Chronique|

Un budget Holiday Inn

Eric Girard est félicité par le premier ministre François Legault.

CHRONIQUE / Les milliards du tramway et d’un tunnel Québec-Lévis sont là, provisionnés quelque part dans la grande nébuleuse du plan des infrastructures 2023-2033.


Vous n’y verrez pas de montants précis. Du moins pas dans les documents accessibles au public. On peut s’en étonner ou en être déçu. Surtout que d’autres projets de moindre d’envergure ont été quantifiés. Les 15 M $ pour de nouvelles pistes cyclables, par exemple.

Le gouvernement Legault assure qu’il met de l’argent de côté depuis quelques années pour les projets de tramway et de tunnel.



On «agit en bon père de famille», explique le ministre responsable des infrastructures et de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien.

Un bon père de famille réserverait-il des milliards de dollars pour un tunnel plutôt que pour la santé, le logement social, l’éducation ou la santé mentale et l’itinérance?

On peut en débattre.

En bon père de famille, je ferais un choix différent. Je n’envisagerais pas une nouvelle autoroute sous le fleuve.



Mais dès lors que le gouvernement a choisi d’investir dans un tunnel, la bonne pratique est de prévoir la dépense et de réserver de l’argent dans des enveloppes générales.

Lorsque les plans d’affaires seront déposés, une somme d’argent plus précise leur sera attribuée. Pour le tramway, c’est une question de semaines. Pour le tunnel, ça reste à voir. On est encore très loin du compte.

En attendant, le Plan des infrastructures accorde à la ville 237 M $ des travaux préparatoires au tramway.

Sur l’autre rive, le plan prévoit une cinquantaine de millions de $ pour des tronçons de voies réservées d’autobus annoncés sur le boulevard Guillaume-Couture.

Pour le reste, le budget et le plan d’infrastructures 2023-2033 donnent peu de nouveau à se mettre sous la dent.

On y retrouve une longue description de projets d’infrastructure connus et annoncés, bien que parfois passés sous les radars de l’attention publique.



Il s’agit de projets de construction, de rénovation, d’agrandissement, ou de maintien, pour reprendre la terminologie du ministère. Certains encore à l’étape de l’étude. D’autres, autorisés et annoncés, en planification ou en réalisation.

D’autres encore qui viennent d’être retirés du Plan parce qu’ils sont complétés. J’en ai dressé une liste. Je vous la livre à la fin de ce texte pour vous aider à y voir plus clair. Ou pas.

Pour ce qui est du budget, Québec obtiendra une part des sommes nouvelles annoncées pour le logement, la santé mentale, l’itinérance et autres missions de l’État.

Peut-être même obtiendra-t-elle parfois plus que sa part. Pour le logement par exemple.

À la différence d’autres villes ou régions, Québec «livre» lorsqu’elle reçoit de l’argent pour le logement social.

Les conditions du marché local, la disponibilité de la main-d’œuvre, des terrains et d’organismes promoteurs permettent à Québec de livrer les unités de logement pour lesquelles elle a reçu de l’argent.

Cela peut inciter le gouvernement à lui en confier davantage.

Assez pour satisfaire aux demandes du maire Bruno Marchand?



C’est à voir.

La répartition des nouveaux budgets de logement n’est pas faite. Comme d’autres villes, Québec a des attentes élevées.

Le maire Marchand a parlé de 500 nouveaux logements sociaux par année. Cela représenterait près du quart de tous les logements sociaux promis par la CAQ en campagne l’automne dernier.

La probabilité est que les besoins de Québec ne seront pas entièrement comblés.

Ce sera un pas dans la bonne direction, mais on en voudra d’autres.

La dynamique est connue.

Les villes, lobbies et groupes sociaux demandent. Le gouvernement écoute, arbitre et saupoudre. Un peu de tout pour tous. Le cycle recommence ensuite, jusqu’au budget suivant.

***

Le ministre des Nordiques et des Finances, Eric Girard, n’avait pas de grande surprise pour les citoyens de Québec. Ni pour personne en fait.

Vous vous souvenez peut-être de cette publicité des hôtels Holiday Inn. «La surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise».

En poussant la porte, vous savez déjà ce que vous trouverez derrière. La couleur des murs, le confort du lit, la disposition du mobilier.

L’image m’est venue en poussant la porte de ce budget. Plusieurs des grandes lignes en étaient connues déjà : baisses d’impôts; prévision de croissance économique modeste; baisse de la contribution au fonds des générations, etc.

Il y a quelque chose de réconfortant à ne pas découvrir de mauvaise surprise dans un budget. De savoir qu’on n’ajoutera pas à votre fardeau et que l’État n’envisage pas de réduction de services.

Jusqu’au jour où on poussera la porte de notre Holiday Inn ou de notre tout inclus pour tomber face à face avec une récession, une crise du logement, une montée de l’itinérance, de la violence et du désarroi qu’on avait sous-estimé.