Chronique|

Les Gémeaux sont bien vivants

<em>C'est comme ça que je t'aime</em> a reçu 13 nominations.

CHRONIQUE / Oui, le gala des 37es prix Gémeaux aura bien lieu en septembre sur ICI Télé. Et non, la soirée qui récompense l'industrie de la télévision n'est pas en danger de disparition.


Au lendemain de l'annonce de la mort du Gala Artis par TVA, j'allais bien sûr aborder la question au dévoilement des nominations des Gémeaux.

En boutade, Véronique Cloutier, qui anime la soirée du dimanche 18 septembre à 20h, a promis qu'elle présenterait un gala «pertinent».

À Radio-Canada, il n'y a pas eu de rencontre au sommet mardi pour décider du sort des galas, au nombre de quatre sur ICI Télé.

«Nous n'avons pas fait de réunion d'urgence après l'annonce de TVA», m'a confié la première directrice du secteur culture, variétés et société de Radio-Canada, Sophie Morasse, qui dit par ailleurs comprendre les raisons du diffuseur privé. «Ce sont des shows qui coûtent cher», reconnaît-elle.

Bien sûr, elle voit les auditoires décliner, mais elle rappelle que Radio-Canada a le mandat de soutenir la culture. «Le Gala de l'ADISQ a un impact sur les ventes de disques. Nous devons servir de levier pour l'industrie culturelle.»

Même le Gala Québec cinéma, qui a reçu de dures critiques, a entraîné un plus grand nombre de visionnements des productions gagnantes.

Chose certaine, le diffuseur public n'a pas dans ses cartons l'abolition des galas à son antenne. «C'est comme si on disait: le théâtre, ça ne marche pas assez, on va toute flusher! Il y a des nuances à faire, on ne peut pas tout mettre dans la poubelle, c'est du cas par cas.»

Sophie Morasse précise tout de même que le diffuseur ne peut s'engager à long terme pour quelque production que ce soit. «Même En direct de l'univers n'a pas ce privilège», dit-elle.

«Est-ce qu'un gala est encore le meilleur vecteur pour donner de la visibilité à l'industrie? C'est là-dessus qu'il faudra avoir une réflexion.»

Présidente de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision, section Québec, et productrice des séries Faits divers et Une affaire criminelle, Sophie Deschênes déplore pour sa part l'abandon du Gala Artis.

«Je trouve ça dommage parce que ça met en valeur les coups de cœur des téléspectateurs et ça met en valeur les artistes. Et c'est ça qu'on aime! On a un star-système extraordinaire au Québec, on grandit avec nos acteurs, ils font partie de notre paysage. Je trouve ça le fun de les voir gagner.»

Sophie Deschênes est confiante que les Gémeaux ont encore de belles années devant eux. «Avec la quantité de nouvelles plateformes, l'arrivée de Bell qui déclenche de plus en plus de séries dramatiques, la compétition est extrêmement forte», remarque-t-elle.

Même optimisme chez la nouvelle directrice générale de l’Académie, Mara Gourd-Mercado. «Il n'y a pas de plan d'arrêter les Gémeaux. La différence avec le Gala Artis, c'est que les Gémeaux, c'est remis par les pairs. On a tendance à oublier que toutes les industries font ça: les ingénieurs, le Barreau du Québec, les journalistes. Quelle forme ça va prendre dans cinq ans, dans 10 ans? On verra. Mais je pense que les pairs qui veulent reconnaître un travail bien fait dans leur domaine, ça va toujours exister.»

C'est comme ça que je t'aime et Audrey est revenue en tête des nominations

Nommée 13 fois chacune, C'est comme ça que je t'aime et Audrey est revenue dominent le tableau des nominations des 37es prix Gémeaux. Un nombre mérité pour ces deux séries, parmi ce qui s'est fait de meilleur à la télé dans la dernière année.

Par contre, les deux titres n'ont pas encore été diffusés à la télé, ce qui pourrait rebuter ceux qui attendent; on aime avoir vu pour apprécier une remise de prix.

Mon autre série coup de cœur, Aller simple, récolte quant à elle huit nominations, notamment celle de la meilleure série dramatique avec C'est comme ça que je t'aime, Le temps des framboises, Une affaire criminelle et Virage. Seules les deux séries de Noovo ont été diffusées à la télé, les autres n'étant disponibles que sur les plateformes de diffusion.

Pour sa dernière saison en ondes, District 31 récolte quant à elle cinq nominations. Étrangement, aucun de ses acteurs n'est nommé, mais l'auteur Luc Dionne et la réalisatrice Danièle Méthot le sont.

Dans la catégorie des séries dramatiques annuelles, la quotidienne d'ICI Télé affronte L'Échappée, Les moments parfaits, Nous et Toute la vie.

