Les baisses d’impôt de la CAQ mal vues par le milieu communautaire estrien

Rosalie Dupont image sur un tableau les raisons pour lesquelles elle considère que la baisse d'impôt du gouvernement n'a pas de sens.

Les baisses d’impôt annoncées dans le budget 2023-2024 du gouvernement Legault a reçu un accueil on ne peut plus glacial de la part de plusieurs organismes communautaires de l’Estrie. Selon eux, cette mesure n’aide pas réellement les ménages à faible revenu en plus de priver l’État de marge de manoeuvre pour investir, par exemple, en santé ou dans les logements.


Dans son budget présenté mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, a officialisé la baisse d’impôt tant annoncée par son gouvernement. Une diminution d’un point de pourcentage, de 15 à 14 %, s’appliquera au premier palier d’imposition, soit la part du salaire qu’une personne gagne jusqu’à 49 275 $. Une autre diminution d’un point sera observée au deuxième palier, de 20 à 19 %, pour la tranche de revenu de 49 275 $ à 98 540 $. Cette mesure prendra effet en juillet.

Si le gouvernement assure que cette mesure phare de son budget aidera les contribuables, les représentants d’une douzaine d’organisations communautaires et syndicales de l’Estrie, réunis mardi pour une écoute collective du budget, voyaient la chose autrement. À leur sens, les 2 G$ par année que coûtera cette mesure auraient pu être investis ailleurs.

« Les besoins sont immenses. Que ce soit pour les logements, pour les aînés, pour les enfants, pour la santé ou pour l’éducation, se priver de tels revenus n’est pas la chose à faire pour améliorer les services et remplir nos obligations par rapport à ces secteurs. Quand un gouvernement est prêt à se couper des revenus comme ça, ça montre un manque de volonté à l’égard de l’atteinte de meilleurs services », tranche Rosalie Dupont, coordonnatrice à la Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie.

« Alors qu’on voit des citoyens qui ont de la difficulté à obtenir des services dans certains secteurs et alors qu’on voit des travailleuses et des travailleurs du secteur public qui ont des conditions de travail extrêmement difficiles [...], il y avait une possibilité de réinvestir, mais on a plutôt choisi de faire des baisses d’impôt avantageuses pour les personnes qui n’ont pas nécessairement besoin d’être aidées », estime pour sa part le secrétaire général du Conseil central des syndicats nationaux de l’Estrie - CSN, Steve McKay.

C’est que les personnes avec un plus grand revenu bénéficieront plus de ce répit fiscal que les personnes avec un revenu plus modeste. À titre d’exemple, une personne seule qui gagne 40 000$ par année aura une baisse d’impôt légèrement supérieure à 200$, alors que quelqu’un avec un salaire de 100 000$ paiera quelque 800$ en moins.

« C’est une mesure qui est populiste, car quand on parle de baisse d’impôt, c’est sûr que ça va parler aux gens qui ont de la misère à arriver. On ne s’attend pas à ce que les gens prennent la pleine mesure de ce qui leur reviendrait réellement dans les poches », lance Mme Dupont. Elle croit que le gouvernement aurait pu bonifier les différentes prestations ou hausser considérablement le salaire minimum, par exemple, pour réellement aider les contribuables.

Un peu plus d'une douzaine de représentants du communautaire se sont réunis mardi pour commenter le budget.

Pas assez d’investissements

Steve McKay juge d’ailleurs qu’après les « années d’austérité » du gouvernement libéral, les investissements annoncés par la Coalition avenir Québec dans les services publics, notamment celui de 5,6 G$ en santé, ne sont pas suffisants. L’ensemble des personnes présentes mardi a soulevé ce même point.

« Ce qu’on constate en santé et services sociaux, c’est que les budgets ne sont pas à la hauteur et sont loin de l’être », croit quant à elle Dominique Vigneux-Parent, directrice du ROC Estrie.

Du 5,6 G$ que le gouvernement investit en santé, 27,1 M$ seront consacrés à « répondre aux enjeux de santé mentale » en 2023-2024, ce qui est trop peu pour la députée de Sherbrooke, Christine Labrie.

« Ça ne fait même pas 4$ par personne, par année pour rehausser les services qu’on a déjà », image-t-elle.

L’élue de Québec solidaire souligne d’ailleurs que le budget est basé sur la supposition que les syndicats accepteront la dernière offre patronale dans le cadre des négociations du secteur public. Si celle-ci devait être refusée et que le gouvernement devait finalement donner plus aux syndicats, il faudrait trouver de l’argent ailleurs dans le budget, avertit-elle.

Outre la santé, la question des logements sociaux et abordables a aussi suscité beaucoup de réactions chez les intervenants présents mardi. Dans son budget, Québec « prévoit une somme de 650,1 millions de dollars sur six ans. Cet investissement permettra de réaliser plus de 5 250 logements et d’assurer le maintien du parc existant ». Sur ces 5 250 logements, 3 300 ont déjà été annoncés via AccèsLogis, programme qui est appelé à disparaître.

Ainsi, le gouvernement s’engage à « construire 1 500 nouveaux logements abordables, dont 500 unités en collaboration avec le secteur privé » (9,5 M$ en 2023-2024) et à « appuyer la création de 450 logements financés par l’Initiative pour la création rapide de logements » (45 M$ en 2023-2024).

« On transfert dans le secteur privé des choses qui étaient dans le secteur public. [...] Je pense que la situation des femmes, pour qui le logement social peut être une question de vie ou de mort, ne s’est pas améliorée. Le 1er juillet, il y aura plus de gens dans la rue », signale le porte-parole de l’Association des locataires de Sherbrooke, Mario Mercier.

« L’engagement que la CAQ avait pris pour le logement abordable dans la dernière législature était beaucoup plus élevé que ça [...]. Ce qu’on prévoit pour l’ensemble du Québec, c’est famélique », dit Mme Labrie.

Mario Mercier juge que le gouvernement n'en fait pas assez pour contrer la crise du logement.

Pas juste du négatif

Si les commentaires des représentants du communautaire à l’égard du budget étaient majoritairement négatifs, un point a semblé faire plaisir à tous : l’âge minimal d’admissibilité au Régime des rentes du Québec (RRQ) demeure à 60 ans plutôt que de passer à 62 ans.

« C’est vraiment quelque chose qui faisait l’unanimité chez les syndicats et dans la société civile », estime M. McKay.

« On est bien heureux de ça et on est aussi content que le RRQ devienne plus flexible pour les gens qui travaillent moins d’heure et ne voudrait pas cotiser », soutient Isabelle Guérard, directrice de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées pour Sherbrooke et sa région.

Les cotisations au RRQ deviendront en effet facultatives à partir de 65 ans.