Ces citoyens souhaitent faire prendre conscience aux décideurs que le bruit engendré par les activités ferroviaires, et en particulier le sifflement des trains la nuit, a un impact réel sur la qualité de vie et la santé publique.
Ils espèrent ultimement que les administrations municipales entendront leurs arguments et amorceront les démarches requises pour faire taire les trains au moins la nuit.
Pour y arriver, ils ont réuni trois spécialistes, soit le Dr Éric Lampron-Goulet, chef du département de santé publique du CIUSSS de l’Estrie-CHUS, l’enseignant et chercheur Tony Leroux de l’Université de Montréal, spécialiste en bruit industriel et environnement, et le maire de Saint-Basile-le-Grand, Yves Lessard, qui se définit comme un militant pour la sécurité ferroviaire afin d’éliminer les nuisances occasionnées par ce type de transport sur les populations avoisinantes.
«C’est une immense réussite que d’avoir pu regrouper trois grosses pointures pour ce forum. J’en suis personnellement très fier», lance le coordonnateur de l’événement, Pierre Perras.
M. Perras est connu à Magog pour son combat pour faire cesser le sifflement des trains la nuit aux différents passages à niveau de la ville. Instigateur du Collectif pour une meilleure qualité de vie à Magog, il a interpellé les élus à quelques reprises depuis plus d’un an, y compris le député provincial Gilles Bélanger et la députée fédérale Pascale Saint-Onge.
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Aux dernières nouvelles, communiquées par la mairesse Nathalie Pelletier en décembre dernier, Magog avait entre les mains une étude révisée qui évalue à plus de 2 millions $ les aménagements requis aux huit passages à niveau de sa zone urbanisée pour permettre que les trains restent muets quand ils passent. Ces travaux seraient admissibles à des subventions gouvernementales pouvant couvrir environ 75% des frais. Les analyses se poursuivent et le conseil municipal doit se positionner plus tard cette année.
Pierre Perras est déçu d’avoir obtenu si peu d’engagement en un an et reproche au conseil municipal et à l’administration magogoise leur manque de conviction pour faire cheminer le dossier et faire des représentations par exemple auprès de Transports Canada et du ministère de la Santé.
«Cet atelier-rencontre est aussi un test pour vérifier l’intérêt de la population à ce projet», souligne M. Perras en parlant du forum auquel plus de 60 personnes sont déjà inscrites.
La Ville de Sherbrooke à l’écoute
À Sherbrooke, plusieurs citoyens des secteurs de Deauville et du district des Nations sont maintenant regroupés dans un Comité pour la quiétude des Sherbrookois. En février, ils étaient au conseil municipal pour faire part aux élus des désagréments qu’ils vivent en raison du passage de plus en plus fréquent des trains à proximité de leur résidence.
Marcel Lessard est l’un d’eux. Il habite à proximité du lac des Nations, en contrehaut de la voie ferrée, et témoigne que le train peut passer jusqu’à trois fois par nuit en actionnant son sifflet, ce qui ne manque pas de le tirer du sommeil chaque fois.
«Ce qu’on souhaite c’est que la Ville sécurise les passages à niveau à partir de l’autoroute 410 jusqu’à l’ancienne gare. C’est la partie où il y a le plus de monde qui sont dérangés par le sifflement du train, indique-t-il. Définitivement que la Ville de Sherbrooke n’a pas 20 ou 25 M$ à mettre sur ça. Mais c’est elle qui doit amorcer le processus et sécuriser ces endroits-là pour qu’on ait éventuellement un règlement» avec la compagnie ferroviaire et Transports Canada.
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En réaction à leurs doléances, le directeur général de la Ville de Sherbrooke, Éric Sévigny, a rencontré le Canadien Pacifique à la fin février et ils ont convenu de se revoir bientôt. Entretemps, le directeur général adjoint Gaétan Drouin a été désigné pour prendre charge du dossier et une première rencontre de travail avec le groupe de citoyens est planifiée la semaine prochaine.
Gaétan Drouin reconnaît d’emblée que le sifflement des trains peut déranger les gens et engendrer un stress néfaste pour leur santé. Et le problème est d’autant plus sérieux que l’augmentation du trafic ferroviaire est bien réelle sur la voie ferrée du Canadien Pacifique et qu’il ne semble pas près de stagner.
