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Le genre de journée qui change le cours d’une vie.

La nuit du 22 au 23 janvier dernier, Arsenault, 37 ans, a accepté de mourir, ne voyant plus d’autre issue, lui qui se présente comme «le clown de la gang» et le «gars le plus heureux sur terre».

Le natif de Baie-Comeau a accepté de raconter sa triste, mais inspirante histoire de résilience au Soleil. La voici.

C’est en entrant à son domicile de Rivière-du-Loup, cette nuit-là, que la chute aux enfers commence pour Jimmy Arsenault. Le jeune homme tombe juste devant chez lui et se cogne la tête sur les marches de béton. Il perd conscience, gisant pendant près d’une heure et demie sur le sol sous une température glaciale de -40 degrés Celsius.

Lorsqu’il reprend connaissance, son corps est paralysé. Sa blonde dort à poings fermés dans la maison. «Aussitôt que j’ai voulu débarrer la porte, je ne pouvais plus rien faire, raconte-t-il avec émotion près de quatre mois plus tard. J’étais complètement gelé, je n’avais plus aucun contrôle sur mon corps. J’étais incapable de frapper ni de sonner.»

Souffrant d’hypothermie, Arsenault a les oreilles gelées et le visage ensanglanté. Ses mains, toutes gonflées, passent du bleu au noir. À bout de forces, il réalise qu’il ne pourra jamais réussir à ouvrir la porte qui le sépare de la mort et il lâche prise. «J’ai décidé d’abandonner, poursuit-il avant de prendre une longue pause. Les flashs que j’ai, c’est que je me suis dit : “Ça y est Jimmy, c’est fini. On passe à autre chose.” J’ai accepté de mourir.»

C’est un tout petit bruit venant de son relâchement contre la porte d’entrée de leur demeure qui alerte sa conjointe Marie-Andrée Levesque. Lorsqu’elle ouvre la porte pour y voir plus clair, la jeune femme y retrouve son amoureux, en piteux état, sur le paillasson.

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Je n’avais plus aucun contrôle sur mes membres, raconte-t-il. La seule chose que je lui ai dite c’est : “Merci”. Puis en voulant entrer dans la maison, je suis retombé sur la tête une deuxième fois.

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Lorsque les ambulanciers arrivent à sa rescousse, il y a du sang partout sur le plancher. Ils s’entendent à dire que quelques minutes de plus au froid et Arsenault serait mort gelé. Il est vivant, mais il n’est pas au bout de ses peines pour autant.

Transporté à l’hôpital de Rivière-du-Loup, Jimmy est vite transféré à l’hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec, spécialisé pour ses soins aux grands brûlés. Il y a sera hospitalisé pendant 12 jours. «Les deux premiers jours, on me parlait de me couper les dix doigts, car ils ne répondaient plus. Un moment donné, un médecin est arrivé et il m’a dit : “On a peut-être quelque chose pour toi, mais il n’y a pas de garantie. Avec les coups que tu as eus à la tête, on craint que ce qu’on va te donner [comme traitement] va apporter du sang au cœur ou au cerveau.”»

La peur au ventre de devenir «légume à vie», Arsenault et les membres de sa famille décident de prendre «une autre avenue». Après cinq ou six jours, ses doigts recommencent à réagir. «J’ai commencé à reprendre espoir», se rappelle-t-il.

Après la forte médication viennent la peur, la peine et le doute. «Tous les jours, on enlevait mes pansements, on faisait de la physio[thérapie] et de l’ergo[thérapie] et on remettait mes pansements. Chaque fois que je voyais du noir sur mes doigts, je savais que c’était négatif. J’étais tout seul dans la chambre et tout ce que j’avais à penser c’était : “Demain, peut-être qu’ils seront noirs et qu’ils n’auront pas le choix de les couper.”»

Un calvaire de trois mois

Le réseau de la santé est submergé par la cinquième vague de la COVID-19, mais Arsenault est traité comme «un chef» par les spécialistes et le personnel en place. «Leur présence morale a tellement été forte. Ils me donnaient de l’espoir et une chance qu’ils ont été là.»

Deux des doigts de sa main gauche deviennent «noirs comme de la cendre» et de retour chez lui, Arsenault finit par se faire à l’idée qu’ils doivent être amputés. Après l’opération, vient ensuite une période difficile où les spécialistes doivent s’attaquer aux douleurs fantômes qui lui pourrissent l’existence.

