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Même sans les mystères et les refus de parler, ce serait déjà un dossier particulier. C’est inhabituel de voir un organisme d’habitation vendre ses immeubles à une entreprise privée. C’est à l’opposé de la mission d’un tel organisme.

Le dossier est tellement opaque que le sort des locataires est passé deuxième. Les apparences pointaient vers quelque chose qui ressemblait à un détournement de fonds.

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Le complexe qui regroupe 172 logements appartenait auparavant à un organisme à but non lucratif (OBNL), la Cité des retraités de l’Estrie.

Me Dubois se dit impliqué depuis une quarantaine d’années dans ce projet de complexe de logements abordables pour retraités, notamment parce que son père faisait partie des fondateurs.

"},"type":"paragraph"},{"position":2,"text":{"fr":"

Réagissant à la sortie publique d’élus, dont la mairesse de Sherbrooke Évelyne Beaudin, il rapporte que le groupe d’administrateurs dont il faisait partie est arrivé à la conclusion que l’abandon du statut d’OBNL et la dissolution de la société étaient «la meilleure décision dans les circonstances».

La vente au privé s’est conclue en février dernier à un montant de 18,25 M$.

Rappelant qu’il ne s’agit pas d’un organisme public, il refuse toutefois d’expliquer ce raisonnement, que ce soit aux élus ou aux médias.

«Je n’ai pas l’intention, ni l’autorité, d’aborder sur la place publique les discussions et les contraintes qui nous ont menés à cette décision, qui a par ailleurs été prise unanimement. […] On ne veut pas recommencer un débat qu’on a déjà eu [à l’interne]», a expliqué l’avocat.

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Les «contraintes» dont il parle ne sont pas financières, a-t-il cependant signifié. Si l’argent de la vente doit être redistribué à ses membres, Me Dubois refuse de dire combien de membres compte la société, plaidant qu’il s’agit d’une information confidentielle.

Le contrat de 35 ans signé avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement lors de la fondation du Faubourg Mena’sen était par ailleurs terminé, a soulevé Serge Dubois.

Ce qui est légal ne peut être immoral

Quant à l’aspect moral du débat, il rejette cette notion subjective, arguant qu’il ne croit pas que les législateurs aient pu ériger des lois qui s’avèrent immorales. Il réitère d’ailleurs qu’elles ont été scrupuleusement respectées et que des consultations auprès de professionnels ont été réalisées afin de s’en assurer.

Quand La Tribune lui demande s’il a confiance que la mission de Faubourg Mena’sen d’offrir du logement abordable aux personnes âgées puisse perdurer, Serge Dubois assure que oui. C’était d’ailleurs bien présent dans les préoccupations entourant la vente aux nouveaux propriétaires.

L’OBNL avait comme politique de «se coller» à l’augmentation suggérée par le Tribunal administratif du logement, et Me Dubois plaide que cette protection va rester pour les locataires.

«Tout ça a été soupesé», a-t-il assuré.

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Il y a un principe de base derrière les organismes sans but lucratif : l’organisme appartient à la communauté. Ce sont des gens issus de la communauté qui peuvent être membre de l’organisme et siéger sur le conseil d’administration. Et ces personnes le font, normalement, pour la communauté, par sens du devoir.

Lorsque cet organisme est dissout, l’argent qu’il pourrait y avoir dans le compte bancaire une fois toutes les factures payées doit être versé à un autre organisme. Pour que ça reste dans la communauté.

Habituellement, les OSBL (ou OBNL) ne sont pas si riches. Elles peuvent avoir beaucoup de valeurs, mais elles n’ont pas tant de liquidité. Parce que les profits, lorsqu’il y en a, sont normalement réinvestis dans l’organisme. Le conseil d’administration gère l’argent, mais il ne peut pas s’enrichir avec. Un organisme communautaire, par exemple, ne peut pas accumuler, dans son compte en banque, un fonds plus élevé que le quart de son budget annuel. C’est une façon de veiller à ce que les sommes servent à la communauté.

