La part de fonctionnaires provinciaux diminue dans les régions

Plusieurs fonctionnaires travaillent dans l’Édifice Marguerite-Belley, à Jonquière

Les régions voient leur part de fonctionnaires provinciaux diminuer depuis cinq ans, au profit de Montréal et Québec.


Pour l’année 2020-2021, 31,8% des employés à temps complet de la fonction publique québécoise se trouvaient à l’extérieur de Montréal et de la Capitale-Nationale, selon les derniers chiffres publiés par le Secrétariat du Conseil du trésor. Une baisse de près de 2% depuis 2016, alors que la métropole et la Capitale nationale, au cours de la même période, ont vu leurs parts croître en moyenne de 1%.

Le nombre de fonctionnaires du Québec dans les régions a cependant augmenté depuis 2016, passant de 18 837 à 19 488. On remarque toutefois une légère baisse de 106 employés, entre l’année 2019-2020 et 2020-2021.



La promesse de la CAQ de transférer 5000 fonctionnaires en région d’ici 2028 n’a pas permis, pour le moment, de réduire l’écart entre les régions et les deux pôles urbains de la province. Si l’engagement visait au départ le transfert de postes, le gouvernement a récemment évoqué la création d’emplois pour favoriser les régions. Donc, la part du gâteau des grands centres pourrait ne pas diminuer si le nombre de fonctionnaires continue de grimper. Entre 2016 et 2021, ce nombre est passé de 56 000 à 61 000. Il y a deux semaines, rappelons-le, le maire de Québec. Bruno Marchand, et la Chambre de commerce de Québec se sont montrés inquiets face au transfert de fonctionnaires, craignant de perdre des emplois de qualité au profit des régions.

La CAQ a également mentionné que les 5000 postes ne seraient pas uniquement des emplois de la fonction publique. Il s’agirait également de postes provenant de tout le «secteur public et parapublic», ce qui permet d’élargir le bassin de transferts possibles.

Des régions gagnantes et perdantes

Depuis 2019-2020, avec l’arrivée au pouvoir de la CAQ, six régions ont vu leur nombre de fonctionnaires augmenter de 2 à 30 personnes, dont le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’Outaouais et la Mauricie. La Montérégie a quant à elle gagné plus 60 fonctionnaires pour la même période. Montréal et la Capitale nationale ont accueilli 226 et 466 fonctionnaires de plus depuis l’année 2019-2020.

Plusieurs intervenants demandent un plus grand nombre de fonctionnaires dans les régions.

Huit régions ont quant à elles perdu quelques emplois de la fonction publique au cours de cette même période, notamment le Bas-Saint-Laurent, l’Estrie, la Côte-Nord et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.



La CAQ prévoit avoir transféré 40% des 5000 fonctionnaires d’ici la fin de 2022. Selon la présidente du Conseil du trésor, déjà 1300 postes ont été déménagés en région et 700 autres le seront d’ici l’automne. Les chiffres pour l’année 2021-2022, précisons-le, n’ont pas encore été publiés par le Conseil du trésor.

« On a demandé de savoir où sont ces emplois précisément et où seront affichés les 700 autres. On attend ces informations avant la prochaine campagne électorale », laisse tomber le président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), Jacques Demers.

Son organisation, qui regroupe près de 1000 municipalités, réclame depuis des années le transfert de fonctionnaires en région. Même si les récents chiffres énoncés par le gouvernement restent à prouver, M. Demers laisse la chance au coureur.

De voir ce que le gouvernement veut faire, ça me rassure.

« Parce que depuis les dernières décennies, les régions ont vu leurs nombres de fonctionnaires baisser. À l’époque, par exemple, il y avait des bureaux du MAPAQ à plusieurs endroits. On sillonne les municipalités aujourd’hui en voyant des bâtiments vides et on se rappelle qu’à l’époque, c’était le bureau d’un service du gouvernement du Québec. On sent qu’il y a un virage de la part du gouvernement. »

La FQM, présidée par Jacques Demers, réclame depuis des années le transfert de fonctionnaires vers les régions.

