Procès du propriétaire des chiens de Val-des-Sources : « Je ne suis plus capable de prendre des marches »

« Je suis extrêmement déçu de mes chiens et désolé pour les femmes qui ont été blessées », avait confié à l'époque Patrick Houle, président de l'entreprise Magnésium Technologies Recycles, et propriétaire des cinq Danois.

Le procès pour négligence criminelle de Patrick Houle, le propriétaire des chiens qui ont attaqué deux marcheuses sur une piste cyclable de Val-des-Sources, s’est amorcé avec les témoignages des deux victimes en question, lundi au palais de justice de Sherbrooke. En plus de décrire les événements et les blessures subies, l’une des deux femmes a rapporté que les chiens avaient été vus au même endroit la veille par un membre de sa famille, et que ceux-ci l’avaient effrayé à un point tel qu’il avait empêché deux jeunes filles d’emprunter la piste cyclable.


Jacqueline Sévigny et Micheline Beaulieu ont chacune été appelées par la poursuite afin de raconter le déroulement des événements du 31 août 2021 devant le juge Conrad Chapdelaine, avant d’être contre-interrogées par la défense, représentée par Me Bernard Raymond. Le procureur à la direction des poursuites criminelles et pénales dans ce dossier, Me François Houle, a d’autant plus présenté en preuve des images des blessures, qui comportaient notamment des plaies ouvertes, des perforations, des traces de saignement et des ecchymoses.

Les deux femmes ont raconté qu’elles revenaient de leur promenade avec une autre amie, ce matin-là. C’est près de l’entreprise de M. Houle, Magnésium Technologies Recycles, qu’elles auraient entendu japper avant de voir les cinq chiens de Patrick Houle, « deux noirs, trois beiges », courir vers elles. La clôture bordant le terrain de l’entreprise était alors ouverte, ont-elles insisté.



« J’ai reculé, je suis tombée et j’ai dit : je meurs ici, certain. Cinq chiens qui nous attaquent ! » a confié Mme Sévigny. Mme Beaulieu serait tombée sur Mme Sévigny, qui se trouvait alors dans le fossé, pendant que les chiens leur infligeaient des morsures. « Je me suis fermé les yeux [...] J’étais sûre que je mourrais là », a-t-elle dit, ajoutant qu’elle les entendait toujours japper et qu’elle sentait des morsures sur son bras droit.

« Je ne peux pas dire c’est quel chien qui a fait ça. Je ne peux pas dire si c’est un chien ou plusieurs », a-t-elle précisé.

M. Houle aurait tenté de rappeler ses chiens, sans succès, a-t-elle témoigné. « Il a crié après ses chiens pour qu’ils arrêtent. Ils n’arrêtaient pas, mais lui il s’est en venu. Il a dit à ses chiens d’arrêter, mais ç'a pris un petit peu de temps. » À savoir si elle croyait que le propriétaire avait délibérément laissé ses chiens sortir de l’enclos, la femme a répondu que oui. « Pourquoi il avait ses cinq chiens avec lui, pas attachés ? » a-t-elle ajouté.

« Je ne suis plus capable de prendre de marches, en tout cas », a laissé tomber la femme, indiquant avoir toujours été effrayée par les chiens.



Mme Sévigny a aussi tenu à préciser que la veille, son fils serait allé se promener sur la piste cyclable avec sa fille et son chien. « Mon fils avait entendu les chiens sur la piste cyclable vers 9 heures le soir. Il les a vus, aussi. Il a dit aux petites filles : “vous ne vous en allez pas chez vous, les chiens vont vous rattraper.” Il leur a donné son téléphone pour qu’elles appellent leur mère. Mon fils les a ramenées à l’aréna. [...] Le soir même, il a écrit à la Ville. »

« Chiens de garde »

C’est M. Houle qui aurait appelé une ambulance après les événements, selon les femmes.

Selon les souvenirs de Mme Beaulieu, il y aurait eu plusieurs échanges entre les amies et M. Houle avant que les deux victimes montent dans l’ambulance. Il aurait raconté aux femmes s’être procuré des « chiens de garde » puisqu’il s’était fait « voler une grosse chaîne et une pelle ».

De son côté, Micheline Beaulieu a partagé avoir vécu des conséquences psychologiques, en plus des blessures physiques. « On ne laisse pas ça lousse, des chiens ! [...] Je sais c’est quoi, avoir peur des chiens. Je n’avais pas peur avant, mais maintenant, je suis une vraie folle. Je fais des sauts à rien », a-t-elle témoigné.

« Il s’occupe de ses petites bébelles et nous autres on est des humains. Il n’y avait rien qui le rendait mal parce qu’on avait été mordues. Ça m’a fâchée », a lancé Mme Beaulieu.

Me Bernard Raymond a multiplié les questions aux témoins afin de remettre en question la trame factuelle des événements ou des détails comme la position exacte des femmes et des chiens, leur capacité à voir ou non si la clôture était ouverte et leurs interactions avec les bêtes. Il a aussi été question de l’acceptabilité sociale de l’entreprise de M. Houle.



Une garde rapprochée

Dominique Alain

Tout au long de la journée, les deux victimes ont eu le soutien de femmes grandement interpellées par les causes impliquant des attaques canines. Dominique Alain, la Pottonaise qui a été violemment attaquée par trois chiens en 2019 alors qu’elle faisait son jogging, également fondatrice de l‘Association québécoise des victimes d’attaques de chiens, était notamment dans l’assistance. Le propriétaire des trois chiens coupables de son attaque, Alan Barnes, a été condamné à six mois de prison moins un jour, à une probation de trois ans et à faire 240 heures de travaux communautaires en janvier 2021.

Avec elle était présente Lise Vadnais, la sœur de Christiane Vadnais, cette Montréalaise qui a été tuée par un pitbull du voisinage à Pointe-aux-Trembles en 2016.

« On veut qu’il n’ait plus jamais le droit de posséder de chiens », insiste Dominique Alain. C’est d’ailleurs ce qui a été imposé au propriétaire des chiens l’ayant attaquée, rappelle celle qui a accompagné Mmes Sévigny et Beaulieu depuis les événements d’août 2021.

Mmes Alain et Vadnais ont confié avoir trouvé les témoignages ainsi que les contre-interrogatoires très pénibles, en sortie d’audience. « Je ne comprends pas que le système permette que ce soit elles qui se transforment pratiquement en agresseurs, commente Mme Alain. On insinue qu’elles auraient attiré ou excité les chiens. Ça m’a heurtée. Et les chiens sont toujours en vie en plus de ça ! »

Mme Vadnais croit qu’il existe un grand laxisme autour de la question des chiens agressifs. « Je ne comprends pas qu’on ne dise pas : tu as été à l’hôpital, tu as eu des morsures, c’est fini ! »

Le procès doit se poursuivre jusqu’à jeudi, selon ce qui est prévu au programme.