
L’étude sur la maladie de Lyme en voie de s’élargir à Bromont
Jean-Philippe Rocheleau fait partie des chercheurs qui ont mené jusqu’ici l’enquête sur le terrain à Bromont. Le projet initial est si prometteur que le groupe veut élargir l’étude. «Les souris à pattes blanches et sylvestres sont les principaux réservoirs de la maladie de Lyme, a dit celui qui est rattaché au département de pathologie et microbiologie de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. On veut mieux comprendre l’écologie de ces rongeurs dans la région de Bromont.»
En fait, les souris infectées sont porteuses de la bactérie Borrelia burgdorferi. Les chercheurs ont donc installé dans des endroits stratégiques des stations qui permettent aux rongeurs d’entrer par de petites ouvertures pour s’alimenter. Les souris sont ainsi immunisées en ingérant une molécule de la famille des acaricides (fluralaner) utilisée en médecine vétérinaire, notamment avec les chiens. Les tiques à pattes noires, qui ont une durée de vie moyenne de deux ans, sont infectées par la bactérie lorsqu’elles sont à l’état de larves en se nourrissant du sang de souris.
Elles deviennent par la suite des nymphes, juste avant le stade adulte. C’est à ce moment qu’elles transmettent la bactérie à l’humain en le piquant, principalement quand elles commencent à être actives au printemps (entre 4 à 10 degrés Celsius). La personne infectée peut ensuite développer la maladie de Lyme si elle n’est pas traitée rapidement.

Initialement, le projet pilote devait s’échelonner sur deux ans, soit de 2019 à 2021. Les chercheurs veulent ajouter une année d’investigation pour mener à terme le second volet sur les rongeurs. Cette portion de l’étude consisterait principalement à capturer les souris pour prélever certains échantillons avant de les relâcher. «On veut identifier l’étendue du territoire des souris. On veut aussi vérifier leurs selles et leur prélever du sang sous anesthésie pour valider la présence puis la concentration du médicament», a expliqué Jean-Philippe Rocheleau.
Un bilan de la première année d’investigation devait être produit à ce jour. La pandémie a toutefois freiné le processus en ce qui concerne les analyses de laboratoire sur la présence dans les tiques de la bactérie engendrant la maladie de Lyme. «Les méthodes utilisées pour trouver la bactérie sont similaires à celles pour détecter le coronavirus, a expliqué M. Rocheleau. Tous les équipements, les réactifs, sont mobilisés pour la COVID-19, ce qui diminue considérablement notre capacité d’analyse.»
Retombées
Les répercussions de cette étude sur la maladie de Lyme dépassent largement le cadre provincial. «La maladie de Lyme est non seulement présente au Canada et aux États-Unis, mais également en Europe. Il y a aussi plusieurs autres maladies transmises par les tiques en émergence pour lesquelles le traitement à l’étude pourrait avoir des impacts positifs», a mentionné Jean-Philippe Rocheleau, qui est également professeur au département de Santé animale du Cégep de Saint-Hyacinthe.
Il met toutefois un bémol. «On ne veut pas utiliser des molécules pharmaceutiques n’importe où, de n’importe quelle façon, a-t-il prévenu. On doit utiliser le médicament avec parcimonie dans des zones ciblées où le risque de transmission est élevé. Ce n’est donc pas un traitement qui pourrait être diffusé à grande échelle.»
La sensibilisation du public demeure incontournable pour éviter la propagation de la maladie, a souligné à grands traits le chercheur. Lors de randonnées dans la nature, porter des vêtements longs et les inspecter régulièrement pour enlever les tiques qui tentent de s’y accrocher font entre autres partie des recommandations. Il faut également savoir détecter les signes de piqûres de tiques, notamment les éruptions cutanées.

Financement
Reconduire l’étude sur deux ans ne se fait évidemment pas sans financement. Une demande de subvention de 100 000$ a été déposée en ce sens à la fin septembre auprès du ministère de l’Économie et de l’Innovation. La somme, répartie à parts égales sur deux ans, proviendrait du Fonds de recherche du Québec. Le budget serait bouclé avec l’apport de 10 000$ de la Ville de Bromont, également sur deux ans.
Cinq autres chercheurs piloteraient l’étude, en partenariat avec trois à quatre personnes supplémentaires sur le terrain. On parle notamment d’étudiants universitaires et de stagiaires en recherche au collégial.
L’investigation serait réalisée dans la dizaine de zones déjà ciblées à Bromont lors des recherches initiales. Si tout se déroule comme prévu, le projet sera relancé dès l’été 2021, possiblement en mai.
De son côté, le maire de Bromont, Louis Villeneuve, est enthousiaste à l’idée de mener ce vaste projet à terme. «C’est une fierté d’être des précurseurs à Bromont pour stopper la progression de la maladie de Lyme. On veut faire notre part pour protéger notre population, nos visiteurs. Et on sait très bien que le travail fait ici pourrait rayonner à travers le monde.»
Au cours des neuf premiers mois de l’année, 200 diagnostics de la maladie de Lyme ont été enregistrés au Québec, soit une augmentation de plus du tiers par rapport à la même période l’an dernier (146 cas).
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