Mais avec une soixantaine de passages à niveau sur le territoire de la Ville, et malgré toute la réceptivité des élus, il entrevoit déjà que la solution n’est pas uniquement à l’Hôtel de Ville de Sherbrooke.
«Une des première étape à franchir, c’est une caractérisation de la situation pour comprendre le trafic ferroviaire sur notre territoire et être capable de mesurer son augmentation. Par la suite on pourra cibler les secteurs qui pourraient être plus problématiques et qui pourraient créer des désagréments, soit de sécurité, soit de nuisance par le bruit, auprès de notre population. C’est ce qui va nous aider à faire les bonnes représentations.»
Un enjeu à venir à Lac-Mégantic
À Lac-Mégantic enfin, le porte-parole de la Coalition des citoyens engagés pour la sécurité ferroviaire, Robert Bellefleur, est impliqué dans le forum du 21 juin sans toutefois revendiquer les mêmes besoins dans cette ville. Du moins pour le moment.
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«Notre fondation a pour mission de soutenir les groupes de citoyens dans leur approche pour solutionner les problèmes qu’ils rencontrent [avec le transport ferroviaire], rappelle-t-il. C’est pour ça qu’on est dans le dossier. Magog et Sherbrooke ne vivent pas la même réalité que Lac-Mégantic, mais ce sont des gens qui vivent de sérieux inconforts.»
À Lac-Mégantic, compte tenu du projet de voie de contournement ferroviaire qu’il a fallu défendre depuis la tragédie de 2013, la Coalition n’a pas encore insisté sur la problématique du bruit, mais «on est à la veille de s’activer», indique M. Bellefleur.
«Qu’on ait une voie de contournement ou pas, il va y avoir la problématique du bruit parce que des gens demeurent dans le tracé proposé. Ça va devenir un volet particulier de notre cause.»
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Toute une réglementation à revoir
Au cours des six derniers mois, la Ville de Sherbrooke a enregistré quatre signalements de nuisance par le bruit liée aux trains qui traversent son territoire, mais aussi treize signalements de convois qui bloquent la circulation, le plus souvent la piste cyclable, en restant immobilisés sur la voie ferrée.
Ces signalements préoccupent l’administration municipale et font aussi partie de la discussion avec les compagnies ferroviaires, qui sont des générateurs de risques et qui doivent à ce titre s’assurer de bien les contrôler par rapport à la population pour que ça devienne des risques acceptables, explique le directeur général adjoint Gaétan Drouin.
«Une des situations de blocage a été plus problématique parce qu’elle a enclavé tout un quartier résidentiel. Le Canadien Pacifique nous a mentionné que c’était une situation malencontreuse et qu’ils allaient s’assurer que ça ne se reproduise plus. Ils doivent laisser libre accès aux résidents et aux véhicules d’urgence sur notre territoire.»
«Il y a aussi de l’éducation à faire parce que ça peut amener des pertes de patience de la part des usagers, souligne Gaétan Drouin. On peut être tenté d’enjamber le convoi ferroviaire avec son vélo pour accéder à la piste cyclable. Ce sont des comportements à proscrire.»
Cela dit, M. Drouin invite les parties à prendre un pas de recul dans ce débat et à aborder les enjeux de sécurité ferroviaire et de nuisance par le bruit en pensant en dehors de la boîte et en appelant à une révision de la réglementation actuelle.
«Je n’ose même pas penser au coût que ça pourrait représenter pour une ville comme Sherbrooke d’investir dans 60 passages à niveau [pour faire taire les trains] en fonction de la réglementation actuelle», illustre-t-il, en ajoutant que même avec des subventions, c’est toujours le contribuable qui paie.
«Pour le sifflement du train par exemple, est-ce que ça doit toujours être fait à grands coups de déploiement d’équipements de sécurité? Est-ce qu’il y a des heures qui pourraient être proscrites pour le sifflement de train s’il y a certaines mesures mises en place? Est-ce que des instances comme l’Association canadienne de chemin de fer ou l’Alliance du corridor ferroviaire de la Montérégie pourraient contribuer à dynamiser les règles de sécurité sur nos territoire?»
«Il faut demander le soutien de nos acteurs politiques, au municipal, au provincial et au fédéral, parce que force est de constater que le transport ferroviaire ne diminuera pas, estime Gaétan Drouin. Et en matière de gestion de risques, c’est plate à dire, mais c’est quand même plus sécuritaire que de transporter l’équivalent de ces matières-là à bord de véhicules routiers.»