Le développement des enfants à besoins particuliers compromis

L'accès aux services est difficile pour les enfants ayant des besoins particuliers.

Alors que les files d’attente sont de plus en plus longues pour obtenir un rendez-vous avec un professionnel de la santé, le développement global des enfants avec des besoins particuliers est mis en péril.


C’est notamment ce que révèle le plus récent rapport de l’Observatoire des tout-petits rendu public le 19 septembre.

« En 2020-2021, 21,3 % des jeunes enfants présentant un retard significatif de développement n’avaient pas bénéficié des services des programmes en déficience physique ou en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme dans les délais prescrits par le ministère, selon l’estimation du MSSS », peut-on lire dans les faits saillants du rapport.



Gabrielle Pratte, ergothérapeute et étudiante au doctorat au programme de recherche en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke, explique que l’Estrie ne fait pas figure d’exception : il est difficile pour les familles de la région, ayant des enfants avec des besoins particuliers, d’accéder à des services.

L’Observatoire des tout-petits précise dans son rapport que les enfants ayant besoin de soutien particulier sont âgés de 0 à 5 ans et ont besoin de soutien ou d’interventions supplémentaires « afin de s’assurer qu’ils atteignent leur plein potentiel ». Ces enfants « présentent une difficulté dans leur développement, diagnostiquée ou non, ou une incapacité pouvant entrainer une situation de handicap ».

Accès difficile aux services de garde éducatifs

L’accès aux services de garde éducatifs à l’enfance est périlleux pour ces tout-petits. En novembre 2019, « 83 % des enfants sans besoin de soutien particulier inscrits sur La Place 0-5 avaient trouvé une place alors que ce nombre diminuait à 73 % lorsque les parents avaient indiqué que leur tout-petit avait besoin de soutien particulier », note-t-on dans le rapport.

Selon Mme Pratte, c’est principalement le manque de ressources qui engendre cette difficulté pour les familles. « J’ai des gestionnaires, dans mon projet de recherche, qui me disaient “j’ai eu des choix déchirants à faire. J’ai eu à mettre des enfants à la porte parce que j’avais le choix entre perdre mon éducatrice ou perdre un enfant.” Ce n’était pas fait de gaîté de cœur. »



Avec plus de soutien, Gabrielle Pratte croit que les milieux de garde pourraient accueillir plus d’enfants à besoins particuliers dans leurs rangs.

« Seulement 13 % du personnel éducateur en CPE considère qu’il dispose des conditions nécessaires pour faire de la détection auprès des enfants qui les préoccupent. »

—  Extrait du rapport de l'Observatoire des tout-petits

« L’Estrie est peut-être un peu moins avancée que d’autres régions pour l’accès à du soutien par des éducatrices spécialisées et des professionnels dans les milieux de garde. Par exemple, en termes de nombre d’heures d’éducation spécialisée dans les milieux, on a une moyenne de neuf heures par milieu par semaine versus un 19 h pour l’ensemble du Québec. »

Malgré l’écart important, elle estime qu’il ne s’agit pas d’un retard comme il n’y a pas de directive unique à travers le Québec. Des services peuvent être développés à la pièce par les gestionnaires de milieux de garde. « On n’est pas si différent des autres régions, mais je pense qu’on pourrait en avoir encore plus. »

Changement de paradigme

À ses yeux, il est primordial que des services soient offerts aux enfants avant même la tombée d’un diagnostic officiel.

« Si on continue à offrir des services basés sur le diagnostic ou l’identification formelle d’un besoin par un professionnel, comme c’est beaucoup le cas en ce moment, tous les enfants qui sont en service de garde de 0 à 5 ans et qui sont dans le processus diagnostic ne recevront jamais de services », note-t-elle.

Un changement de paradigme est nécessaire selon la doctorante. « Oui, il y a un délai d’attente pour le diagnostic. En même temps, est-ce qu’on veut tant que ça diagnostiquer nos enfants si jeunes ou voir, si avec les services, ils sont en mesure de dépasser les difficultés qu’ils avaient? » se questionne-t-elle.



Le rapport de l’Observatoire des tout-petits rapporte aussi la nécessité d’adopter une approche axée sur les besoins des enfants et non centrée sur un diagnostic.

En agissant en amont, Mme Pratte estime qu’il est possible de prévenir plusieurs difficultés développementales.

Les enfants avec des besoins particuliers ont rarement accès à des services avant leur entrée à l'école, explique Gabrielle Pratte,  ergothérapeute et étudiante au doctorat au programme de recherche en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke.

Aide quotidienne

Mme Pratte estime que la présence des éducateurs spécialisés doit être généralisée dans les milieux de garde afin d’aider les enfants au quotidien. Elle croit également que des orthophonistes, des ergothérapeutes et des psychoéducateurs doivent soutenir les différents milieux de garde pour appuyer les éducateurs.

En raison d’un manque de services, le développement d’un enfant peut être affecté à long terme. Il n’est pas rare qu’un enfant reçoive les premiers services dont il a besoin après son entrée à l’école primaire, mentionne Gabrielle Pratte.

L’égalité des chances est par le fait même compromise. Elle explique que l’écart est marquant entre les enfants ayant reçu des services en bas âge comparativement à ceux qui n’ont pas eu cette possibilité.

Les parents d’enfants à besoins particuliers voient également leur situation financière et leur santé physique et mentale être compromises selon le rapport.

« Je pense qu’il faut vraiment des services le plus tôt possible pour que les enfants arrivent à l’école avec le plus de chance possible », résume-t-elle.