L’histoire est celle d’Anna (Laurie Gagné), que la vie n’a pas épargnée. Sans le sou, forcée de vivre momentanément dans la rue, elle apprend au même moment que le fils qu’elle a dû donner en adoption 20 ans plus tôt cherche à la revoir. Bouleversée, fuyante, Anna trouve refuge en cachette dans le sous-sol de Victorine (Louise Turcot) et d’Hergé (Gilles Renaud), un couple âgé qu’un drame vient briser. Contre toute attente, les deux femmes se lient d’amitié pour puiser la force de continuer.
« Quand ils se retrouvent en difficulté, il y a des gens qui vont vers l’avant et qui luttent. À travers Anna et Victorine, je voulais représenter ces femmes qui se tiennent debout. C’est une affirmation. Je ne voulais pas victimiser mes personnages. Je souhaitais un truc ‘‘feel good’'! », explique Denise Bouchard.
Le titre du film a plusieurs évocations, ajoute-t-elle. « Pour moi, une dame, c’est une femme qui un regard sur l’autre, qui va vers l’autre. J’ai aussi tourné dans le quartier Notre-Dame-de-l’Assomption à Moncton. Tout le tournage s’est fait autour de la cathédrale. J’y tenais, car c’est aussi là qu’il y a le plus d’itinérants.»
Denise Bouchard a toutefois voulu éviter les stéréotypes. Pour ce récit écrit par Mélanie Léger, elle a imaginé son Anna comme une travailleuse saisonnière vivant un moment précaire dans sa vie, piégée dans les tracasseries de l’assurance-emploi.
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Choisir Laurie
Pour la cinéaste, le choix de la Granbyenne Laurie Gagné pour incarner cette ex-toxicomane tout en dignité relève d’un véritable coup de foudre professionnel.
« Laurie est un être d’une grande intelligence, volontaire et à la sensibilité à fleur de peau. Elle est entrée à l’audition et avant même qu’elle parle, j’ai senti son aura et son énergie. Elle m’a rentrée dedans. La caméra l’aime. Elle a porté le film solidement. Je suis contente que les gens la découvrent », se réjouit Denise Bouchard.
Quant à l’interprète de la belle et résiliente Victorine, son idée était déjà faite : il fallait que ce soit Louise Turcot. « J’ai un grand respect pour elle. C’est une femme d’équipe, curieuse, drôle, qui met tout le monde à l’aise. C’est une grande dame... comme Laurie! »
Si Notre Dame de Moncton aborde la complicité naissante entre les deux femmes, d’autres relations sont aussi mises en parallèle : celle, compliquée, de Victorine avec son mari Hergé, celle, hésitante, entre Anna et son fils Jason (Thomas Lapointe), tout comme l’idylle qui fleurit entre Jason et Estelle (Frédérique Cyr-Deschênes).
Pour ajouter à la profondeur de ces histoires et de ces personnages, Denise Bouchard a volontairement limité les dialogues, de concert avec l’autrice. Car en mettant l’accent sur les gestes et les plans rapprochés, cela permettait « d’ouvrir le champ de réflexion du spectateur », affirme-t-elle.
Le long métrage sort en salle le 24 mars.
La force fragile de Laurie Gagné
Obtenir un premier rôle au cinéma peut être à la fois euphorisant... et angoissant. Laurie Gagné en sait quelque chose. C’est avec un brin d’appréhension qu’elle s’est pointée à Moncton pour la projection dans les Maritimes en décembre. « Je suis ma pire critique. Mais j’ai vu les images, la musique, je me suis laissée porter et j’ai aimé le film. Bien sûr, j’ai des choses à apprendre, car c’est médium à peu près nouveau pour moi », confie-t-elle.
Durant le mois qu’a duré le tournage, la comédienne a plongé corps et âme dans la peau d’Anna, endossant sa tristesse. en phase avec la grisaille qui régnait au dehors. Le film s’attarde d’ailleurs beaucoup à son regard empreint de fragilité.
