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Le directeur du centre de distribution de la rue Armand-Viau, Billy Morneau, a ouvert les portes de sa grande caverne, ce qu’il fait très rarement. Son bureau sans fenêtre se situe à même l’entrepôt. Il voit défiler les commandes sans se rendre compte du temps qu’il fait dehors.

On lui a proposé un bureau plus conventionnel, avec l’équipe de l’administration, mais M. Morneau préfère rester près des précieuses boîtes à livrer, et surtout, près de son équipe.

Des livraisons sont préparées six fois par semaine pour les 426 pharmacies Familiprix de la province. Pendant la journée, Billy Morneau reçoit les listes de toutes les succursales. Il pigera donc dans ses inventaires dès 18h pour préparer les commandes. Environ 90 % de celles-ci seront déjà livrées dès 6h le lendemain.

Le centre de distribution est divisé en deux entrepôts. D’un côté, il y a les produits commerciaux : du papier hygiénique aux barres de chocolat, en passant par les produits ménagers et le maquillage.

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Dans cet entrepôt, il n’y a rien d’automatisé. On y voit les travailleurs dans leurs camions se promener au travers des rangées et d’étages pleins de boîtes de produits. Ce sont les mêmes techniques d’assemblage de commandes utilisées il y a 10 ou 20 ans. «C’est la base de la distribution. Et ça fonctionne bien. On a hâte à l’automatisation pour un meilleur contrôle de qualité. Il est déjà très bon, mais il pourrait être encore plus efficace», note M. Morneau.

Dans son industrie, il existe une chaîne d’intégrité très stricte à respecter. Entre autres, la température des camions doit se trouver entre 15 et 25 degrés, toutes saisons confondues. Cette contrainte a son lot de défi avec une météo comme celle du Québec.

De l’autre côté de la rue se trouvent tous les médicaments, ceux sur les tablettes comme ceux derrière le comptoir des pharmaciens. C’est là que la magie de l’automatisation opère.

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Plus de 200 employés travaillent toute la nuit pendant une soirée de production à plein rendement. Ils préparent des commandes à partir de 25 000 produits différents, dont 10 000 médicaments. Une centaine de livreurs est aussi nécessaire pour s’assurer que les boîtes arrivent à bon port.

La caverne d’Alibaba

Les bacs noirs annotés circulent sur des tapis roulants. L’entrepôt est divisé en deux étages : le rez-de-chaussée avec les machines, puis l’étage avec les humains.

Au rez-de-chaussée, on trouve 20 % des produits pour 80 % du volume. Ceux-ci sont mis dans les bacs par les machines. Il y a les produits pour l’asthme, l’hypertension, le cholestérol, les pilules contraceptives… Tout ce qui implique beaucoup de roulement. Ces produits entrent et sortent des entrepôts tous les jours.

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La majorité des employés se trouvent à l’étage pour compléter les commandes avec les autres médicaments. Il y a un travail de pige manuelle, puis les bacs sont vérifiés, fermés et envoyés dans les camions.

«En haut, ce sont les mots payants au Scrabble», explique simplement M. Morneau. Il y a les acétaminophènes et les ibuprofènes, comme les médicaments d’oncologie.

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Depuis un an, avec le retrait du masque et le retour des contacts, les gens sont plus malades, donc ça paraît sur les tablettes, et donc, dans nos commandes.

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Les commandes ont été plus petites pendant la pandémie, ironiquement. Avec la baisse des contacts, il y avait beaucoup moins de rhumes et de grippes. Puis la courbe est remontée avec la fin du confinement et des mesures sanitaires. Si Billy Morneau vivait sous une roche, il aurait pu prédire la situation à l’extérieur, simplement avec l’allure des commandes envoyées aux pharmacies. Il pourrait supposer une montée de la gastro, par exemple.

Au fond de l’entrepôt, les médicaments dits «précurseurs» sont gardés dans une cage, pour une protection supplémentaire.

Si un médicament est barré à clé, c’est que les molécules du médicament sont très populaires sur le marché noir, et dangereuses. On y trouvera d’ailleurs des médicaments pédiatriques, ceux si rares depuis quelques semaines.

Il n’y avait pas de «pénurie» de médicaments pour enfants, soutient Billy Morneau, qui n’aime pas ce mot. «J’en ai vu passer tous les jours! Il y en avait, juste moins» soutient-il. La pile était visuellement moins grande qu’à l’habitude, Le Soleil a pu le constater. Le grand espace dédié à ces boîtes est à peine rempli.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Au rez-de-chaussée, on trouve 20 % des produits pour 80 % du volume. Ceux-ci sont mis dans les bacs par les machines.","contentType":"image","credits":"Le Soleil, Patrice Laroche ","position":9,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F24f2e4f3-e758-4cec-83f0-cfe9ac551e36.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":10,"text":"

Lors de notre passage, un employé s’affairait à embarquer les dernières boîtes de l’étagère pour une commande. Une semaine après cette visite, les répercussions de l’annonce du gouvernement fédéral concernant l’importation de médicaments se font sentir.

