Étude détaillée du projet de loi 2: TransEstrie reste prudent

L’étude détaillée du projet de loi 2 a débuté mardi avec le recul du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, en matière d’identité de genre et de sexe. L’organisme TransEstrie reste tout de même prudente.

TransEstrie accueille d’un bon œil certaines modifications qui ont été annoncées dans le cadre de l’étude détaillée du projet de loi 2, impliquant une réforme importante du droit de la famille. Cependant, l’organisme communautaire reste prudent en évoquant que les changements proposés permettent seulement à Québec de se conformer au récent jugement de la Cour supérieure du Québec, rendant caducs plusieurs articles du Code civil du Québec jugés discriminatoires envers les personnes trans ou non binaires.


Rappelons qu’en janvier 2021, le jugement prononcé par l’honorable Gregory Moore demandait au gouvernement provincial de revoir certains articles du Code civil

Lors de ses remarques préliminaires, mardi, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette, a annoncé entre autres qu’il ne sera finalement pas obligatoire pour une personne d’obtenir des traitements médicaux et des interventions chirurgicales afin de changer sa mention de sexe sur ses documents officiels de l’État, contrairement à ce que prévoyait la première mouture du projet de loi. Cet élément avait soulevé la colère de la communauté LGBTQ+. 

Il n’y aura finalement qu’un seul marqueur identitaire sur les documents d’État civil, soit le sexe, afin de ne pas placer quiconque dans «des situations de dévoilement non désiré». Une personne se qualifiant de non binaire devra pouvoir choisir de ne pas être identifiée en tant qu’homme ou femme sur ses documents officiels. Si cette personne donne naissance à un enfant, elle pourra choisir de n’être légalement ni père, ni mère du bébé, en optant pour la neutralité non genrée du mot «parent».

Lors du dépôt initial du projet de loi 2, TransEstrie avait vivement critiqué celui-ci en le qualifiant de «transphobe», en plus d’indiquer qu’il s’agissait d’un recul majeur pour les droits des personnes trans.   

«On est soulagé que le gouvernement reconnaisse les erreurs qu’il a commises dans la rédaction de la première version du projet de loi. Cependant, on se rappelle que cette situation aurait pu être évitée si le gouvernement avait pris le temps de consulter les groupes et les communautés avant de déposer son projet de loi en octobre. On s’est retrouvé avec un projet de loi qui n’était pas adapté simplement, car il n’y a eu aucune consultation [...] Il ne concordait pas du tout avec l’esprit du jugement Moore», estime la coordonnatrice adjointe chez TransEstrie, Florence Gallant-Chenel. 

«Oui, c’est l’fun de voir que le ministre recule sur ses positions, mais il faut se rappeler que c’est le strict minimum qu’il fait en ce moment. Il se colle au jugement Moore.»

Il n’y a pas d’avancées qui sont faites. On répond à un jugement.

L’organisme aurait aimé que le gouvernement s’attarde aux tarifs entourant le changement de nom ou de la mention de sexe. «148$, ça peut sembler petit, mais pensons à la communauté qui doit défrayer ces frais. On parle d’une communauté dont le salaire médian se trouve en dessous du seuil de la pauvreté», avance Florence Gallant-Chenel. La Charte québécoise des droits et libertés fait état que «toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée [...] sur l’identité ou l’expression de genre».

Un travail costaud

L’étude détaillée du projet de loi 2 est un travail costaud à l’approche de la fin de la session parlementaire alors que le document comporte 360 articles, selon Florence Gallant-Chenel. Le ministre Jolin-Barette a cependant exclu de forcer l’adoption par bâillon, estimant avoir tout le temps requis et en disant miser sur «la collaboration» des élus des partis d’opposition pour l’adopter à temps, soit avant l’ajournement du 10 juin.

Plusieurs sujets à l’étude

Le projet de loi 2 aborde plusieurs sujets délicats tels que la reconnaissance des personnes et parents non binaires, l’encadrement des contrats de mères porteuses, les règles de filiation, la présomption de paternité pour les conjoints de fait, la violence familiale et la déchéance parentale, les renseignements divulgués aux enfants adoptés et la reconnaissance des droits de l’enfant né d’une mère porteuse de connaître ses origines.

Florence Gallant-Chenel explique que même si le projet de loi n’est pas encore adopté, son impact social est bien réel. «Certaines personnes ont même devancé des éléments de leur transition de peur de ne plus être en mesure d’accéder à une transition de genre si le projet de loi passait.»  

La porte-parole estime que le ministre Jolin-Barette aurait pu profiter de la vague afin de pousser plus loin les avancées. «Est-ce que c’est nécessaire d’avoir les marqueurs de sexe sur les documents d’identité? Des personnes vont croire que oui et d’autres que non. Mais, le ministre n’ose même pas la poser alors que le momentum est là pour le faire.» 

Avec les informations de La Presse canadienne