Le français toujours en déclin au Canada

La langue française perd encore une fois du terrain au pays selon le recensement 2021 de Statistique Canada. Si elle est la première langue officielle parlée d'un plus grand nombre de Canadiens, la proportion qu'ils représentent est passée de 22,2% en 2016 à 21,4% en 2021.

La langue française perd encore une fois du terrain au pays selon le recensement 2021 de Statistique Canada. Si elle est la première langue officielle parlée d'un plus grand nombre de Canadiens, la proportion qu'ils représentent, elle, diminue sans cesse. Le fédéral se dit même «préoccupé» par la tendance. 


«Dans le rêve de Trudeau père d’avoir un pays avec deux langues officielles, le Québec est la province qui se rapproche le plus de ce rêve-là», lance Richard Marcoux en riant. 

M. Marcoux est le directeur l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone à l’Université Laval. 

En analysant le recensement 2021 publié mercredi par Statistique Canada, le chercheur n’est pas tombé en bas de sa chaise, loin de là. 

Ce qu’il constate, c’est que le Québec est la véritable dynamo du bilinguisme au pays. Le taux de bilinguisme français-anglais à 18% n’a à peu près pas changé à l’échelle nationale. Or, il a grimpé de 44,5 à 46,4% au Québec, alors qu’il a diminué de 0,3 point de pourcentage pour s’établir à 9,5% ailleurs au pays. 

Richard Marcoux, directeur l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone à l’Université Laval

Inquiétant, parce que les tendances observées dans les dernières années se poursuivent. 

Certes, le nombre de Canadiens qui parlent français de façon prédominante à la maison a augmenté au Québec, en Colombie-Britannique et au Yukon de 2016 à 2021. 

Toutefois, il a diminué dans toutes les autres régions, dont au Nouveau-Brunswick par plus d’un point de pourcentage.

Mine de rien, la proportion de francophones est passée de 22,2% en 2016 à 21,4% en 2021.

Ontario

En Ontario, par exemple, les francophones comptaient pour 4,5% de la population en 2001. Vingt ans plus tard? 3,4%.

À l’instar des autres régions hors Québec, l’Ontario français est victime d’un vieillissement de sa population, d’une hausse des décès, de transferts linguistiques générationnels «incomplets» et de mouvements migratoires.

Pendant ce temps, la proportion de Canadiens qui ont l’anglais comme première langue officielle parlée est passée de 74,8 % en 2016 à 75,5 % en 2021.

Québec

Et le Québec n’y échappe pas. 

On y compte désormais plus d’un million d’anglophones, une première dans l’histoire du recensement. Cela représente 13% de la population de la province, en hausse d’un point de pourcentage. Une personne sur 10 parle l’anglais de façon prédominante au Québec. 

«Ce qu’on observe de 2016 à 2021 c’est une poursuite de la hausse de l’anglais au Québec. En nombre, la population d’expression anglaise est en hausse dans la province et c’est le cas aussi en proportion», observe le directeur adjoint du centre de démographie de Statistique Canada, Éric Caron-Malenfant.

Ottawa préoccupé

La ministre fédérale des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor a qualifié les données du recensement de «préoccupantes». Selon elle, plus que jamais le français est menacé au Canada, y compris au Québec. 



Ginette Petitpas Taylor, ministre fédérale des Langues officielles

«Pour les 8 millions de francophones au Canada qui vivent dans un océan de plus de 360 millions d'anglophones à travers l'Amérique du Nord, nous savons qu’il faut redoubler d'efforts pour protéger et promouvoir le français et c'est pourquoi notre gouvernement en a fait une priorité», a-t-elle déclaré par courriel.

Cette dernière soutient que l’adoption du projet de loi C-13 sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles est nécessaire pour contribuer à renverser la tendance.

«Ils disent les bonnes choses, mais les actions ne suivent pas», réplique sèchement la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) du Canada, Liane Roy. 

Mme Roy voyait tout cela venir. L’avenir du français au pays passe inévitablement par une hausse des seuils d’immigrations francophones. Or, les cibles n’ont jamais été respectées au Canada.

«Nous sommes 2 790 300 à parler le français dans neuf provinces et trois territoires. C’est une légère augmentation de 49 000 comparativement à 2016. Mais si le gouvernement fédéral avait atteint ses cibles en immigration francophone depuis 2008, nous serions au moins 2 860 000. C’est ce qui est frustrant : rien de ce qu’on voit aujourd’hui n’était inévitable», déplore Mme Roy. 

Liane Roy, présidente de la FCFA

En 2021, plus de neuf millions de personnes n’avaient ni l’anglais ni le français comme langue maternelle, un record qui s’explique par l’immigration.

Richard Marcoux voit lui aussi que les cibles en immigration francophones ne sont pas atteintes. 

«L’immigration francophone est la clé de ce qui s’en vient. Il faut absolument qu’on règle tous les problèmes de visas d’entrée et de résidents permanents. Il y a eu des dérapages, c’est incroyable. Il y a un important ménage à faire de façon à rendre plus fluide la mobilité francophone», affirme-t-il.

La néo-démocrate Niki Ashton va plus loin. Elle croit que les libéraux ont des solutions à portée de main pour stimuler l’usage du français dans les communautés de langues officielles. 

«Il est tout aussi important que le gouvernement fédéral soit un partenaire pour les communautés francophones partout au Canada et investisse dans le maintien et le développement des services offerts en français», dit-elle.

L’anglais gagne du terrain au Québec

Selon Statistique Canada, les changements qui s’opèrent en ce moment dans la belle province sont différents de ceux des années 1970-1980 où bien des gens partaient pour s’établir dans d’autres provinces. On avait alors une baisse de la population. 

«Le seuil migratoire a changé de façon importante dans les dernières années. On voit une progression présentement qui suit la tendance du recensement», soutient M. Caron-Malenfant. 

Plus de Québécois ont l’anglais comme première langue officielle parlée et la population anglophone est plus jeune, ce qui pourrait assurer une accélération de cette tendance. 

Outaouais

L’Outaouais n’est pas en reste. Elle est l’une des régions où le poids démographique des personnes dont l’anglais est la première langue officielle parlée a le plus augmenté. La hausse est de 1,7% pour atteindre 19,1%.

N’empêche, de 2016 à 2021, on note un plus grand nombre de personnes qui peut soutenir une conversation en français, mais une baisse de près d’un point de pourcentage de la proportion de la population qui pouvait soutenir une conversation en français, avec 93,7%.

Mais des régions sont toujours à l’abri de cette évolution démographique. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean compte moins de 1% de résident dont l’anglais est la première langue officielle parlée.

Le recensement 2021 est le 23e de l’histoire du pays. L’exercice est effectué tous les cinq ans et le questionnaire abrégé a été reçu par 75% des ménages canadiens. Le recensement national est obligatoire.