Alors pourquoi l’organisme qui gérait Mena’Sen a-t-il changé de nom juste avant de se dissoudre, juste après la vente? Apparemment, il aurait aussi, juste avant la dissolution, changé sa charte pour ne pas avoir à retourner les profits de la vente à la communauté. Encore une fois, pourquoi changer sa mission à la dernière minute?

Si ce scénario est bien celui des événements, il soulève d’autres questions sur l’ancien organisme. Un tel changement doit être approuvé par une assemblée générale, un conseil d’administration ne peut pas décider ça tout seul dans son coin. Les membres doivent appuyer ce genre de décisions. Sauf que voilà, on ne sait pas qui sont les membres ni combien ils sont. Les locataires avaient-ils une voix au sein de l’organisme?

Ce n’est pas censé arrivé. Légalement, ça se peut, mais c’est l’équivalent de passer par la petite clause cachée au fond d’un règlement prévu pour des cas exceptionnels. Il faut un enlignement bien particulier pour arriver à renverser la mission d’un OSBL.

Donnons le bénéfice du doute, il pourrait peut-être y avoir de bonnes raisons pour toute cette opération. Sauf que personne de l’organisme ne veut s’expliquer, même si, selon l’avocat du dossier, Serge Dubois, c’était la meilleure décision dans les circonstances. Quelles circonstances? Ce n’est pas de nos affaires, ça l’air.

Quand je dis que ça ne sent pas bon, cette histoire! Ce genre de réponses annonce rarement de nobles intentions et de belles conclusions.

Ah! Il serait peut-être bien de préciser que Serge Dubois n’est pas juste l’avocat, il était aussi l’un des administrateurs qui a décidé de vendre l’organisme.

Toujours est-il que son entrevue avec mon collègue pourrait se résumer par «c’est légal, fak c’est moral».

Selon lui, impossible que les législateurs adoptent des lois immorales. La belle affaire!

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Ce genre de répliques accompagnent rarement les belles histoires. C’est l’équivalent de sortir un alibi avant de se défiler.

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Faut-il vraiment faire une liste de toutes les lois qui ont été abolies ou modifiées parce qu’elles étaient immorales ou problématiques?

Et encore une fois, ce genre de répliques accompagnent rarement les belles histoires. C’est l’équivalent de sortir un alibi avant de se défiler.

Je ne suis pas d’accord avec M. Dubois. C’est de nos affaires.

Ces personnes vont empocher les profits de la vente d’habitations qui appartenaient à la communauté et qui ont été financées par des fonds publics juste parce que ces mêmes personnes ont décidé d’utiliser une faille dans la loi qui permet de changer le statut légal de l’organisme.

Vendre quelque chose qui nous appartient pas, c’est moral, ça?

Même si ces personnes étaient sur le conseil d’administration depuis plusieurs années, même si le père de M. Dubois fait partie des fondateurs, cet organisme-là ne leur appartenait pas. Encore moins les logements qu’ils viennent de vendre.

Parlant de moral, la question n’est pas de savoir si le nouveau propriétaire est gentil ou méchant. Ce n’est pas ça l’enjeu.

Les objectifs d’un OSBL et d’une entreprise sont complètement différents. Le premier cherche à garder les prix les plus bas possible et le second veut faire des profits. Même si le propriétaire se montre raisonnable sur les hausses, plus les années vont passer, plus ça va faire une différence pour les locataires.

On a déjà du mal à financer du logement public depuis quelques années, on n’a pas les moyens d’en perdre parce que des administrateurs traversent des crises existentielles.

Revenons au montant de la vente. Il n’est pas rare de voir des projets immobiliers de plusieurs dizaine de millions et même de centaines de millions. Mais quand on parle de logement public, 18 M$, c’est beaucoup. C’est plus que quatre fois les montants que Sherbrooke investit en logement social par année. Cet argent-là aurait pu être très utile dans l’actuelle crise du logement.

La vente est peut-être légale, les changements à la charte de l’organisme ont peut-être été fait en suivant les procédures légales. Peut-être. Mais ça ne change rien au fait que si l’argent de la vente n’est pas retourné à la communauté, moralement, ça ressemble à un détournement de fonds publics.

Ce n’est pas comme si c’était la première fois que la loi échappait son sens moral.

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