Harold Lebel reconnu coupable d'agression sexuelle

L’ex-député de Rimouski, Harold LeBel, a été déclaré coupable d’agression sexuelle.

«Coupable», a déclaré avec aplomb la jurée numéro 14 au nom des neuf femmes et trois hommes qui composaient le jury au procès de l’ex-député de Rimouski, Harold LeBel. Le verdict de culpabilité d’agression sexuelle est tombé vers 15h40 mercredi au palais de justice de Rimouski.


En attendant le verdict, l’inculpé est demeuré de glace, tandis que son avocat, Me Maxime Roy, a baissé la tête, la déception se lisant sur son visage. Une proche de M. LeBel a éclaté en sanglots et est sortie de la salle d’audience. Des membres de sa famille ont retenu leurs émotions, sans doute en se souvenant de l’avertissement formulé par un constable spécial avant le début de l’audience. «Il s’agit d’un moment crucial du procès, a rappelé l’homme. Des réactions sont possibles. Je ne tolérerai aucune réaction de votre part. Si tel était le cas, je vous sortirai de la salle immédiatement.»

«J’entérine le verdict rendu, a prononcé solennellement le juge Serge Francoeur. L’accusé Harold LeBel est déclaré coupable pour les accusations portées contre lui.» L’ancien parlementaire est donc coupable de l’accusation d’agression sexuelle en vertu de l’article 271A du Code criminel.

Un choc pour la Défense

«C’est un choc pour tous, a fait valoir auprès du magistrat l’avocat de M. LeBel lors du retour d’un ajournement d’une quinzaine de minutes. On va regarder la jurisprudence et on va parler avec nos confrères.» Le juge et les deux parties se rencontreront le 6 décembre pour déterminer la suite à donner au dossier. Ils discuteront de la pertinence ou non de rédiger un rapport présentenciel.

À la sortie de la salle d’audience, ni l’accusé ni son avocat n’ont accepté de faire des commentaires. Il n’a également pas été possible de savoir si la Défense portera appel de ce verdict.

La Poursuite satisfaite

Du côté de la Poursuite, Me Manon Gaudreault ne cachait pas sa satisfaction. «Le jury a fait, de toute évidence, un travail remarquable, a déclaré la procureure. Il a analysé la preuve et il en est arrivé au verdict qui était attendu.» Me Gaudreault, qui n’avait pas encore parlé à la victime, a précisé qu’elle s’empresserait de le faire dès que possible. Elle a aussi dit espérer que ce verdict de culpabilité puisse encourager des femmes victimes d’agression sexuelle à porter plainte.

Pour l’instant, la procureure de la Couronne n’avait aucune idée de la sentence possible. «Je ne m’avancerai pas là-dessus. On va retomber sur nos pattes et on va analyser tout ça de part et d’autre. C’est d’ailleurs pour ça que ça a été reporté de façon un peu informelle. La peine ne sera pas prononcée le 6 décembre. D’ici là, on va parler, la Poursuite et la Défense ensemble, pour voir si on est capable de s’entendre. On pourra voir aussi quelle sera la suite et quelles seront les positions que chacun va adopter.» Il est donc possible que la Défense et la Couronne s’entendent sur une suggestion commune. Harold LeBel est passible d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans. 

Si son collègue de la Défense a parlé d’un choc au prononcé du verdict, la procureure de la Couronne a plutôt parlé, dans son cas, de «soulagement». Est-ce que le fait de ne pas avoir appelé le troisième témoin à la barre, contrairement à ce qui avait été prévu au départ, a-t-il ou aider la cause de la Poursuite? «On ne le saura jamais, a répondu Me Gaudreault. Les témoins ne nous appartiennent pas.» Ce témoin était l’amie de la victime qui dormait dans une chambre du condo d’Harold LeBel dans la nuit où la victime a été agressée. 

La Poursuite n’a pas voulu s’avancer sur le possible point tournant du témoignage de la plaignante qui aurait pu mener le jury à prononcer un verdict de culpabilité. «Quand on fait un procès devant jury, la beauté et les limites de la chose, c’est qu’on ne sait pas sur quoi le verdict est basé, a expliqué l’avocate. Donc, je ne le sais pas.» Est-ce que le fait que le jury était composé de neuf femmes et de trois hommes a pu influencer le verdict en faveur de la victime? «J’ose espérer que non, a laissé tomber Me Manon Gaudreault. Les gens sont libres de penser, peu importe leur sexe, leur âge, leur couleur, leur orientation.» Les neuf femmes ont-elles pu avoir davantage d’empathie à l’égard de la victime? «J’espère que ça ne change rien, que les gens sont égaux.»

