LES FAITS
Le Devoir titrait effectivement la semaine dernière «1200 morts liées à la COVID-19 depuis le feu vert de Legault aux assouplissements». Le texte portait surtout sur l’arrivée de la sixième vague que l’Institut de la Santé publique (INSPQ) venait de confirmer, mais soulignait au passage que «fin janvier, le premier ministre déclarait que le Québec était enfin «sorti du tunnel» et pouvait relâcher l’étau sanitaire. Mais sans tambour ni trompette, plus de 1200 Québécois ont depuis été emportés par la COVID».
D’un point de vue strictement factuel, le chiffre de 1200 décès est exact. Le jour où le premier ministre a annoncé le relâchement progressif des mesures sanitaires, soit le 25 janvier dernier, la COVID avait fauché 13 115 personnes au Québec depuis le tout début de la pandémie; au 31 mars, jour de la publication du texte du Devoir, on était rendu à 14 350, soit 1235 de plus.
Mais le lien qui est fait (ou, au bas mot, clairement suggéré) entre les décès et la levée des restrictions me semble plus douteux. Des données belges et australiennes indiquent qu’il se passe en moyenne autour de trois semaines entre le début d’une infection et le décès (le cas échéant) du patient. Or les statistiques de l’INSPQ montrent que pendant les trois semaines suivant l’annonce du 25 janvier, 740 personnes sont décédées de la COVID — ce qui signifie que plus de 60 % des «1200 décès» dont parlait Le Devoir ont été causés par des infections contractées AVANT l’annonce de M. Legault. Impossible, donc, de faire un lien entre les deux.
Cela laisse, certes, près de 500 personnes décédées par la suite et qui ont dû attraper le virus après l’annonce du relâchement. Il est très difficile d’estimer combien de décès auraient été évités si les mesures sanitaires avaient été maintenues intégralement. Mais on peut tout de même penser que la différence aurait été mince. Comme le montre le graphique ci-dessous, quand la levée des mesures a été annoncée, le nombre quotidien de gens qui mouraient de la COVID (en tant que cause principale ou secondaire du décès) était déjà clairement à la baisse depuis un sommet atteint à la mi-janvier. Or ni le «signal» de relâchement que constituait l’annonce du 25 janvier, ni le début du relâchement lui-même (31 janvier) n’ont changé quoi que ce soit à cette tendance : la COVID fauchait autour de 45 personnes par jour à la fin de janvier, c’était 12-15 un mois plus tard, et 7-8 à la fin de mars.
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Il faut donc conclure que la levée des restrictions n’a pas compté pour beaucoup (peut-être même pas du tout) dans le bilan des 1200 décès dont parlait Le Devoir. Manifestement, le gros de la vague était déjà derrière nous.
Remarquons par ailleurs que cela ne veut pas dire que les mesures n’ont eu aucun effet. Si elles avaient été maintenues jusqu’à la vague actuelle, peut-être que moins de gens seraient présentement à l’hôpital, et peut-être qu’ultimement, le BA.2 ferait moins de morts au cours des prochaines semaines. C’est bien possible — mais c’est une autre question.
VERDICT
Un peu douteux. Le chiffre de 1200 décès est factuellement exact, mais le lien causal suggéré entre ces morts et la levée des restrictions sanitaires est beaucoup moins évident. Le nombre quotidien de décès était déjà en baisse quand le «relâchement» a été annoncé, et la tendance n’a pas changé par la suite.
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