
Cordonnerie R. Dalpé et Fils: la fin d’une histoire... après 67 ans
D’abord, un peu d’histoire. La cordonnerie de Rosario Dalpé a ouvert ses portes en 1948, à Cowansville. Un an après la naissance de Normand, la famille déménage à Granby et ouvre la cordonnerie en 1952, sur la rue Laval. La cordonnerie était alors située au sous-sol et la famille demeurait à l’étage dans un trois et demi. « On n’avait pas beaucoup d’espace », se souvient-il.
En 1960, son père achète le bâtiment actuel — au 505, rue Saint-Jacques — ainsi que la maison adjacente, dans laquelle Normand vit toujours.
À l’âge de 20 ans, Normand fait ses débuts en tant qu’ employé dans l’usine Stanley Tool à Roxton Pond. Il y travaillera jusqu’à l’âge de 28 ans. « On pouvait faire jusqu’à 200 marteaux en une journée. C’était assez répétitif. » Et beaucoup moins créatif que le métier de cordonnier.
Quand son père lui a proposé, à lui, en 1978, et à son frère René, en 1981, de devenir partenaires, ils ont accepté. « Ma mère travaillait aussi avec nous, c’était familial. » S’est donc ajoutée à l’enseigne de la Cordonnerie R. Dalpé, l’inscription « et fils ».
Depuis son enfance
« J’ai toujours travaillé dans la cordonnerie. Même à l’âge de neuf-dix ans, c’est moi qui remplaçais sur l’heure du midi. J’ai toujours travaillé avec lui. Quand j’étais adolescent, c’était mon travail d’été. Avec le temps, j’ai appris le métier. »
En cachette, il apprend à utiliser la machinerie, puisque son père trouvait que c’était trop dangereux pour un enfant, avec raison. « Le midi quand je gardais la place, je me pratiquais sur le moulin à coudre sans qu’il me voie. J’en profitais pour essayer les machines. Dès que je revenais de l’école, j’allais à la cordonnerie », se souvient Normand, souriant.
Depuis, chaque matin, c’est encore le sourire aux lèvres qu’il allait travailler. « Chaque jour était différent aussi, ce n’était pas une routine comme dans une usine. »
Dans les débuts de son père, un cordonnier travaillait encore beaucoup à produire et réparer des attelages pour les chevaux. Une fois établis à Cowansville, en 1948, ils réussissent à faire fonctionner la cordonnerie avec les souliers, mais une fois qu’ils sont devenus trois partenaires dans l’entreprise, la pérennité du commerce a dû passer par la diversification de leurs activités.
« Il fallait être artisan, concepteur, mais aussi créatif. Il y avait beaucoup d’usines qui nous appelaient pour des commandes spécifiques, explique Normand. Chaque compagnie avait des demandes particulières comme pour des ceintures à outils sur mesure. »
Le métier a évolué parce que les matériaux ont évolué, explique Normand. Tranquillement, le cuir a fait place au plastique, pour le meilleur et pour le pire.
D’un point de vue écologique, les cordonneries sont essentielles, plaide M. Dalpé. « Tout ce qu’on répare ne se retrouve pas aux poubelles. On leur donne une autre vie. »
Selon lui, le métier de cordonnier, comme celui de couturière, est voué à disparaître. Les jeunes ne sont pas attirés à prendre la relève. « Pourquoi ? Je ne sais pas. Ce sont des métiers qui ont pourtant une part de création. Peut-être qu’il manque de technologies dans le métier », avance-t-il.
À 68 ans et 60 ans, l’heure de la retraite a sonné pour les frères Dalpé. En fait presque, puisqu’ils acceptent les contrats commerciaux qu’ils font à temps perdu, par passion.
Il ne reste donc plus qu’un seul cordonnier à Granby, soit Le Petit Cordonnier sur la rue Princiaple.
Centre d’achats
L’arrivée des centres d’achats a changé le visage de la rue Principale, affirme Normand. « Avant, c’était sur la Principale que tout se passait. Toutes les chaînes étaient là. Ensuite, elles ont commencé à fermer et à déménager dans les centres d’achats », ajoute-t-il.
Mais une chose est sûre, même après 41 ans à travailler comme cordonnier, Normand Dalpé est encore un passionné.