Alexandra Goulet, qui a fait son arrivée à ce poste plus tôt cette année, connaît ces impacts mieux que quiconque. Elle a en effet été suivie par la DPJ durant sa jeunesse et se souvient, non sans émotions, des commentaires qui lui étaient passés à l’époque.
« Ces commentaires, quand on est en train de se développer, de grandir, ont un énorme impact. Pour l’avoir vécu, j’ai tendance à dire que les préjugés et la stigmatisation m’ont fait beaucoup plus de dommages que la raison pour laquelle la DPJ est entrée dans ma vie », explique-t-elle en entrevue avec La Tribune.
Des commentaires qui lui prédisaient une vie de violence, d’alcoolisme ou de difficulté d’intégration en raison de son bagage, et des parents qui disaient à leurs enfants que la DPJ débarquerait les prendre s’ils n’écoutaient pas, Mme Goulet en a entendu. Trop souvent.
Elle a décidé d’utiliser sa tribune à la Fondation du Centre jeunesse de l’Estrie pour faire naître l’initiative Enlève ton étiquette!, qui vise à briser les stéréotypes véhiculés à propos des jeunes bénéficiaires de la DPJ.
Déjà, plusieurs autres fondations semblables au Québec, divers établissements de santé, dont le CIUSSS de l’Estrie-CHUS, et des politiciens ont appuyé cette démarche.
« Le mouvement, en ce moment, fait en sorte qu’autant les jeunes que les intervenants de la DPJ, on est en train de relever la tête et retrouver la fierté qui nous appartient. Si on ne fait que s’attarder au bagage de ces jeunes, ce sera très difficile pour eux de s’épanouir. »
— Alexandra Goulet, directrice générale de la Fondation du Centre jeunesse de l'Estrie
« Car une chose est sûre, continue-t-elle, ces jugements ont un impact sur l’estime de soi des jeunes. Si on se débarrasse de ces stéréotypes, on sera plus en mesure d’aider les enfants à développer cette estime de soi. Par expérience personnelle, c’est limitatif dans les aspirations des jeunes, mais cette limite-là n’existe pas, c’est le fruit des jugements non fondés de certaines personnes. »
L’envers de la médaille
Travailleur social au Centre jeunesse de l’Estrie, Gabriel Paradis mentionne lui aussi voir les effets néfastes de l’étiquette « jeunes de la DPJ ».
« Je travaille surtout avec des adolescents, donc j’arrive à la période de leur vie où ils prennent plus conscience de ce regard extérieur, de comment les gens les perçoivent. Ils deviennent moins à l’aise, ils ne veulent pas être associés au Centre jeunesse, ils s’inquiètent par rapport à la recherche d’emploi. On le voit vraiment au quotidien », se désole-t-il.
M. Paradis remarque aussi tristement que son titre d’emploi subit les contrecoups de la réputation de la DPJ, qui est surtout reconnue médiatiquement et publiquement pour les choses plus négatives plutôt que pour le « travail extraordinaire effectué auprès de milliers d’enfants chaque année », selon lui.
« Ce n’est pas attrayant quand l’image qu’on projette de la DPJ en est une d’oppresseure, quand notre travail est d’accompagner les jeunes et les familles. Quand on prend la peine de réfléchir au mandat qu’on a, c’en est un qui est très beau », affirme M. Paradis.
« Quand je rencontre de nouvelles personnes, il y a tout le temps un malaise avec mon titre d’emploi, poursuit-il. Je me demande toujours si je dis aux gens que je travaille pour le Centre jeunesse ou la DPJ. Il y a un travail à faire pour sensibiliser les gens à notre travail et à ce qu’on fait réellement au quotidien. »
Le temps d’en parler
La campagne Enlève ton étiquette!, en plus de la sortie médiatique de lundi, comprend plusieurs volets, notamment le partage prochain de capsules informatives sur les réseaux sociaux. La Fondation du Centre jeunesse de l’Estrie souhaite ainsi ouvrir le dialogue sur la stigmatisation des jeunes et des travailleurs de la DPJ.
« Il y a trente ans, je vivais de la stigmatisation et, malheureusement, trente ans plus tard, elle est encore là. La société n’a jamais été aussi ouverte d’esprit, je pense que là, maintenant, on doit en parler », estime Alexandra Goulet.
« Je suis convaincu que le message va passer. Je crois qu’on fait exactement ce qu’il faut faire », ajoute-t-elle.
Des rubans bicolores orange et bleu font office de symbole de cette initiative. Ils sont remis gratuitement dans tous les points de service de la DPJ en Estrie.