La compétition sera relevée chez les acteurs. Pour le premier rôle dans une série dramatique, Luc Picard part avec une longueur d'avance avec son interprétation stupéfiante dans Aller simple.

Marilyn Castonguay est nommée chez les femmes pour son rôle d'Huguette dans C'est comme ça que je t'aime, mais Céline Bonnier, excellente dans Une affaire criminelle, pourrait brouiller les cartes.

Du côté des séries dramatiques annuelles, Alertes voit trois de ses acteurs masculins nommés, mais Roy Dupuis devrait l'emporter pour son touchant rôle dans Toute la vie.

Chez les femmes, Marina Orsini a aussi de bonnes chances pour nous avoir fait pleurer dans la finale d'Une autre histoire. Vous imaginez un duo Émilie-Ovila parmi les gagnants? Pour ça, il faudrait que Roy se présente au gala.

En comédie, dommage de voir Florence Longpré et sa maman d'Audrey est revenue, Josée Deschênes, mises en compétition dans la même catégorie. Mais puisqu'il faut choisir, je donne mon Gémeaux à la première.

Le papa d'Audrey, Denis Bouchard, affronte quant à lui Guy Nadon de La Maison-Bleue et Michel Charette, dont on a soumis le premier épisode de la série Le bonheur, qui commence par sa célèbre crise.

Je serais étonné de ne pas voir Patrick Huard récompensé pour son travail à La tour. Dans la catégorie des émissions d'entrevues, il affronte Julie Bélanger et José Gaudet, Patrice Roy, André Robitaille et Jean-Philippe Dion.

Guillaume Lemay-Thivierge n'est pas retenu pour Chanteurs masqués mais pour Si on s'aimait, avec sa conjointe Émily Bégin. Le couple affronte entre autres Katherine Levac et Jay Du Temple. Pas étonné toutefois de voir Chanteurs masqués nommé pour les costumes.

Julie Snyder ne récolte pas de nomination pour son talk-show quotidien mais pour Le jour J, son docu-réalité à Canal Vie et plusieurs fois comme productrice.

France Beaudoin est nommée à la fois pour En direct de l'univers et Pour emporter. Dans la catégorie série ou spéciale de variétés, elle rivalise avec Véronique Cloutier, Gregory Charles, Marie-Lyne Joncas, Édith Cochrane et André Robitaille.

Nicolas Ouellet animera le Gala d'ouverture des 37es prix Gémeaux, le dimanche 18 septembre à 14h30 sur ICI ARTV.

Trois cent soixante-dix-sept productions télé et 128 productions numériques sont inscrites à la compétition pour un total de 5064 candidatures, ce qui pourrait faire mentir ceux et celles qui disent que «tout le monde de l'industrie gagne son Gémeaux». Les membres procéderont au vote durant la saison estivale.

Antoine Bertrand recevant un trophée Artis en 2021.

Gala Artis: il n'y a pas de quoi se réjouir

Il s'en est trouvé plusieurs mardi pour se réjouir de la mort du Gala Artis.

Ce n'est pas mon cas.

Parce que ça dit beaucoup sur l'état précaire actuel de notre télévision.

La disparition d'un gala d'une telle importance, qu'il soit ou non de popularité, symbolise un recul. C'est comme si on avait abdiqué.

Sommes-nous en train de perdre tranquillement un star-système unique, qui n'a jamais existé dans le reste du Canada?

Si la direction de TVA en est venue à abandonner son Gala Artis, c'est d'abord parce qu'il n'y aurait plus d'intérêt pour les galas à travers le monde.

Ce n'est qu'en partie vrai.

Ce ne sont pas les galas que les gens n'aiment pas, mais que ce soit toujours les mêmes qui gagnent et que ces galas manquent de magie.

Aussi, parce que les cotes d'écoute ont baissé. Or, on ne peut pas se fier aux auditoires des deux dernières années, alors que le public a eu droit à des soirées approximatives, sans public en studio et par conséquent, sans l'ambiance d'un gala. C'est évident que le public allait être moins présent.

Partir de ces deux années pour mettre tous les galas dans le même panier et choisir de tirer la plogue serait un raccourci malhonnête.

Pour être 1,7 million devant leur écran, il faut que les gens aiment les remises de prix. Je le répète: donnez-nous de bons galas comme nous en avons eu des dizaines par le passé et nous serons au rendez-vous.

Je vais m'ennuyer du Gala Artis. De son tapis rouge, le seul digne de ce nom de tous nos galas. De ce seul soir de l'année où le public avait l'occasion de récompenser ses vedettes, même si c'était souvent les mêmes.

Je laisserais le mot de la fin à Jean-Philippe Dion, qui en a lui-même coanimé deux et qui a écrit ceci sur Facebook: «Trouvons une autre façon de souligner l'amour du public pour les membres de notre industrie. C'est aussi une façon de ne pas laisser notre culture s'effacer.»

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