Pendant que le «trouple» — étiquette que se collent Adrianna Rivera, Stéphanie Guay et Alex Gagné — explique la façon dont sa fille aborde son quotidien, Lexy vante haut et fort sa famille, du fond du salon. Ce sont bien trois adultes qui figurent avec elle sur la photo de famille qu’elle a affichée à la garderie : Papa, Maman et Mamacita.
Et non, jamais l’un d’entre eux n’avait prévu emprunter ce chemin.
Dans cette «famille 3.1 [pour trois adultes et un enfant]», il y a tout de ce qu’on peut retrouver chez les voisins, y compris une entente amoureuse établie grâce à cette bonne vieille communication. «On est les trois. Personne ne va voir d’autres gens, personne n’est mis à part. On s’aime, juste nous», résume Stéphanie.
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Comme tous les amoureux aussi, ils ont un récit de rencontre à raconter. Pour eux, il est simplement au pluriel.
Quand l’amour s’additionne
Tout a commencé avec un amour réciproque. Adrianna et Alex formaient un couple depuis l’école secondaire, en 2009, et ont même échangé leurs vœux en 2016. Tout allait pour le mieux et leur amour était nourri avec soin, insistent-ils.
Puis ont été décochées deux autres flèches de cupidon, une après l’autre.
«En 2018, j’ai rencontré Steph au travail, raconte Adrianna. Il y a eu une chimie entre nous deux. Je me disais “J’aime mon mari, je suis bien avec lui... Pourquoi je ressens quelque chose, et premièrement avec une fille? Je l’aime, mais pas comme j’aime mes amies, qu’est-ce qui se passe?”»
Évidemment, les remises en question ne se sont pas arrêtées là. Stéphanie raconte s’être tranquillement rapprochée du couple, tout en respectant leurs limites.
Qu’est-ce qu’on était? C’était normal? J’ai même googlé pour voir ce qui existait.
Au fil des «soirées Sangria», une série de jours a fini par s’écouler sans que Stéphanie quitte le nid d’Adrianna et Alex. «À un certain point, elle nous a dit qu’elle allait nous laisser notre espace. Mais Alex et moi, sans se regarder, on est devenus émus. Il lui a dit : “Je ne veux pas que tu partes. Je suis bien avec toi.” C’était la même chose pour moi. Cette semaine-là, il m’a dit qu’il comprenait ce que je ressentais pour elle.»
Puis les questions ont recommencé. Faute de modèles, entre autres. «Ça a été beaucoup d’adaptation», avance Alex en toute franchise.
«Qu’est-ce qu’on était? C’était normal? J’ai même googlé pour voir ce qui existait», avoue Stéphanie, sous les yeux rieurs d’Alex. Pour elle, il s’agissait d’ailleurs de sa toute première relation avec un homme.
Les trois se sont finalement «laissés aller» vers ce qui avait le plus de sens pour eux, concluent-ils.
Élever à trois
Arrive aujourd’hui. Lexy a trois ans. Elle n’a donc pas tardé à se pointer le bout du nez dans le ventre de Stéphanie. «On s’est assis, on a discuté de nos besoins, et on avait tous ce but commun. Je ne retournerais pas en arrière», confie Adrianna, qui a elle aussi pu rester dans la chambre d’hôpital pendant l’accouchement.
«Il y avait une case pour moi. Ils m’ont même prêté un petit lit de camp», poursuit celle qui a pu obtenir le titre de parent de Lexy dans la majorité des sphères administratives jusqu’à maintenant, excepté le certificat de naissance.
À ceux qui se demandent si une équipe de trois parents facilite la tâche ; absolument, font-ils signe.
«C’est sûr que c’est un avantage d’être trois du côté financier, dit Stéphanie. Mais aussi, on est toutes des personnes à part entière avec des loisirs différents. C’est sûr qu’on peut plus respirer qu’un couple “normal”.»
Côté éducation, la communication doit cependant primer pour accorder tous les violons, soulignent-ils.
Une boîte à briser
À la garderie, les deux mamans de Lexy font des envieux. Ce dimanche, c’est aussi deux fois plus d’amour qu’elle pourra donner à l’occasion de la fête des Mères. Tout comme Alex, qui tient à remercier les deux femmes de sa vie au passage.
«Lexy est fière et elle s’affirme, sourit Stéphanie. La valeur la plus profonde que je veux qu’elle ait, c’est l’ouverture d’esprit. Je ne le dirai jamais assez, c’est à la base de l’éducation. Les enfants ne voient rien de mal à ça. C’est de l’amour et du bonheur à profusion. C’est d’être qui on est et de s’assumer. Ça ne change rien aux personnes qu’on est et je pense que ça nous rend plus belles encore.»
À travers ce bonheur qu’ils trouvent au quotidien, les trois tourtereaux se font d’ailleurs un devoir de combattre tabous et jugements sur les modèles amoureux comme le leur, qui leur a coûté quelques amis.
«On s’entoure de gens qui nous acceptent et qui nous aiment, établit Adrianna. La vie fait bien les choses. Ceux qui ne sont plus là, est-ce que ça valait vraiment la peine qu’ils restent? On ne fait de mal à personne, on veut juste le bonheur de notre famille.»
À l’inverse, nombreux sont aussi les curieux qui cherchent à s’informer auprès d’eux dans le but de mieux comprendre ou de s’en inspirer, remarquent-ils.
Le trouple et leur fille font même l’objet d’un mini documentaire de la réalisatrice Marie-Lou Béland. L’œuvre La théorie triarchique de l’amour ou la Famille 3.1, qui sera disponible en octobre, jette un regard humain sur cette famille afin de «démontrer que toute forme d’amour est légitime», selon la réalisatrice.