À la rencontrer, on ne pourrait se douter que la dame de 47 ans, lumineuse et souriante, est considérée comme étant mourante. Au contraire, Ingrid Lemay déborde de vie et se raconte sans filtre.
« J’ai conscience de la maladie, je sais que mon temps est compté, mais je vais bien. Je suis certaine de vivre plus longtemps que ce qu’on m’a dit ! » affirme-t-elle.
Sa vie a toutefois été chamboulée en mars 2018, lorsqu’elle a été victime d’une grave agression. La violence de celle-ci était telle que la dame a sombré dans une sévère dépression en plus de développer un syndrome de stress post-traumatique.
« Tout s’est effondré à ce moment-là, se rappelle la Césairoise, qui a tout de même eu le courage de porter plainte contre son bourreau. Je voulais juste mourir. Je disais qu’il m’avait fallu neuf mois pour naître, mais à peine une minute pour me briser. »
«La puissance du subconscient»
Quelques mois plus tard, la situation d’Ingrid Lemay s’est détériorée.
Une crise d’épilepsie l’envoie à l’hôpital de Saint-Jean-sur-Richelieu le 7 décembre. La découverte d’une masse au cerveau nécessite le transfert de la patiente à l’Hôpital Charles-Lemoyne, à Longueuil, le lendemain.
C’est en présence de ses parents que Mme Lemay a reçu le diagnostic fatidique : un glioblastome multiforme, un type de cancer du cerveau qui ne peut être guéri.
« C’est mon père qui a demandé combien de temps il me restait à vivre, se souvient la dame de 47 ans. Pour ma part, dès que j’ai compris que c’était incurable, les oreilles m’ont bouché. Je n’entendais plus rien. »
« Je n’y croyais pas. Un cancer du cerveau ? J’étais en dépression, oui, mais j’arrivais à vivre », poursuit-elle.
« Au début, tu ne comprends pas. Ça ne se peut pas. La vie continue pour tout le monde de la même manière : les autres continuent leur vie, les oiseaux volent dans le ciel, mais toi, tu vas mourir. Tu te sens pris dans une bulle. Tu te sens impuissant », laisse-t-elle ensuite tomber.
Ce cancer serait-il le résultat de plusieurs mois d’angoisse et de dépression ? C’est ce que croit Mme Lemay.
« J’ai lu qu’une maladie grave peut survenir après un choc traumatique, affirme-t-elle. C’est la puissance du subconscient : j’ai tellement pensé à mourir que c’est peut-être ce qui est arrivé... Mais j’ai réalisé que dans les faits, je voulais simplement arrêter de souffrir. »
Le diagnostic de cancer a toutefois changé la donne. « À ce moment-là, je me sentais plus vivante que dans les 10 mois qui ont précédé, dit-elle. Je suis motivée à vivre. »
Une voix apaisante
Sur le coup de la nouvelle, Mme Lemay n’a pas annoncé à son fils, aujourd’hui âgé de 23 ans, qu’elle avait le cancer. Elle a attendu six mois de plus pour lui apprendre que son espérance de vie était réduite à quelques mois.
« Le plus difficile dans tout ça, c’est penser à mon fils, confie-t-elle, émotive. Mais je lui ai dit que ma bataille n’était pas terminée, que j’avais encore beaucoup de montagnes à gravir. »
La première de ces montagnes a été de subir une opération au cerveau en étant éveillée, le 20 décembre, avec un risque de perdre la sensibilité et la motricité de son côté gauche. « Mon neurochirurgien m’a dit qu’en étant jeune et en santé, je pouvais être opérée. Il m’a dit qu’on pouvait travailler ensemble. Et j’ai dit : “Allons-y !” » lance la femme.
L’intervention, qui s’est étirée sur six heures, a permis de retirer la tumeur qui s’était accrochée à son cerveau. Pour se calmer, Mme Lemay a écouté la musique d’Andrea Bocelli pendant l’opération.
Mais plutôt que la voix du ténor, c’est celle de son neurochirurgien, Ramez Malak, qui l’a apaisée. « Je l’ai senti extrêmement fier de son travail, et rassurant, se rappelle Mme Lemay. Quand je l’ai entendu, je me suis dit : “OK, on se bat !” Il m’a donné la force. »
À la demande de sa patiente, croyante, le spécialiste a porté sur lui une croix bénie pour que tout se déroule bien. Lorsqu’il a voulu la lui remettre, au moment d’une visite aux soins intensifs après l’opération, Ingrid Lemay la lui a plutôt offerte. « J’ai eu la chance de rencontrer ce médecin-là qui est très humain et humble, se réjouit-elle. J’ai été soutenue dans un moment où je me sentais comme rien du tout. Pour moi, il n’y a pas de hasard : que des rendez-vous. »
La chirurgie fut suivie de six semaines de radiothérapie quotidienne à l’hôpital, ainsi que de chimiothérapie, qui a fait perdre ses cheveux à Mme Lemay. Mais cette épreuve supplémentaire n’allait pas l’arrêter. « Pendant la radiothérapie, je disais que j’allais en relaxation. Je méditais, je priais. Je visualisais le laser qui brûlait ce qui restait du cancer en moi », explique-t-elle.
Soutenir la recherche
Déclaré coupable au terme de son procès en chambre criminelle, ce printemps, l’agresseur de Mme Lemay a écopé d’une amende de 1000 $, que Mme Lemay a choisi de verser à la Société canadienne du cancer.
Pour la Césairoise, c’était le début d’une nouvelle étape, soit celle de soutenir la recherche sur les cancers du cerveau. « J’ai vu à quel point il y a des gens extrêmement brillants et intelligents dans la recherche, qui font tout ce qu’ils peuvent. Ces gens-là n’ont pas le temps de trouver du financement en plus, fait-elle remarquer. Et moi, ce qui me reste à faire de ma vie, c’est prendre soin de moi et amasser de l’argent pour la cause. »
Déjà, elle a réussi à amasser près de 3000 $ pour la Société canadienne du cancer en organisant d’abord un déjeuner aux Chevaliers de Colomb de Saint-Césaire, puis une soirée méchoui à Marieville.
D’autres activités de financement seront à venir, indique-t-elle. « Je suis loin d’avoir fini ! annonce celle qui a d’ailleurs écrit une chanson sur son expérience. Je ne m’arrêterai pas, je veux vivre et je veux aider plein de gens. »
« La vie est belle, dit-elle à d’autres personnes dans sa situation. Il faut prendre le temps d’écouter le vent. »