Les séries Audrey est revenue et Complètement lycée, qui ont récemment brillé au Festival CANNES SERIES, nous l'ont rappelé.
«On est très audacieux et on prend des risques. Le storytelling québécois est en train d'émerger. On nous dit beaucoup: "Y'a juste vous qui racontez ce genre d'histoire-là"», a témoigné Josée Vallée, vice-présidente exécutive, fiction et long métrage chez Sphère Média, durant le Congrès de l'Association québécoise de la production médiatique (AQPM), plus tôt cette semaine à Gatineau.
Dans un panel intitulé «Les productions québécoises prennent le large», elle a dit remarquer un réel engouement dans les marchés internationaux. «Les gens sont curieux de voir ce qu'on fait. Avant, il fallait aller vers eux, maintenant, ils viennent à nous.»
C'est particulièrement évident au Festival Séries Mania de Lille en France, auquel elle participe chaque année. «Au début, on "pitchait" [promouvait] nos séries devant 15 personnes, cette année, ils étaient 300. La salle "Coming Next From Quebec" était pleine.»
Diffusée au tout début de la pandémie, la série Épidémie a été une bénédiction pour Sphère Média. «Ça a été vendu partout et tout le monde se demandait comment les Québécois avaient réussi à prédire la pandémie! Ils nous demandaient s'il y aurait un Épidémie 2!» raconte Josée Vallée.
Comme le sujet était chaud, les acheteurs insistaient pour diffuser la série sur-le-champ avec des sous-titres ou doublée. «Dans bien des pays, des gens ont entendu la vraie voix de Julie Le Breton, elle a donné des entrevues au Japon. En Russie, ils ont organisé un junket virtuel. On n'aurait jamais vu ça il y a cinq ans.»
Le panel se réjouit notamment que le public apprivoise les sous-titres, tant boudés par le passé, ce qui facilite l'exportation. «Il n'y a plus la barrière de la langue», observe Josée Vallée.
Vous serez peut-être surpris, mais la France est l'un des territoires les plus difficiles à conquérir. Justement parce que nous partageons la même langue... mais pas le même langage.
Si on double une série en français international, on perd en partie l'essence même de l'œuvre, comme ça a été le cas pour Bête noire, la série de Sophie Deraspe, diffusée l'hiver dernier sur la chaîne POLAR+ en France. Libération s'en est d'ailleurs indigné, au point où une version originale de la série a été diffusée sur la même chaîne.
Puis, quand on décide de sous-titrer une série québécoise en français international, c'est dérangeant pour le téléspectateur, qui compare sans arrêt ce qu'il entend et ce qu'il lit. Un problème qui n'existe pas quand c'est sous-titré dans une autre langue que la nôtre, faisait remarquer Dominique Simard, directrice générale et associée chez Encore Télévision.
Mais voilà, selon les panelistes, la télé québécoise n'a pas les moyens de ses ambitions. Va pour la création, la diffusion, la distribution, mais pour rivaliser avec les productions de partout dans le monde, il faut des budgets beaucoup plus importants, jugent-ils.
Autrement, nos productions vont plafonner. Branché sur Netflix, Prime Video et Disney+, le public est habitué à un haut standard de qualité.
Président et chef de la direction du Fonds Québecor, qui soutient financièrement de nombreuses productions chaque année, Serge Thibaudeau trouve anormal que la première chose qu'un producteur doit faire lorsqu'il reçoit un projet est de le rapetisser autant qu'il peut pour se plier aux budgets. En faisant cela, on réduit aussi la vision de l'auteur, son histoire, son univers.
Selon lui, il manque actuellement 100 millions $ pour présenter au monde des séries de calibre international.
Toutes les productions québécoises ne sont pas destinées à parcourir le monde et c'est très bien ainsi. Serge Thibaudeau évalue à une dizaine par année les séries aptes à dépasser nos frontières. Il faut insister sur ce petit nombre de titres plutôt que de perdre temps et argent sur d'autres, qui n'ont pas ce potentiel.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que les budgets alloués aux productions anglophones du pays sont pharaonïques à côté des nôtres. Un écart auquel on s'attend mais pas moins injuste.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/BDEOXH4GFRCPVMYGD7KB6LM2PY.jpg)
Qu'arrive-t-il des promesses de Netflix?
Devenu un incontournable du congrès, François-Pier Pélinard Lambert jouit d'une grande crédibilité dans le marché international des séries télé et du cinéma. Rédacteur en chef du Film français, plus ancien magazine de l'industrie audiovisuelle en France, il est toujours au fait des tendances mondiales en matière de fiction.
Mercredi, il a voulu donner un coup de fouet aux producteurs et diffuseurs québécois, de même qu'aux institutions, devant l'apparente inertie de Netflix, qui s'était pourtant engagée à travailler de concert avec notre industrie, notamment pour la production de séries originales. Il y a bien eu le film Jusqu'au déclin, seule exclusivité Netflix, et la disponibilité de titres québécois déjà présentés en salles, mais encore?
«On n'a pas progressé sur cette histoire. On n'avance ni au fédéral, ni au provincial, et je ne comprends pas pourquoi. Ce n'est pas comme si le Québec n'était pas en mesure de proposer des programmes qui voyagent», m'a-t-il dit en marge de son allocution.
Il prend pour exemples des accords d'obligation territoriale qui ont été scellés en Europe durant la pandémie et donnent des résultats, notamment dans la codiffusion de séries entre chaînes de télévision et plateformes numériques.
«On peut envisager un jour que Radio-Canada puisse produire avec Netflix en se gardant une première fenêtre. Il y a plein d'opportunités», considère-t-il.
Par ailleurs, il remarque que les distributeurs de films s'ajustent désormais à la programmation des plateformes numériques. Quand Netflix a annoncé la date de sortie de la nouvelle saison de The Crown, plusieurs ont changé la date de sortie de leurs films en salles, craignant d'être ignorés par la même clientèle.
À ce titre, sachez que la comédie fonctionne moins bien au grand écran, alors que les films à forts sujets sociétaux, qui abordent des problématiques suscitant les débats, ont actuellement la cote.
En télé, les gens ont perdu l'intérêt pour les dystopies et autres séries sur les catastrophes, probablement en partie à cause de la pandémie. Leur ardeur a toutefois redoublé pour les polars, les œuvres qui traitent de sécurité nationale, les adaptations littéraires, les séries historiques et la nostalgie.
À ce sujet, M. Pélinard Lambert suggère aux producteurs de fouiller dans leurs vieux projets abandonnées, où ils pourraient trouver des perles rares insoupçonnées.
Quant à la chute des abonnés de Netflix, elle était prévisible, dit-il. Il prévoit d'ailleurs un plafonnement des abonnements des plateformes numériques. Cette année, 150 millions d'utilisateurs vont supprimer au moins un abonnement à un service de vidéo en ligne.
Pour commenter, rendez-vous sur ma page Facebook.