Il y a matière à surprise et indignation devant cette absolution conditionnelle octroyée par le juge Matthieu Poliquin. Les multiples réactions et le tourbillon médiatique qui entourent cette affaire en témoignent.
Une des questions à se poser est : Quel message cela envoi-t-il, encore une fois, au public, aux survivant.e.s de violence sexuelle? Il pourrait facilement être possible d’en déduire qu’à nouveau (car ce phénomène ne date pas d’hier), on se soucie davantage des conséquences de la dénonciation sur la vie ou la carrière de la personne qui agresse que de la gravité, de la violence et du caractère inadmissible de l’agression, en plus des conséquences sur la vie de la victime.
Dans le même ordre d’idée, lors de son jugement, le juge Poliquin a déclaré que l’agression s’était déroulée « somme toute rapidement ». Même si cet élément n’a pas officiellement constitué un facteur atténuant, qu’est-ce que ces mots, largement médiatisés, laissent sous-entendre? Que certaines agressions sexuelles sont moins graves que d’autres? Qu’un viol de 5 minutes serait moins dramatique qu’un autre de 15 minutes?
Pour nous, peu importe les gestes commis, leur durée ou leur répétition, une agression à caractère sexuel demeure inacceptable, criminelle et peut avoir des impacts aussi profonds et importants chez les victimes. Nos 36 ans d’expérience en intervention nous le confirment. Et, permettons-nous de douter un peu de la « bonne moralité » d’une personne qui, en toute conscience, se permet à plusieurs reprises de prendre le pouvoir sur une autre.
Nous sommes également choquées, mais non surprises de constater que certains propos tenus par Simon Houle lui-même et rapportés dans les médias, correspondent de toute évidence à ce que nous appelons les mythes et préjugés entourant la problématique des agressions sexuelles.
Ces mythes ou fausses croyances qui pour la plupart nuisent aux victimes, les CALACS de partout au Québec tentent de les déconstruire depuis déjà plusieurs dizaines d’années. Tout de suite après l’incident à Cuba, M. Houle aurait dit : « C’est pas moi, c’est mes mains ».
Ces paroles insinuent qu’on puisse agresser sexuellement sans en être responsable, ce qui est faux, à moins d’agir sous la contrainte et la menace de quelqu’un d’autre. Ces paroles adressées à la victime ne sont clairement qu’une stratégie permettant de se déresponsabiliser, un type de stratégie à peu près toujours présent dans les récits d’agressions sexuelles.
Simon Houle aurait émis un autre commentaire : « Te rends-tu compte que tu es toute seule avec neuf gars? ». Cela voudrait-il dire qu’une femme en présence de plusieurs hommes devrait s’attendre à se faire agresser? Que ce serait à elle de ne pas se retrouver dans cette situation? Malheureusement, en plus de déresponsabiliser l’agresseur, les mythes et préjugés ont tendance à blâmer la victime pour l’agression qu’elle a elle-même subie.
Bref, un énorme travail de sensibilisation reste à faire en lien avec les violences sexuelles. Oui, nous gagnerions à ce que les acteurs du système judiciaire et du milieu policier soient mieux formés. Nous devons continuer à militer pour un meilleur accès à la justice et pour un système où les survivant.e.s seront réellement entendu.e.s.
Mais, comme en témoigne la forte présence des mythes et préjugés encore aujourd’hui, ce sont probablement les changements de mentalité au sein de la société tout entière qui entraîneront le système de justice avec eux.
Gabrielle Champagne,
intervenante et agente de prévention au CALACS des Rivières Haute-Yamaska Brome-Missisquoi