Le calvaire, celui de perdre toute son autonomie, dure trois mois. «Je ne pouvais plus rien faire. Ce sont mes proches qui me nourrissaient, ma blonde qui me lavait. Je suis tombé dans un mood rough. Tout le monde doit tout faire pour toi… Je me regardais et je me disais : “Tabarnouche que tu en arraches.”»

Ses proches, dont sa mère Doris Petitpas, lui offrent un «soutien incroyable», l’épaulent et l’accompagnent lors des multiples rendez-vous dans les établissements de santé.

Chaque jour devient «un combat». Jimmy Arsenault doit réapprendre les petits gestes quotidiens, comme tenir une fourchette dans ses mains et enfiler des chaussures. «Si tu veux, tu peux, répète-t-il à plusieurs reprises dans l’entrevue. Avec chaque petit combat, il y a une nouvelle victoire. Chaque jour que je me lève, je me dis que je vais accomplir quelque chose de plus que la veille et je le vois comme un succès.»

La vie, il ne la voit plus de la même façon. Son épreuve lui rappelle la bonté humaine et il en tire plusieurs leçons. «Il faut que tu sois présent pour les gens que t’aimes, que tu les apprécies, que tu sois content de vivre, détaille-t-il. Des fois, tu mets des personnes de côté pour “X” raisons, mais il faut toujours garder un bon contact avec les gens importants, qui ont été là pour toi. Prends-en soin à 1000 %, car on ne sait jamais ce qui va arriver.»

Son message, celui qu’il a décidé de raconter, c’est celui de l’espoir. «J’étais à quelques minutes de mourir, à deux jours de perdre mes dix doigts. Aujourd’hui, j’ai toute ma tête, j’ai un emploi. [qu’il pourra reprendre un jour]. J’ai sept doigts et demi au lieu de dix, mais j’ai toute la vie devant moi. Je fonce et je garde le moral, même si c’est difficile parfois…»

Jimmy vit après avoir accepté de mourir.

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FONCER COMME AU HOCKEY

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La carrière de sportif de Jimmy Arsenault a forgé son caractère et l’a aidé à surmonter la dure épreuve des derniers mois. Amputé de deux doigts et demi, le fait de tenir un bâton de hockey dans ses mains prend maintenant un tout autre sens pour lui.

L’ancien attaquant du Drakkar de Baie-Comeau (2001 à 2004) en a eu une belle preuve lors du dernier Tournoi international de hockey pee-wee de Québec qui impliquait son filleul Zack, le fils de son frère Ken, un autre ancien du Drakkar.

Promettant d’être toujours présent pour le plus jeune hockeyeur de la famille, le meilleur marqueur des petits Remparts de Québec dans le tournoi, Arsenault a vécu un moment privilégié. «Juste avant l’un de ses matchs, je suis allé lancer des rondelles avec lui, raconte le jeune homme de 38 ans. Juste avoir la chance de prendre un bâton dans mes mains, de faire des passes avec [son filleul] et prendre des lancers… pour lui c’était banal, mais pour moi c’était tellement gros.»

Sa carrière dans le hockey et dans le sport — il est aussi un passionné de baseball —, Jimmy Arsenault en est très fier. Il a d’ailleurs fait partie de la prestigieuse édition 2002-03 du Drakkar, la meilleure des 25 ans de l’équipe, aux côtés de joueurs marquants de l’histoire de l’organisation comme Joel Perrault, Jean-François Jacques et Maxime Fortunus.

Ce passage au sein de l’équipe de sa ville natale, qui avait été sacrée meilleure au pays en saison, a façonné l’homme qui est devenu. «Il n’y a rien eu de facile pour moi, j’ai dû travailler très fort et prouver que j’avais ma place, dit-il. La discipline et la passion de l’entraînement ont fini par me donner le goût d’aller étudier, pendant trois ans, en kinésiologie [à l’Université du Québec à Trois-Rivières.»

Arsenault a appris l’anglais et a joué dans l’ouest du Canada, avant de revenir s’établir au Québec où il est devenu agent correctionnel pendant huit ans à Québec. Depuis peu, il occupe un poste au bureau de probation du Palais de justice de Rivière-du-Loup, ville où il demeure depuis 2020.

L’ex-hockeyeur, qui craignait le regard des autres après son amputation, a découvert des «gens plus humains» qu’il le pensait. «Dans ma tête, je me disais : “Qu’est-ce que le monde va dire [en le voyant]?” Mais la façon que les gens réagissent, c’est encourageant. Parfois, en ne faisant pas de cas [de sa situation] ou bien en me regardant avec un petit sourire. Ça m’aide à foncer encore plus.»

Foncer, comme dans le temps qu’il jouait au hockey. Mikaël Lalancette

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