Laurie Gagné a eu du plaisir à casser l’image de l’itinérance féminine, en jouant une Anna qui, malgré sa précarité, est correctement vêtue et prend soin d’elle. En cela, son personnage reflète l’état d’esprit de plusieurs femmes rencontrées dans ses recherches précédant le tournage. « Être soignées et ranger leur intérieur étaient pour elles une façon de ne pas retomber.»
Son plus grand stress, poursuit-elle : tenter d’éviter les clichés « en restant conséquente malgré les multiples facettes d’Anna ».
Elle salue le soutien de Denise Bouchard dans cette première grande expérience cinématographique. Pour sa direction, bien sûr, mais aussi pour sa grande générosité. « Après la dernière scène, elle m’a dit qu’elle souhaitait que son film rayonne, mais que si la lumière pouvait être mise sur moi, elle gagnerait son pari. C’est ma Victorine du métier! Elle m’a tendue la main alors que je doutais.»
Louise Turcot : le beau rôle
Le cinéma fait encore les yeux doux à la comédienne Louise Turcot. En plus de Notre Dame de Moncton, on pourra éventuellement la voir dans Le testament et Le temps d’un été. « C’est super agréable de se sentir désirée. C’est stimulant », avoue-t-elle, en vantant spécifiquement le rôle que lui a offert Denise Bouchard.
« Le personnage de Victorine est assez complexe, mais sa couleur principale, c’est qu’elle est une bonne personne, un être humain de qualité qui a de l’empathie pour les gens autour d’elle. Elle traverse une période difficile, mais malgré son âge et sa fragilité, c’est une femme d’action qui pose des gestes pour sortir de sa torpeur. »
La beauté de la chose, fait remarquer l’actrice, c’est que Victorine met sa méfiance de côté pour accueillir Anna à bras ouverts. « À travers tout ce qu’on vit en ce moment dans la société, je trouve qu’on a besoin de voir des exemples de bonté et de générosité. C’est possible de se rapprocher des autres et de faire de belles choses ensemble. »
Dans le film, Louise Turcot incarne un couple avec Gilles Renaud, son conjoint dans la vraie vie. « Quand l’occasion se présente, on est content. On se comprend à demi-mot et on a un peu la même façon de travailler. Ça été un exercice très agréable... mais pas assez long à notre goût! »
À travers Victorine, la réalisatrice a tenu, par ailleurs, à effleurer le thème peu courant du désir chez les aînés, une initiative soutenue par Louise Turcot. « Ce n’est pas seulement un sujet tabou; ça n’intéresse tout simplement pas les gens. Ils pensent qu’après un certain âge, ça ne fait plus partie de notre vie. C’est pourtant tout à fait normal. C’était important pour Denise Bouchard de montrer que cette femme avait encore de la sensualité.»
Un 78e film pour Gilles Renaud
On a beaucoup vu Gilles Renaud à la télévision et au théâtre. Il nous annonce pourtant que Notre Dame de Moncton est son 78e film en carrière.
« Au cinéma, j’aime qu’on puisse prendre son temps. On a le temps de discuter, de faire du ‘’fine tuning’'. C’est très agréable, fait remarquer l’acteur. On se donne complètement à la personne qui réalise et qui fait le montage. On est à leur merci. Il faut faire confiance. »
Alors que le théâtre se joue dans l’instant présent, d’un seul jet, tourner un film permet de décortiquer, de reprendre et d’être responsable de la continuité du personnage, explique-t-il. « C’est du bonheur. »
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Gilles Renaud n’a pu résister à la proposition de Denise Bouchard pour plusieurs raisons. Parce que le scénario lui apparaissait sympathique, parce que le tournage lui permettait d’aller en Acadie et parce qu’il jouait le mari de sa propre femme, Louise Turcot.
L’exercice, confie-t-il, est chaque fois agréable, ne serait-ce que pour le simple plaisir de se comprendre sans se parler. « C’est facile de jouer avec Louise. »
Les astres sont d’ailleurs tombés en place pour lui permettre de le faire. « J’étais en pleine répétition pour une pièce au TNM, mais on a eu une semaine d’arrêt au même moment. Je me suis dit que c’était un signe! »