Si un employé ou un visiteur avait la mauvaise idée de s’approvisionner à même l’entrepôt, il serait coincé instantanément. Tous les moindres centimètres sont filmés, la surveillance y est maximale. Des inventaires des quantités de médicaments sont effectués plusieurs fois par jour, et ils sont bien révisés. Le moindre manque ou surplus entraîne une investigation, pour tous les produits, mais surtout les médicaments. Si un inventaire venait à être très problématique, Santé Canada serait averti sur-le-champ.

Quelque 3000 bacs bien remplis prennent le chemin des pharmacies en une seule nuit. Les premiers à partir sont ceux qui se dirigent vers l’Abitibi, Gaspé et le Nouveau-Brunswick. Les dernières seront les commandes des pharmacies de Québec, logiquement.

La notion d’inventaires

Il est rare que la population se rende compte des baisses de production de médicaments, puisque les centres de distribution se gardent un inventaire pour tenir plusieurs semaines.

«On l’a su au mois de mai qu’il y avait un enjeu avec les acétaminophènes pédiatriques. Ça a pris plusieurs mois avant que ça paraisse. On joue un rôle tampon. Le fabricant tombe en ruptures, et avant que ça soit ressenti au niveau de la pharmacie, on va avoir le temps d’écouler l’inventaire. Souvent, ça se règle avant qu’on arrive à sec. On gère ça tous les jours des situations comme celle-là», soutient M. Morneau.

Pour les médicaments pour enfants, cette baisse de production a duré trop longtemps, ce qui est un phénomène plus rare.

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C’est un défi de prévisibilité dans notre industrie. On a une des chaînes de logistique les plus performantes au monde, la plus sécuritaire au monde. L’une des grandes forces de notre système de santé est là.

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Les ingrédients actifs qui composent les médicaments viennent d’Asie du Sud Est et de l’Europe de l’Est. Ils sont acheminés aux fabricants de médicaments, et ces fabricants envoient ensuite les médicaments aux centres de distribution qui les redistribuent dans les pharmacies et les hôpitaux.

Les centres de distribution s’approvisionnent 10 à 12 fois par année. «Il y a toute une intelligence d’affaires pour être capable d’anticiper les volumes de demandes. Quand il y a des baisses de production, on est rationné par les manufacturiers, on va chercher le maximum de parts de marché qu’on peut. On reçoit ce qui est libéré en contexte de pénurie», ajoute le directeur général de l’AQDP.

La pandémie et le futur

Pour marcher vers les entrepôts, il fallait faire un détour. L’entrepôt de médicament s’apprête à doubler sa superficie, les travaux vont bon train.

Lorsque ce sera prêt, M. Morneau pourra doubler sa production, et ce sera tout autant automatisé, voire plus. Des humains pourront être libérés pour exécuter des tâches de contrôle de qualité. Personne ne perdra son emploi… et ce sera bien moins difficile de se battre avec la pénurie de main-d’œuvre. «Et ça, c’est une vraie pénurie», rigole Billy Morneau.

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Il a récemment embauché une trentaine de travailleurs étrangers qui lui ont permis d’avoir une équipe complète. Leur arrivée s’avérait essentielle au bon fonctionnement du centre. «C’est déjà de la qualité ce qu’on fait, moins que si on avait le temps d’en faire plus. On prendrait les heures des humains qu’on investirait dans le contrôle qualité. Elle est là la valeur ajoutée.»

Surtout que depuis la pandémie, Billy Morneau a plus de tâches sur sa liste. En plus de tout le reste, il doit orchestrer les livraisons des vaccins contre la COVID Moderna — et tout ce qui vient avec, comme l’aiguille —, des tests rapides et même des traitements Paxlovid. S’ajoutent à tout ça les vaccins contre la grippe. «Pendant les deux dernières années, la cadence est restée stable, peu importe les circonstances. Et on en est fiers», insiste M. Morneau.

Le centre s’est doté de tous les congélateurs nécessaires, puis a doublé d’effort pour intégrer ces livraisons au quotidien. Le centre de distribution n’a bien évidemment jamais fermé ses portes, et ses travailleurs n’ont jamais arrêté de préparer et de livrer les commandes.

+

UNE SOIRÉE DE PRODUCTION, C’EST…

Plus de 200 employés
Plus de 3000 boîtes
Quelque 25 000 produits différents

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