Rappel des faits

Selon le témoignage de la plaignante, qu’une ordonnance de non-publication nous empêche de révéler l’identité, les faits se sont produits à l’automne 2017 à Rimouski. Il avait été convenu qu’elle ferait le voyage avec l’une de ses amies et que toutes les deux dormiraient deux nuits chez l’ex-député de Rimouski, avec qui les deux femmes entretenaient un lien d’amitié.

Une fois arrivées, les deux femmes se sont rendues avec Harold LeBel dans un pub du centre-ville de Rimouski pour aller souper. Après le souper, les trois personnes se sont dirigées vers le condominium de l’ex-politicien. Il leur a offert un verre de gin tonic. Les trois amis se sont couchés tôt parce qu’ils avaient une grosse journée de planifiée le lendemain. Les deux femmes ont dormi sur un lit escamotable situé dans le salon.

L’agression

Le lendemain, les trois personnes se sont levées tôt. Après avoir participé à plusieurs activités, elles sont encore allées souper ensemble au restaurant. Vers 21h, elles sont retournées à l’appartement de M. LeBel. Les trois personnes ont bu trois à quatre verres de gin tonic. Elles ont beaucoup parlé. La discussion était très professionnelle. Puis, vers minuit ou 1h, l’amie de la victime est allée se coucher dans la chambre d’Harold LeBel.

C’est à ce moment que la discussion est devenue plus personnelle. Harold LeBel était triste parce qu’il venait de se séparer de sa conjointe. Quant à la plaignante, elle vivait une relation difficile parce que son conjoint trouvait qu’elle passait trop de temps à son travail.

Subrepticement, M. LeBel a mis la main sur une cuisse de la plaignante et il l’a embrassée. La femme a été très surprise. Elle a reculé. Elle lui a dit qu’il n’était pas son genre d’homme. Assise sur une chaise de la salle à manger, la femme s’est levée. Elle lui a dit qu’elle allait prendre une douche et qu’elle était fatiguée. L’homme s’est fait très insistant. Il s’est approché et a détaché son soutien-gorge. Elle a dû le retenir pour ne pas qu’il tombe. Elle lui a alors dit qu’elle ne voulait pas aller plus loin. Elle lui a redit qu’elle était fatiguée, qu’elle voulait aller prendre sa douche et se coucher.

Elle est ensuite entrée dans la salle de bain et elle a verrouillé la porte derrière elle. Harold LeBel a cogné sans arrêt. Il insistait. Il voulait rentrer. La femme tremblait. Elle était vraiment surprise. Ce n’était pas l’homme qu’elle connaissait. Elle a ensuite envoyé un message-texte à son amie, où elle a écrit : «What the fuck?».

Lorsqu’elle est sortie de la douche, la dame est allée se coucher, encore tremblante. Harold LeBel lui a demandé s’il pouvait se coucher à côté d’elle. Elle avait peur, mais elle lui a dit oui. La femme lui a tourné le dos. L’homme a gardé ses distances quelques instants, avant de commencer à lui flatter et à lui serrer les fesses. Il a ensuite entré ses doigts entre ses fesses. Il a aussi essayé d’introduire l’un de ses doigts dans son anus. Craignant qu’il fasse pire, elle l’a laissé faire parce qu’elle avait trop peur. Ça a duré toute la nuit.

Le lendemain, M. LeBel a ensuite envoyé un message-texte à la plaignante pour la remercier d’être venue à Rimouski et de l’avoir laissé la coller, que cela lui avait fait du bien. Elle ne lui a pas répondu. Il lui a alors demandé si ça allait. Elle lui a répondu «ça va».

La victime a porté plainte à la Sûreté du Québec au printemps 2020. Le matin du 15 décembre de la même année, Harold LeBel a été arrêté et accusé d’agression sexuelle. Son procès s’est ouvert le 7 novembre dernier et s’est terminé mercredi.