Vingt-six entreprises mobilisées pour le tourisme durable

Enracinée dans le quartier Saint-Roch, Apikol est l'une des 26 entreprises touristiques qui ont entamé les démarches pour obtenir le sceau Biosphere.

MILIEU DE TRAVAIL / Vingt-six entreprises de Québec ont levé la main pour accélérer le virage vers un tourisme durable. Ensemble, elles forment une première cohorte à vouloir obtenir la certification Biosphere, quitte à devoir adapter leurs pratiques afin d’atteindre leurs cibles.


Lorsque Frédéric Dutil, cofondateur de l’hydromellerie et distillerie urbaine Apikol, a vu des visages familiers lors de la première rencontre à la mi-novembre, il a su que l’entraide entre les 26 entreprises pionnières serait forte.

Certaines d’entre elles figurent déjà parmi ses partenaires, d’autres ont la qualité de savoir pousser leurs idées.

« Dans la cohorte, c’est du monde qui veut s’aider les uns et les autres », indique M. Dutil, qui a consacré plus de 25 années de travail à l’environnement avant de lancer Apikol il y a deux ans.

Bien que l’écoresponsabilité fasse partie des valeurs des trois associés derrière Apikol, la démarche de certification Biosphere les amène à s’interroger davantage sur les bonnes pratiques à adopter. « Le développement durable, j’ai baigné là-dedans. Mais ça me force à me reposer la question. Il faut maintenant en faire la preuve. »

L’initiative vient de Destination Québec cité, qui veut faire de Québec la première destination francophone à obtenir le sceau Biosphere.

Pour y arriver, ses membres, issus de tous les secteurs touristiques, doivent se mobiliser, compte tenu que seul l’hôtel Nomad dans le Vieux-Québec a obtenu, en avril dernier, la certification de son propre chef.

Créée par l’Institut du tourisme responsable en Espagne, la certification Biosphere repose sur les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies dont la santé et le bien-être, l’énergie propre et abordable ainsi que les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques.

C’est à ces cibles que devront se mesurer les entreprises participantes.

Frédéric Dutil et Ghislain Fortin s'occupant des ruches d'Apikol.

La force d’Apikol, dit M. Dutil, réside dans ses choix responsables, alors que la croissance économique de l’entreprise passe en deuxième. Avec des ruches au Parc technologique de Québec, à l’île d’Orléans et au Lac-Saint-Jean, l’entreprise d’agrotourisme vise à sensibiliser les citoyens et les entreprises à l’agriculture de proximité et à la protection de la biodiversité.

Pour M. Dutil, le fait qu’il y ait une cohésion autour de ce sceau-là à Québec l’a convaincu de s’engager. « J’espère qu’on va faire quelque chose de commun. On est une cohorte et on se rencontre, mais j’espère que ça va aller plus loin », insiste celui qui souhaite jouer un rôle d’ambassadeur pour ses collègues.

« Une responsabilité sociale »

Des séances de coworking, sous la supervision de l’agence-conseil en développement durable Ellio, sont prévues au calendrier de la cohorte jusqu’au printemps prochain.

Émilie Pelletier, qui est à la tête de HQ Services touristiques et de Tuque et bicycle expériences, n’a pas l’intention de faire la démarche en solitaire.

« Mon équipe, c’est elle qui a un contact avec la clientèle. Les employés sont de plus en plus capables de prendre les décisions par eux-mêmes. Cette procédure-là va aussi les sensibiliser et mettre des mots sur les valeurs qu’ils ont déjà en dedans d’eux, mais dont ils ne sont pas encore conscients », souligne-t-elle.

Tuque et bicycle expériences a élu domicile sur la rue Saint-Paul dans le Vieux-Port.

Ses deux entreprises qui offrent des tours guidés à pied comme à vélo misent sur le tourisme lent.

« On a vraiment la chance de changer la philosophie des touristes et d’influencer leurs décisions pendant le voyage. »

—  Émilie Pelletier, propriétaire de HQ Services touristique et Tuque et bicycle expériences

La femme d’affaires voit, dans l’obtention de la certification Biosphere, une opportunité de « se démarquer » et de « montrer l’exemple » pour l’industrie touristique. Une opportunité de s’améliorer aussi. « Nos forces vont être mises de l’avant, mais ça va nous aider à réfléchir dans quelle sphère on n’a pas d’impact actuellement et comment on peut en avoir », souffle l’entrepreneure de 24 ans.

Même si le processus n’en est qu’à ses balbutiements, Mme Pelletier a déjà quelques idées en tête dont l’ajout d’une fontaine d’eau et de verres réutilisables dans sa boutique afin d’éviter les bouteilles de plastique à usage unique.

Par ailleurs, en impliquant ses équipes dans la discussion, elle souhaite trouver des pistes pour améliorer la santé et le bien-être au travail, l’une des cibles des Nations Unies. « C’est bien beau dire qu’on a la valeur de la bienveillance, mais si on ne fait rien pour s’assurer que c’est mis en place, que c’est respecté et que ça évolue au sein de l’entreprise, ça ne sert à rien », affirme celle qui sait que la saison touristique implique un rythme de travail effréné.

Les deux entreprises d'Émilie Pelletier qui offrent des tours guidés à pied comme à vélo misent sur le tourisme lent.

Avec l’importante empreinte écologique de l’industrie touristique, dit-elle, le développement durable doit devenir une norme. Mais, pour y arriver, il s’agit d’un cheminement continu. « Ça a enlevé la pression d’être parfait. On va y aller étape par étape », laisse tomber Mme Pelletier.

Chercher l’équilibre

Chez Croisières AML, la flotte de 25 navires a déjà gagné le sceau de l’Alliance verte, un programme de certification environnementale pour l’industrie maritime nord-américaine. « On est très conscient de l’impact humain, notamment, sur la faune et la flore », explique Lucie Charland, la vice-présidente en développement et affaires publiques.

Croisières AML est co-fondatrice de l’Alliance Éco-Baleine, un organisme qui s’engage à adopter des pratiques écoresponsables lors d’excursions d’observation des baleines en mer.

S’il existe une panoplie de certifications, l’entreprise familiale de Yan et Loïc Hamel, deuxième génération de propriétaire, a choisi de suivre la vague initiée par Destination Québec cité. « D’être capable de partager, c’est extrêmement motivant et stimulant pour l’entreprise au lieu d’être isolée pour faire le processus. »

Croisières AML ne part pas de zéro. « Ce qui est intéressant du processus, ça nous permet de constater tout ce qu’on fait déjà », soutient Mme Charland, en énumérant le choix d’opter pour des huiles de qualité pour les bateaux, la vaisselle lavable utilisée lors des soupers croisières et le club social actif pour les employés.

N’empêche que le défi reste vaste. « Tu essayes de tout faire ces changements-là pour avoir le moins d’impacts possible. Mais en même temps, à la base, la viabilité de l’entreprise est importante. C’est de trouver un équilibre à travers nos gestes environnementaux. »

Mme Charland n’a pas de doute que « chaque entreprise doit évoluer, doit se poser des questions et se réinventer », alors que les attentes de la clientèle envers l’industrie touristique changent.