Adis

Si je rencontre un réfugié ou un Ukrainien dans mon quartier ou à l’école, est-ce que je peux lui parler de son pays ou il est mieux d’éviter le sujet? Pour répondre à cette question, nous avons contacté Adis Simidzija. C’était, selon nous, la meilleure personne pour aborder ce sujet.


Adis est un écrivain habitant à Trois-Rivières. Il est arrivé au Québec à l’âge de 9 ans avec sa maman Amira et son grand frère Aldin. Adis, sa mère et son frère étaient des réfugiés lorsqu’ils sont débarqués de l’avion il y a 24 ans. Son pays, la Bosnie-Herzégovine, vivait alors une guerre et son papa Muhamed avait été tué par des soldats. Voici ce que notre ami Adis avait à te dire:

«Je dirais que c’est très important de s’intéresser au pays d’origine de l’autre. Par contre, il se peut que la personne n’ait pas toutes les réponses à tes questions. Surtout, en ce qui concerne la guerre. Moi, ça m’a pris 20 ans avant de pouvoir parler de la guerre dans mon pays. Tous les réfugiés ne vivent pas les choses de la même manière. Moi qui suis réfugié de Bosnie-Herzégovine, je ne peux pas nécessairement comprendre et expliquer ce que vit et vivra un réfugié ukrainien.

«L’erreur que beaucoup de personnes font, c’est qu’elles ne s’intéressent qu’aux effets que la guerre a eus sur la personne réfugiée. Les questions ne portent que sur la guerre et c’est dommage. Parce que la personne réfugiée a un vécu qui existe en dehors de la guerre et du conflit. Par exemple, moi, avant de venir au Québec, j’avais des amis. J’ai aussi des passions qui datent de ma vie en Bosnie-Herzégovine. 

«Dans mon pays d’origine, le sport national c’est le soccer: je suis donc un passionné de soccer. Ça fait partie de mon identité. Je me souviens que je pouvais passer des journées entières à jouer au soccer avec mes amis. Il y a aussi la musique qui a marqué mon enfance. Quand j’étais petit, ma mère me faisait écouter de la musique populaire bosniaque pour m’endormir. C’est un beau sentiment qui est resté et qui est relié à mon pays d’origine. Sans parler de la nourriture. J’aime beaucoup manger, surtout quand ma maman cuisine des plats typiquement bosniaques. Ça me rappelle tout ce qu’il pouvait y avoir de beau dans mon pays. Ce sont des choses auxquelles il faut s’intéresser. Ça aide à créer des liens.»

Il faut donc s’intéresser au pays d’origine des personnes réfugiées tout en gardant en tête que leur vécu et leur identité ne sont pas réduits aux effets de la guerre. Et il faut être à l’écoute de l’autre aussi. Ne pas insister si on sent que la personne est triste. Il ne faut pas avoir peur de demander : «Est-ce que tu as envie d’en parler? Puis-je te poser des questions au sujet de ce que tu as vécu?» Cela évite les malaises. On peut également dire tout simplement «parle-moi de toi, de ton pays» et accueillir ce que l’autre veut partager avec nous.