La cause avait initialement été rejetée par la Commission de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), mais le tribunal a finalement tranché en faveur de l’employé, le 2 mai dernier.
Les événements se sont produits en 2019, au Service aux entreprises (SAE) du Centre de services scolaire des Rives-du-Saguenay, dont les locaux sont situés au Centre de formation professionnelle du Fjord.
Embauché par les Rives-du-Saguenay en janvier 2009, l’homme œuvre au SAE, qui offre des formations et du perfectionnement aux travailleurs déjà sur le marché du travail. Il occupe cette fonction jusqu’en 2017, alors qu’il devient enseignant au programme menant au diplôme d’études professionnelles.
Le travailleur retourne au SAE en 2017, affecté plus particulièrement à la reconnaissance des acquis en entreprise. Dans son témoignage, il résume qu’il s’agit de valider les connaissances, l’expérience et les compétences des soudeurs en milieu de travail, dans le but de leur accorder un diplôme équivalent. Mais pour préserver son ancienneté, il doit reprendre son poste au programme menant au diplôme d’études professionnelles en 2020. C’est à partir de ce moment que les choses se corsent.
Selon ses dires, le climat de travail n’a jamais été excellent après la scission des départements SAE et d’études professionnelles. « Toutefois, malgré certaines frictions, la situation est viable et tous parviennent à y trouver leur compte », dit-il.
En août 2019, le travailleur est plus présent au Centre de formation professionnelle. Il est souvent dans les ateliers où œuvrent ses élèves, supervise les projets de soudure et interagit avec les étudiants.
À plusieurs reprises, lorsqu’il se présente à la salle des professeurs pour dîner, des collègues lui disent que cet endroit est réservé aux enseignants du programme de diplôme d’études professionnelles, qu’il n’est pas un enseignant, mais un formateur et qu’il doit aller dîner ailleurs, peut-on lire dans le récit du tribunal.
À ces propos s’ajoutent les commentaires désobligeants de collègues qui l’accusent d’offrir « des diplômes à rabais et de priver d’autres enseignants de leur travail ». Le travailleur est insulté par ces insinuations, disant effectuer sa tâche au meilleur de ses connaissances et remplir le mandat d’offrir aux soudeurs en entreprise un diplôme reconnaissant leur expérience et leurs compétences.
Des remarques sur son physique s’ajoutent aux autres insinuations.
« De longue date, un collègue et lui se taquinent en se donnant des sobriquets liés à la taille de leur pénis. La stature mince et svelte du travailleur lui vaut celui de “petite b…”, alors que le collègue est qualifié de “gros sh… ‘.», peut-on lire dans la décision rendue publique il y a quelques jours.
À l’automne 2019, alors que l’ambiance n’est pas rose, le travailleur demande à son collègue de cesser de le qualifier ainsi. Toutefois, le collègue en question continue de plus belle, le disant même devant les élèves.
D’autres insinuations sur son travail ont raison de sa santé. Il demande d’avoir accès au programme d’aide aux employés, ce qui lui est refusé « pour des motifs administratifs ». Finalement, il y a accès un peu plus tard, mais il a consulté un médecin entre temps. Il est alors placé en arrêt maladie. On lui diagnostique un trouble de l’adaptation avec humeur anxiodépressive secondaire à de l’intimidation et du harcèlement au travail.
Le travailleur revient au CFP au cours du mois de mars 2020. Dès son arrivée, la secrétaire du service l’aborde en lui demandant s’il est certain de son retour, étant donné que son absence les a « mis dans la merde ».
« Le travailleur croise ensuite son collègue qui le reçoit avec le sobriquet vexatoire que l’on sait et que le travailleur lui a maintes fois demandé de taire. Il est clair pour lui qu’il ne s’agit pas de camaraderie. Ce dernier l’appellera encore ainsi au cours du mois de juin. Cela dérange le travailleur au point où, à au moins deux reprises, il avise la direction qu’il ne veut plus être affublé de ce surnom indu. Mais selon son témoignage, l’employeur fait fi de ces informations et ne tient pas compte des impacts de la situation sur lui », peut-on lire dans le récit du tribunal.
L’état de santé du travailleur se détériore encore, au fil des mois, et un autre événement retient l’attention du tribunal.
Le travailleur relate qu’en raison de la crise sanitaire, les groupes d’élèves en mode travail-études avaient un certain retard sur les projets personnels en cours. Pour leur permettre d’obtenir leur diplôme, le projet de fabrication de foyers extérieurs déjà entrepris est mis de l’avant, en collaboration avec un collègue et la direction.
« Cependant, quelques jours plus tard, ce collègue met fin au projet et l’avertit qu’il informera la direction si les élèves poursuivent leur travail. Le lendemain de cet avertissement, ce dernier se présente à l’atelier en bombant le torse dans une attitude menaçante, s’adresse au travailleur avec moult jurons et, devant ses élèves, lui intime l’ordre de leur signifier l’arrêt des travaux », récite le tribunal.
Le tribunal est d’avis que tous ces événements vécus au travail, qui pourraient paraître bénins, sont devenus significatifs et débordent du cadre normal auquel le travailleur est susceptible de faire face dans son milieu d’enseignement et ne sont pas de simples perceptions.
Prestations
Le travailleur ne demandait pas d’indemnisation, mais bien d’avoir droit aux prestations de la CNESST, étant donné que son état de santé était dû au comportement déplacé de ses collègues.
Sa demande avait toutefois été rejetée en 2020.
Mais la cause a été entendue par le Tribunal administratif du travail qui a, au terme des audiences, déclaré que le travailleur a bel et bien subi une lésion professionnelle et qu’il a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.