Tout a commencé en février 2011, alors que Jimmy Larouche venait de diriger son premier film, La Cicatrice, à l’automne 2010. « Il voulait faire un projet avec Benoit Brière et Dino Tavarone. Je suis ami avec Dino, alors j’ai été invité à aller souper chez Jean Lapointe », explique le réalisateur, en entrevue avec Le Quotidien.
L’arrivée chez celui que plusieurs qualifient de légende québécoise de l’art dramatique n’a pas été des plus confortables. « J’arrive chez Jean Lapointe, un gars que mes parents écoutaient, que mes grands-parents écoutaient. J’étais un peu intimidé », raconte-t-il
Le stress que ressentait Jimmy Larouche s’est toutefois rapidement transformé en une légère frustration, lorsque Jean Lapointe s’est mis à discuter avec tous les gens présents sauf lui. « Ils s’échangeaient des idées autour de la table, Dino, Benoit, Jean et sa femme, Mercedes. Pendant ce temps-là, je ne disais pas un mot. »
Dans un élan de contrariété, Jimmy Larouche a pris la parole lors de ce souper, une action qu’il ne regrettera pas. « Je lui ai pitché une idée que j’avais en tête. Une histoire, une comédie dramatique, avec des moments vraiment beaux, qui mettait en scène des hommes âgés dans une résidence pour aînés. [...] J’aurais abordé l’incontinence et pleins d’autres problématiques que l’on vit lorsqu’on vieillit », rapporte le réalisateur.
Ce dernier dit qu’à ce moment, le regard de l’acteur a changé : il venait de gagner le respect de Jean Lapointe. Le défunt n’a prononcé qu’une seule phrase par la suite : « C’est ça qu’on fait. »
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Un projet en branle
Une fois l’idée d’un film se déroulant dans une résidence pour personnes âgées approuvée par tous les parties au souper, Jimmy Larouche a vécu un moment de grande satisfaction. « Qu’une légende comme Jean Lapointe approuve cette idée et veuille en faire partie, c’est incroyable. Je me rends compte que même si je n’ai pas la meilleure des mémoires, des moments comme ça, je me rappelle de chaque seconde. »
Il n’a pas fallu trop de temps avant que Jimmy Larouche se mette à l’écriture d’une première version du scénario. Un premier titre lui est alors venu à l’esprit : le film allait s’appeler Les Vieux.
Un mois après le souper chez Jean Lapointe, en mars 2011, ce dernier a invité Jimmy Larouche à un événement qui lui était particulièrement cher, le retour sur scène des Jérolas. « Ils nous avaient donné de super bons billets. C’était vraiment plaisant comme moment, jusqu’à tant que Jérome Lemay s’écroule sur scène. Il est décédé trois semaines plus tard », raconte le réalisateur.
Une fois une première version du scénario terminée, il ne restait qu’à trouver le financement nécessaire afin de concrétiser, une fois pour toutes, ce qui aurait dû être le dernier film de Jean Lapointe. « C’est là qu’on s’est pris un mur. Ç’a été compliqué avec la SODEC et le projet a été mis de côté », rapporte Jimmy Larouche, semblant trouver ce moment toujours douloureux, 11 ans plus tard.
Jimmy Larouche, après le retour sur scène des Jérolas et les complications pour le financement, n’a jamais repris contact avec l’homme qu’il admirait et respectait tant. « Je me disais qu’il y avait un peu de gêne. Aujourd’hui, quand je suis honnête avec moi-même, j’avais honte de ne pas avoir mené le projet à terme. J’avais honte de ne pas avoir réalisé le dernier film de Jean Lapointe. »
« Il s’appelait Jean »
Le 18 novembre 2022, jour du décès de Jean Lapointe, il n’est plus question pour Jimmy Larouche de ressortir Les Vieux des boules à mites.
L’Almatois souhaitait tout de même honorer la mémoire de ce géant, puisque Jean Lapointe était une inspiration, tant pour lui que pour le milieu artistique et que pour l’ensemble de la population. « Ce qu’il a fait avec les Maisons Jean Lapointe, c’est incroyable, merveilleux. C’était un gars de taverne, un vrai homme de son temps, qui avait dit à ses chums que ce n’étaient pas obligé d’être comme ça. »
L’acteur était tout autant incroyable, selon lui. « C’était un vrai. Il y a deux types de comédiens : les techniciens, qui apprennent le métier et exécute exactement ce qu’on leur demande, et les naturels, ceux qui ont ça dans le sang et qui vont te changer un scénario de A à Z. Jean, c’était l’image parfaite du deuxième type. »