HAUTE VITESSE | Encore des orphelins au Québec

Au lendemain de la date butoir du 30 septembre, des Québécois se trouvent encore orphelins de l'Internet haute vitesse.

Depuis samedi, tous les Québécois dont la résidence possède un compteur électrique devraient avoir accès à Internet haute vitesse, une promesse-phare de la Coalition avenir Québec qui a coûté près d'un milliard de dollars aux contribuables.


Mais au lendemain de la date butoir du 30 septembre, des citoyens se trouvent encore orphelins de ce service devenu essentiel.

Selon les informations publiées par Québec, le branchement serait complété à près de 99%. C'est en Outaouais, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans les Laurentides et dans Lanaudière que les taux sont légèrement inférieurs, soit entre 95 et 97%. Après vérifications, toutefois, ces données ne sont pas toutes fiables. Certains secteurs ne sont toujours pas desservis, alors que le site du gouvernement dit le contraire.

«On devait être branché, mais on attend encore. La fibre n'est pas encore là. On nous a dit d'ici décembre, finalement», laisse tomber Émile Hudon, maire de Saint-Gédéon, une municipalité du Lac-Saint-Jean.

Près la moitié des résidences de cette localité ne bénéficie pas d’Internet haute vitesse, soit la large bande à 50/10 Mbps avec transfert illimité. Sur la carte du gouvernement, où les citoyens peuvent suivre l'avancement des branchements, il est pourtant indiqué que 100% de cette localité jeannoise est desservie.

Ce n'est pas le seul endroit où les données se contredisent. Pour au moins trois adresses vérifiées, soumises par des citoyens exaspérés d'attendre le service, les informations étaient manquantes ou simplement inexactes. 

«Puisque certains renseignements contenus dans cette page proviennent de sources externes, le gouvernement du Québec n’est pas responsable de l’exactitude, de la fiabilité et de l’actualité de ces données», avise sur le site du Secrétariat à l’Internet haute vitesse et aux projets spéciaux de connectivité.



En moyenne, les entreprises de télécommunications reçoivent 5000$ par résidence pour l'installation de la fibre optique permettant l'accès à Internet haute vitesse.

Il est impossible, du moins pour le moment, d'avoir une liste précise des endroits où la mise en place de la fibre optique a été retardée. Il faudra attendre encore quelques semaines.

Québec s'est montré optimiste de réaliser ce vaste projet, notamment en raison de la valeur des contrats accordés. En moyenne, les entreprises de télécommunications reçoivent 5000$ par résidence, ce qui couvre largement les dépenses et leur permet par la suite de récolter les fruits des abonnements.

«Les fournisseurs sont contents, mais ils sont mieux de livrer. S'ils ne livrent pas, on peut leur enlever un territoire complet», avait mentionné le député caquiste, Daniel Bélanger, dans une entrevue accordée l'hiver dernier, précisant que des pénalités étaient prévues en cas de retard.

Le député sortant d'Orford, Gilles Bélanger, était responsable du volet Internet haute vitesse dans le gouvernement Legault.

Impossible de connaître la valeur des pénalités, car le rapport mensuel fourni par les entreprises de télécommunications sera déposé dans quelques semaines seulement.

«Des pénalités seront appliquées en fonction des retards réels au 30 septembre», explique Marie-Ève Fillion, conseillère en affaires publiques au ministère du Conseil exécutif et Secrétariat du Conseil du trésor, l'entité responsable du Secrétariat à l'Internet haute vitesse (SIHV). 

«La pénalité maximale est de 10 % de la valeur de chacun des contrats. Soit 100 millions $ sur l’ensemble des ententes», souligne Mme Fillion.

Tous ceux qui observent un retard peuvent déjà souscrire à Starlink au tarif préférentiel, précise-t-elle. Québec a conclu une entente de plus de 60 millions $ avec Space X, l’entreprise du milliardaire Elon Musk, pour desservir les quelque 10 000 résidences où il était impossible d'offrir la fibre optique. Une enveloppe supplémentaire de 30 millions est aussi réservée, en cas de besoin, pour le fournisseur américain d’accès à Internet par satellite.

Québec a conclu une entente de plus de 60 millions $ avec Space X, l’entreprise du milliardaire Elon Musk.

Cette solution, qui ne devait servir qu’aux résidences difficiles d’accès, est désormais offerte à tous ceux qui attendent le service. «Pour les foyers visés par des délais, Starlink est déjà offert comme solution alternative. Les foyers ont alors le choix de prendre Starlink tout de suite ou d’attendre que le projet de fibre optique soit complété. Ce sera possible de rester avec Starlink ou d’opter pour la fibre quand les travaux seront terminés», explique Mme Fillion.

Dans certains cas, toutefois, il est encore impossible de commander le «kit Starlink», puisque l’adresse est sous contrat avec une entreprise de télécommunication. «En indiquant l'adresse, nous n'avons pas droit au rabais», raconte Jean, qui se trouve dans une localité en périphérie de Saguenay.

Pour ceux qui ont fait le changement, dont Gilles Viens, de Saint-Édouard de Maskinongé en Mauricie, la vitesse offerte par Starlink le ravit. Mais celui qui était considéré parmi les 10 000 orphelins d’Internet haute vitesse a vécu plusieurs frustrations pendant le processus.

«Ç’a pris au moins 50 tentatives pour que je réussisse à commander mon kit. J'ai laissé des messages, des courriels au secrétariat (SIHV), mais rien», soupire M. Viens.

Ce dernier a contacté les Coops de l'information afin d’obtenir des réponses. Après vérification, son adresse ne fonctionnait effectivement pas sur le site de Starlink. Puis, il y a quelques jours, tout est rentré dans l’ordre. «La vitesse, c'est extraordinaire comparativement à ce que j'avais, dit-il. Les frustrations sont plus du côté du manque de communications, de services. J'ai été incapable d'avoir un soutien que ça soit par téléphone ou courriel. Et encore moins du côté de Starlink.»

À Saint-Édouard de Maskinongé en Mauricie, Gilles Viens débourse 100$ par mois pour l'accès aux services par satellite de Starlink.

Ce dernier déplore aussi le paiement de 75 $ en frais de livraison pour son équipement. C'est Québec, rappelons-le, qui paie l'équipement et une partie de l'abonnement à l'entreprise américaine. Gilles Viens débourse de sa poche 100$ par mois pour le service. Québec prévoit environ 14,5 millions $ supplémentaires, pour les trois prochaines années, afin de payer une partie de l'abonnement des orphelins.

«C'est sûr qu'on préfèrerait la fibre optique, ajoute M. Viens. C’est plus fiable. Elle est d'ailleurs installée pas loin de chez moi. Mais la compagnie nous dit que ça ne sera pas avant un an encore pour brancher aux résidences.»

Même si le nombre d’abonnés à Starlink augmente, le projet dans son entier ne devrait pas coûter plus cher aux contribuables, selon le Secrétariat à l’Internet haute vitesse. «Le montant des pénalités vient largement couvrir les coûts relatifs à Starlink pour les retardataires», assure Mme Fillion.