Les faits
Les données mentionnées par le PCQ indiquent plutôt une baisse de 335 000 à 260 000 accidents de la route entre 2017 et 2021 — le chiffre de 285 000 est la moyenne sur cinq ans —, mais l’idée générale d’une baisse marquée des collisions routières dans cette province est vraie. Cependant, c’est un choix de statistiques un peu étrange : on ne peut pas démontrer l’absence d’effet d’une limite à 120 km/h sur une autoroute en particulier en citant des chiffres qui portent sur tous les accidents de la province, tous types de routes confondus. Pour en avoir le cœur net, il faudrait des chiffres plus précis permettant une comparaison avec des endroits où la limite de vitesse n’a pas changé.
Il y a justement une étude qui est parue en 2018 dans Sustainability qui a tenté de voir comment les hausses de limites de vitesse décrétées en 2014 en Colombie-Britannique ont joué sur le bilan routier. Ses auteurs ont examiné le nombre d’accidents, de réclamations d’assurance pour blessure et de décès dans les secteurs où les limites ont été rehaussées ainsi que sur les routes situées dans un rayon de 5 km de ces tronçons (afin d’avoir un point de comparaison). L’article ne portait pas uniquement sur la Colquihalla, mais également sur d’autres parties d’autoroutes où les limites de vitesse ont été relevées (et pas toujours à 120 km/h), mais cela donne déjà une mesure plus précise et rigoureuse.
Résultat : là où la limite de vitesse a été augmentée, le nombre de réclamations d’assurance s’est accru de 43 %, les blessures de 30 % et les accidents fatals de 118 %, alors que les secteurs environnants (sans augmentation de la vitesse) n’ont connu qu’une hausse des réclamations d’assurance de 26 %. Même en tenant compte des facteurs confondants comme l’augmentation graduelle du trafic, l’effet des nouvelles limites se maintenait.
Le communiqué du PCQ mentionne également le cas de l’Allemagne, où plusieurs autoroutes n’ont tout simplement pas de limite de vitesse. «Une étude démontre également (que l’Allemagne...) a moins d’accidents de la route que d’autres pays qui imposent des limites strictes», y lit-on. En fait, l’étude citée est un rapport de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (UNECE) au sujet de la sécurité routière. Et il ne dit pas vraiment ce que le PCQ lui fait dire. On y voit que l’Allemagne a eu environ 3600 accidents de la route par million d’habitants en 2019, qui ont entraîné 37 décès et 4600 blessés par million. C’est plus que la moyenne des pays inclus dans le rapport pour les taux d’accident (3000 par million) et de blessés (4100 par million), mais il est vrai qu’on décède moins souvent sur la route en Allemagne que dans la moyenne de ces pays (37 vs 70 par million).
Cependant, ces bilans sont influencés par une foule de facteurs différents — largeur des voies, culture de sécurité routière, taille et âge du parc automobile, degré de dépendance collective à l’automobile, etc. Si l’on ne retient du rapport de l’UNECE que les pays européens dits «avancés» les plus comparables à l’Allemagne d’un point de vue socio-économique (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Suisse et Royaume-Uni), alors le bilan allemand n’est guère reluisant. Ces pays ont des taux d’accident (1900 par million) et de blessures (2475 par million) presque deux fois moindres que ceux de l’Allemagne, même si le portrait est à peu près le même du point de vue des décès routiers (40 par million).
Ce rapport montre qu’il existe bel et bien des pays où des limites de vitesse ont imposées et qui ont des bilans routiers pires que celui de l’Allemagne — les États-Unis, en particulier —, comme l’indique le PCQ, mais la tendance générale penche clairement du côté opposé.
Même chose quand on regarde la littérature scientifique en général sur la question de la vitesse et des risques d’accident. Certaines études ont conclu que relever les limites de vitesse n’avait pas d’effet sur le nombre d’accidents ou les risques de décès. Mais nombre d’autres indiquent qu’augmenter les limites de vitesse accroît les risques. C’est pourquoi la plupart des revues de littérature, qui font le tour des études sur cette question, concluent que le risque et la gravité des accidents augmentent avec la vitesse, même s’il y a évidemment d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte.
Verdict
Clairement faux. Les chiffres cités par le PCQ sur la Colombie-Britannique et l’Allemagne ne disent pas ce que le parti semble vouloir leur faire dire. Dans l’ensemble, la relation entre la vitesse et le risque d’accident est assez clairement établie dans la littérature scientifique.
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