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Cette phrase, que je cite de mémoire, a été prononcée par un intervenant lors du Grand rendez-vous du logement social et communautaire de Sherbrooke qui a eu lieu jeudi. Elle résume une bonne partie du problème derrière l’actuelle crise du logement.

Le gouvernement du Québec se défend souvent en énumérant les différents programmes pour soutenir le logement. Le hic, c’est que l’argent ne suit pas sur le terrain. Soit parce que ces programmes sont sous-financés, soit parce que les fonds restent bloqués.

Par exemple, depuis son élection en 2018, le gouvernement de François Legault n’a financé que le tiers des logements promis.

Le décalage entre ce qui est annoncé et ce qui se passe réellement participe à la confusion qu’il y a autour du logement.

Déjà, c’est difficile d’avoir un portrait exact de la situation. Pour y arriver, il faut souvent croiser des informations à gauche à droite. Les organismes comme le FRAPRU ou le RCLALQ ont souvent de meilleurs portraits que les ministères eux-mêmes.

Un autre bon exemple de la confusion entourant l’enjeu, le rendez-vous de jeudi regroupait des acteurs et des actrices qui travaillent directement ou en collaboration sur des projets de logements sociaux ou communautaires, et, malgré tout, il est arrivé que l’animateur se soit assuré que tout le monde s’entendait sur le sens de certains termes utilisés.

Ça démontre à quel point le politique étire parfois certains concepts pour bien paraitre, comme le terme « logement abordable » qui veut parfois dire l’inverse et son contraire, mais aussi la multiplication des programmes qui, selon leurs critères, viennent préciser ou élargir certains concepts.

Quelques exemples de termes utilisés qui peuvent parfois être synonymes, parfois représenter une spécificité bien précise : logement social, logement communautaire, logement coopératif, logement hors marché, propriété collective, habitation sans but lucratif, logement public, logement de transition.

C’est normal que la population en général soit perdue.

La confusion demeure lorsqu’on parle des programmes. Des fois, le financement est pour les projets. À d’autres moments, l’aide est plutôt individuelle. Il arrive aussi que l’aide soit pour le ou la locataire, mais passe par le promoteur.

Ça signifie que la porte d’entrée du financement n’est pas toujours la même non plus, tantôt c’est le ministère de l’Habitation, avec AccèsLogis ou le PHAQ, mais parfois c’est la solidarité sociale, ou le CIUSSS, ou la ville, ou le fédéral.

Sans parler des multiples organismes communautaires qui essaient de répondre à une variété de besoins.

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Cette diversité des réalités, et donc des besoins, explique une partie de l’éclatement de l’offre. Un programme qui tenterait de répondre à tout le monde avec une seule méthode en échapperait trop, mais cette confusion fait en sorte que bien des gens qui ont besoin d’aide ne savent pas où aller et limite les possibilités de faire un portrait global de la situation.

Ajoutons à tout ça une méconnaissance normale pour une partie de la population. Récemment, quelqu’un me racontait qu’étant dans la même maison depuis une quinzaine d’années, il ne savait pas comment avait évolué le marché locatif jusqu’à un de ses enfants cherche un logement pour les études l’automne dernier. Et il a été assez consterné par l’état des logements visités et le prix de ceux-ci. Depuis, il porte une plus grande attention à cet enjeu.

Portrait actuel

Une partie de la journée de jeudi était sous forme d’ateliers pour contribuer à la commission sur le logement actuellement en cours à Sherbrooke.

On a donc pu avoir un portrait sommaire de la situation actuelle.

La majorité de la population sherbrookoise est locataire, 55,5%. Les 3 ½ et les 4 ½ représentent environ la moitié de l’offre locative de la région. Les 5 ½ et 6 ½ composent presque l’autre moitié. Ce qui laisse peu de choix pour les ménages seuls, même s’ils représentent une très bonne partie des locataires.

Sur les 41 500 unités disponibles sur le territoire de Sherbrooke en 2022, moins de 10% sont des logements communautaires, soit 3470.

Dans une allocution, la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, a souligné qu’elle aimerait augmenter le taux de logements hors du marché privé à 20%. Selon elle, la part du privé dans le marché locatif est plus grande qu’elle ne devrait, même si le privé a son rôle à jouer. Mais les personnes présentes au rendez-vous ont affiché une plus grande ambition avec une cible de 30%.

Il faut dire que la demande est là. On estime que 26,4% de la population consacre plus de 30% de son revenu au logement. Normalement, une personne ne devrait pas y consacrer plus du quart de son revenu pour avoir un équilibre budgétaire et être capable de payer tout le reste.

Sauver des vies

Si la confusion sur les programmes ou les définitions m’a frappé lors de ce rendez-vous, la grande ligne directrice était les effets positifs du logement social. Sa nécessité.

En présentant des résultats préliminaires d’une étude, la chercheuse Janie Houle, professeure en psychologie communautaire à l’UQAM, a souligné que le logement social a généralement un impact positif sur les trajectoires de vie.

Il permet d’améliorer la santé et l’intégrité physique, parce que c’est moins stressant, déjà, et que la stabilité financière permet de consacrer plus de temps et d’argent pour traiter des problèmes de santé. Ça permet de briser l’isolement social. Ça redonne aussi une énergie pour se consacrer à des projets personnels qui font du bien. Non seulement ça freine les cercles vicieux, mais ça stimule des spirales positives.

Évelyne Beaudin l’a dit beaucoup plus directement : « Créer des milieux de vie permet de sauver des vies. »

Ce Grand rendez-vous du logement social et communautaire devait en partie réfléchir à des solutions concrètes. La vérité, c’est qu’on sait déjà ce qu’il faudrait faire : bâtir des logements sociaux, augmenter les investissements dans les projets de logements publics et mieux financer les services sociaux et les programmes d’interventions de proximité.

Quand une telle concertation tente de trouver des « solutions concrètes », ce que ça signifie vraiment, c’est de trouver des façons d’y arriver sans le financement adéquat. C’est comme trouver une façon de réussir une recette même s’il manque un des ingrédients de base.

Si l’enjeu est aussi complexe, c’est en bonne partie parce qu’il y a un manque d’ambition politique à Québec et à Ottawa. La crise du logement est avant tout un choix de société.

Pour réagir à cette chronique, écrivez-nous à opinions@latribune.qc.ca. Certaines réponses pourraient être publiées dans notre section Opinions.

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