout ça et en l’étalant sur plusieurs années, « on ne le sentira même pas », croyait-il.

Le gouvernement de la CAQ a plus tard changé la donne. Les 300 M$ prévus par la Ville ont été formellement intégrés au budget du tramway. Cela représentait 10 % de la facture, un ratio maintenu depuis. C’est la part du tramway que devra payer la Ville. Sans compter les « tant qu’à y être ».