La spirale est inquiétante. Pour compenser la hausse des prix, le premier réflexe des travailleurs est d’aspirer à un meilleur salaire. Mais pour offrir cette augmentation aux employés, les entreprises montent encore les prix. Où cela va-t-il s’arrêter? Ne faudrait-il pas revenir à des besoins plus élémentaires et moins consommer?
Si je n’ai pas lu le premier livre de Pierre-Yves McSween, En as-tu vraiment besoin?, c’est peut-être parce que «je n’en ai pas vraiment besoin». En effet, la tournure inattendue qu’a prise ma vie il y a dix ans m’a obligée à me contenter de moins, autant dans mes capacités que dans le matériel qui m’entoure.
Et sans le vouloir ni l’avoir planifié, la simplicité (in)volontaire s’est taillée une place dans notre foyer.
Avec quatre membres amputés, il est vite apparu évident que j’allais avoir besoin d’un fauteuil roulant. Alors que j’étais clouée dans un lit d’hôpital, mon vaillant conjoint, lui, réfléchissait en se déplaçant dans la maison. Assis sur une chaise d’ordinateur à roulettes, il tenait une baguette de bois de la largeur d’un fauteuil, simulant ainsi mes futurs déplacements.
Afin que je puisse circuler convenablement autant dans les pièces que par leurs ouvertures, on a dû faire quelques choix. Puisqu’agrandir par l’extérieur était impossible, c’est bien à l’intérieur qu’on s’est attaqué au problème. Les portes qui s’ouvraient de façon traditionnelle sont devenues des portes coulissantes s’insérant dans les murs au lieu d’empiéter dans les chambres.
Loin de rénover pour que la déco soit au goût du jour, on a dû refaire la salle de bain et la cuisine… juste pour que je puisse continuer de les utiliser. Reste que les pièces sont petites et quand je vois les énormes cuisines que possèdent les maisons de riches, j’avoue qu’une pointe d’envie me saisit.
Lorsqu’on est une personne handicapée, il ne faut pas être matérialiste. Aussitôt un électroménager acheté, aussitôt le garde-boue de mes petites roues avant frotte sur la nouvelle surface. Avec mes manœuvres toujours restreintes par l’espace disponible, je finis par tout accrocher sur mon passage. C’est vrai que j’ai l’habitude de « foncer dans la vie », je fonce donc aussi dans le mobilier. Je ne compte plus les égratignures sur le bas de notre frigo et du lave-vaisselle, sans parler des cadres de portes et des murs…
Ce n’est donc pas les jolis dosserets ou les immenses îlots des grosses maisons qui attirent ma convoitise. C’est plutôt les vastes espaces pour circuler que je lorgne. Mais comme notre maison n’appartient pas à la catégorie des « grosses cabanes », c’est en sacrifiant quelques garde-robes qu’on a réussi à se faire assez d’espace pour ne pas avoir à déménager.
Sans garde-robe pour accumuler ni d’espace pour s’encombrer, la simplicité (in)volontaire s’est imposée.
Avec les limites auxquelles mon handicap m’a contrainte, j’ai appris à être reconnaissante de ce que j’ai, au lieu de chercher à en avoir plus. Et je suis très heureuse quand même. Certains possèdent beaucoup plus de richesses et trouvent le moyen d’être malheureux. À l’opposé, des peuples entiers vivent dans la misère et ils arrivent néanmoins à sourire... tant qu’ils peuvent profiter de la compagnie des gens qu’ils aiment.
La vie est tellement imprévisible. On peut consommer tous les biens qu’on souhaite, les entasser dans les placards… mais quand du jour au lendemain une maladie, un décès, un drame survient, ils perdent entièrement tout leur intérêt.
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Artiste peintre, conférencière, auteure… et quadruple amputée, Marie-Sol St-Onge partage sa façon de voir les choses qui l’entourent. Un angle de vue différent, mais toujours teinté d’humour et de positivisme.