Le groupe Sobeys, propriétaire des supermarchés IGA, a lancé au printemps la nouvelle plateforme Voilà. Toutes les commandes qui y sont passées sont préparées dans un centre de distribution robotisé situé dans l’ouest de l’île de Montréal, d’où elles sont acheminées à travers la province.
En plus d’un centre dédié desservant la métropole – inauguré il y a un an – et 11 magasins situés dans d’autres régions du Québec d’où partent ou peuvent être ramassées les commandes faites en ligne, le groupe Metro, également propriétaires des bannières Super C et Adonis, s’est associé à la plateforme Cornershop d’Uber en 2019 et plus récemment à Instacart pour les livraisons rapides. L’entreprise américaine est aussi partenaire de Costco et Walmart au Québec.
Loblaw, qui possède les chaînes Provigo et Maxi, a lancé la semaine dernière un projet pilote similaire sur l’île de Montréal en collaboration avec DoorDash, qui vient s’ajouter à sa plateforme PC Express, qui dessert l’ensemble de la province.
«Les distributeurs développent de plus en plus de modèles efficaces. Au début de la pandémie, ça pouvait prendre jusqu’à huit jours pour avoir sa livraison. Maintenant, ça prend une heure ou deux [dans certains cas]. Les consommateurs s’en aperçoivent. On croit donc que d’ici 2025-2026, 10% des ventes au détail en alimentation au Canada se feront en ligne. Avant la pandémie, nous étions à 1%. Avant la COVID, on y allait par tâtonnement. Maintenant, on développe des stratégies qui fonctionnent», analyse Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie.
Malgré la volonté de l’industrie de répondre le mieux possible aux besoins des clients, certains d’entre eux ne voient pas nécessairement d’un bon oeil la centralisation de certaines opérations. C’est le cas de Sylvie Groleau, une Trifluvienne qui déplore que toutes les commandes passées via la plateforme Voilà d’IGA soient dorénavant expédiées à partir du nouveau centre de distribution montréalais.
«On peut toujours passer des commandes par téléphone dans un magasin, mais pour combien de temps? Ça n’encourage pas du tout les économies locales», considère-t-elle. Elle reconnaît néanmoins que de nombreux produits offerts sur la plateforme proviennent du Québec, tout comme c’est le cas dans les supermarchés de la chaîne.
Du côté de l’Association des détaillants en alimentation du Québec, on estime que la multiplication des moyens permettant de faire son épicerie sans se rendre physiquement dans un supermarché était inévitable, notamment après la pandémie de COVID-19. Son directeur général, Pierre-Alexandre Blouin, soutient que les opinions des commerçants faisant partie de son regroupement sont multiples ce propos.
«Le fait que les opérations soient centralisées, il y en a qui croient que c’est une bonne chose. Ça coûte cher, notamment en main-d’œuvre, de préparer des commandes et faire la livraison. Mais il y en a qui voient ça comme une perte de volume. Il n’y a pas de vision égale», constate-t-il.
M. Blouin n’est pas en mesure de s’avancer sur les impacts que cette nouvelle réalité aura sur la pérennité des commerces de ses membres, même s’il reconnaît qu’il y en aura.
Un avenir pour les supermarchés?
Avec la prolifération des moyens pour commander des denrées et leur efficacité accrue, est-ce que les supermarchés comme on les connaît sont appelés à disparaître à moyen ou long terme?
«Les supermarchés ne vont pas disparaître. Mais ils vont changer. Je crois que le temps des grandes surfaces est révolu. Il y aura un réajustement à ce niveau-là, à moins que ce soit un magasin qui mise sur les aubaines», soutient Sylvain Charlebois.
Par contre, les principaux joueurs de l’industrie ne croient pas à la mort des supermarchés. Leurs porte-paroles estiment tous que les achats en ligne et en personne sont complémentaires.
«Les magasins sont là pour rester», assure Johanne Héroux, directrice principale Affaires corporatives et communications de Loblaw. Ses homologues chez Metro et Sobeys abondent dans le même sens.