Cette semaine, j’ai été juge pour la compétition Saveurs de Génie, organisée par l’École de technologie supérieure et regroupant plusieurs clubs de brassage de différentes facultés du Québec. Chaque club présentait une bière et une innovation technologique à un jury composé de professionnels. J’adore juger ce concours, car il me permet d’être témoin de l’incroyable talent de la relève et découvrir des projets d’innovations ou de recherches originaux et souvent pertinents.
C’est l’équipe de Brassta — la microbrasserie universitaire de l’Université Laval à Québec — qui a gagné le prix du volet technologie. Bien qu’assez embryonnaire, leur recherche sur les levures antagonistes afin de créer des outils naturels permettant d’éliminer des problèmes de brassage est fort probablement prometteuse.
Derrière chaque bière se cache un procédé de fermentation composé de sucre (céréales, sucre ajouté, fruits) et de levures (de nombreuses souches de levures). Pendant la fermentation, des arômes et faux goûts peuvent se créer; c’est le principe des défauts dans la bière. La bière peut également continuer de fermenter dans la canette et créer une surpressurisation. Brasser de la bière demande de contrôler de très nombreux paramètres et limiter les erreurs. Une fois l’erreur commise, très peu de solutions naturelles existent.
Imaginez une batterie de levures disponibles parmi l’éventail incroyable de levures connues dans le monde, ayant chacune un rôle particulier et permettant d’éliminer une problématique dans la bière. Une avenue ouverte vers un nombre incroyable de possibilités, si ces levures ont comme mandat, par exemple, de minimiser les risques de défauts dans la bière. Voilà ce qui nous a été présenté par l’équipe de Brassta, dont le projet doit encore passer plusieurs étapes de validation avant d’en voir les résultats dans la chaîne de production de bières. Mes compétences biochimiques étant limitées, je vous invite à les contacter pour de plus amples informations.
Mais revenons à l’essence de cette chronique... Pendant la présentation, la levure Saccharomyces Paradoxus a été mentionnée plusieurs fois, d’abord comme levure pouvant faire partie de la boîte à outils potentielle, mais surtout parce qu’elle est déjà ou pourrait être utilisée par plusieurs brasseries pour offrir des bières sauvages au profil très proche d’une fermentation à l’aide d’une Brettanomyces Bruxellensis, par exemple.
D’ailleurs, des chercheurs de l’Université Laval ont découvert, en 2016, une souche unique de levure de type Saccaromyces Paradoxus. Rares sont les brasseries qui indiquent clairement les souches de levure utilisées, mais si on désire créer une véritable bière du terroir québécois et qu’on travaille avec la fermentation naturelle provenant des fruits, la levure y est pour beaucoup.