Parlant d’éducation, la loi 21 se caractérise par cet impératif qu’il faudrait afficher en classe une neutralité d’apparence, voulant ainsi que l’enseignant(e) représente l’État laïque.
Il s’agit manifestement d’un trompe-l’œil éthique et professionnel. D’abord, il n’y a aucune preuve scientifique récente que l’hidjab porté par une enseignante constitue une forme de prosélytisme, au mieux passif, et au pire actif.
L’histoire de notre passé ultrareligieux catholique ne relève, d’ailleurs, peu ou pas que l’uniforme religieux porté en éducation par des sœurs ou des prêtres ait eu un impact significativement négatif sur la conscience des enfants ou des adolescents du Québec des précédentes générations.
Au contraire, de limiter, par l’interdiction de porter un signe religieux en classe, la liberté de religion et de conscience d’un enseignant(e), pour soi-disant protéger la liberté de conscience de l’élève est non seulement un trompe-l’œil éthique mais une réelle faute éthique en termes d’égalité des personnes. Car la liberté de conscience de l’enfant existe bel et bien, si elle est partagée, et donc existante et respectée aussi chez son enseignant(e).
Pire, de forcer une neutralité d’apparence fausse la nécessaire authenticité de l’enseignant(e) devant son élève, laquelle avec son professionnalisme ajouté constitue les deux pôles d’une relation pédagogique efficace, efficiente et garante des meilleures chances de succès de cet élève comme de tous les élèves dans des situations comparables.
Évidemment, mon propos m’amène à contester la loi 21 et à demander sa révision. Et bien sûr, aussi, à souhaiter que la question suivante se pose enfin dans la campagne électorale en cours : la laïcité de l’État doit-elle instrumentaliser les personnes en autorité, afin que celles-ci incarnent au quotidien l’État laïque québécois, ou celui-ci pourrait-il exprimer autrement sa laïcité déjà acquise par l’effet de notre révolution tranquille, et de façon plus respectueuse des personnes ?
Revenir sur cet enjeu est nécessaire, d’autant plus que le débat qui a précédé l’adoption de la loi 21 a vu beaucoup d’intervenants(es) qui ont voulu par leurs positions, à l’évidence, instrumentaliser la laïcité de l’État pour la faire servir à combattre un soi-disant prosélytisme en milieu scolaire que pouvait représenter le simple port d’un signe religieux, et en particulier le voile musulman.
Et pire, l’État, à son tour, par le concept de laïcité d’interdiction retenu dans sa loi, instrumentalise lui-même les enseignants(es). Et ce, malgré que lui-même, en référence à cette loi, est régulièrement instrumentalisé par des laïques bien intentionnés, surtout féministes, pour combattre plus largement un islamisme délétère pour la liberté des femmes.
J’estime donc qu’étant donné ses carences éthiques, ce modèle de laïcité adopté par le Québec devrait être revu avant que sa contestation ne se rende en Cour suprême, ou nécessairement le jugement qu’il en résultera ne fera pas que des gagnants(es) avec, de ce fait, un possible affaiblissement de notre cohésion sociale, un thème cher à François Legault actuellement.
Et à la question posée plus haut, je dis oui, l’État pourrait exprimer sa laïcité de façon plus respectueuse des personnes en autorité en ne forçant plus leur neutralité d’apparence. Il n’aurait qu’à déclarer officiellement laïques tous les signes religieux portés par les personnes dans les institutions publiques. Et il pourrait le faire de façon institutionnelle en ramenant le crucifix à l’Assemblée nationale, lequel lui a été cédé par l’Assemblée des évêques en 2013, et procéder à sa désacralisation par une noble motion adoptée par les deux tiers de la députation.
Les signes religieux étant ainsi laïcisés, notre laïcité serait en conséquence que symbolique laissant aux personnes toute leur liberté de conscience d’en porter un ou pas.
Sur le plan éthique, le Québec prendrait, de cette façon, de la hauteur et de la profondeur identitaire. Cependant, pour y arriver, il serait nécessaire que dès maintenant, en campagne électorale, les partis aient l’occasion d’en débattre.
Denis Forcier
Shefford
+
UNE OPINION ?
Que vous soyez simple citoyen, représentant d’organisme communautaire, membre de la communauté d’affaires ou autre, cette tribune vous est offerte gratuitement et est diffusée sur toutes nos plateformes numériques (site web, application, Facebook). Certains textes sont repris dans l’édition magazine du samedi et dans Le Plus le mercredi.
Les lettres doivent être transmises par courriel à opinions@lavoixdelest.ca ou via Messenger, et être accompagnées du nom complet, de l’adresse et du numéro de téléphone de l’auteur. Seuls le nom et la municipalité seront publiés. Nous ne donnons pas suite aux lettres anonymes. La Voix de l’Est se réserve le droit d’abréger et de refuser des lettres.