« Et ce que j’aime de cette promesse, c’est qu’elle est vérifiable. Selon les discussions qu’on a eues avec la ministre Sonia LeBel, j’ai espoir qu’elle va y arriver. C’est crédible. Il y a des échéanciers, mais je vous mentirais si je vous disais que j’ai toutes les données », ajoute M. Demers.



Les régions veulent obtenir ces fonctionnaires, car leurs emplois ne sont pas soumis aux mêmes risques que le secteur privé, rappelle M. Demers. Une présence accrue d’employés de ministères demeure aussi importante pour supporter les acteurs du milieu, souvent laissé à eux-mêmes pour des dossiers d’importance, ajoute-t-il.

«Ça nous prend surtout des fonctionnaires en environnement sur le terrain pour supporter les municipalités en région. Il n’y a pas de monde sur le terrain pour être capable de constater, de suivre des dossiers. Et on est plus en mode ‘‘après coup’’ que préventif », pointe le président de la FQM.

Selon ces discussions avec le Conseil du trésor, les 2000 premiers postes de fonctionnaires transférés ne seraient pas des postes de « décideurs ».

« On peut l’accepter pour les premiers, mais après, il en faudra. Le gouvernement nous a aussi assuré que les postes resteraient en région si par exemple la personne quitte son poste. Sinon, ça serait juste faire semblant. »

En 2005, les libéraux se sont montrés aussi confiants que la CAQ aujourd’hui, en annonçant la création de plusieurs postes de fonctionnaires en région, avec l’arrivée du bureau du Forestier en chef à Roberval. On promettait l’embauche de 60 personnes au Lac-Saint-Jean et 20 autres réparties au Québec.

« Dans moins de 24 mois, il y aura environ 40 personnes qui vont y travailler. L’équipe totale à Roberval sera de 60 personnes. Pour ce qui est d’ailleurs au Québec, entre 20 et 30 fonctionnaires seront répartis entre la Capitale et les autres régions», avait mentionné à Karl Blackburn, député libéral dans Roberval à l’époque.

Plusieurs se sont montrés sceptiques dans les années qui ont suivi. Les locaux loués par le gouvernement du Québec étaient visiblement trop étroits pour 60 personnes. Les libéraux répondaient à l’époque qu’il ne fallait pas tirer de « fausses conclusions » en se fiant à la superficie des bureaux.

Un peu avant 2015, le siège social comptait à ce moment son plus grand nombre d’employés, soit 17. Il y avait alors plus de travailleurs en région, qu’à Québec. Mais de nouvelles restrictions budgétaires sous le gouvernement Couillard ont causé l’abolition de cinq postes à Roberval. Même si, quelques mois, auparavant Québec avait assuré, dans une entrevue accordée au journal Le Quotidien, que les emplois au Lac-Saint-Jean ne seraient pas touchés par les nouvelles restrictions budgétaires.



Aujourd’hui, 52 personnes travaillent pour le bureau du Forestier en chef, reconnu comme le chien de garde la forêt québécoise. Les autres employés, dont des ingénieurs, des biologistes, des agents de recherche, sont répartis dans six autres régions, dont la Mauricie et l’Outaouais.

Le peu de travailleurs au siège social ne peut pas non plus être attribué à la pénurie de main-d’oeuvre, car « aucun poste n’est à combler pour le moment », précise par courriel le service des communications du Bureau du Forestier en chef.

Le grand patron, Louis Pelletier, résident au Saguenay-Lac-Saint-Jean, la même région où se trouve le siège social. Une première depuis sa création, car les deux derniers dirigeants demeuraient à Québec et Boucherville.

Même si l’arrivée de M. Pelletier a été saluée par plusieurs intervenants de la région, plusieurs se montrent toujours déçus du peu de postes créés au Lac-Saint-Jean.

« On déplore que le gouvernement laisse la décision aux employés de travailler à Québec plutôt que de les transférer à Roberval comme il avait été promis. À l’époque, on nous avait promis de nombreux emplois et pourtant les bureaux sont encore vides », pointe le maire de Roberval, Serge Bergeron.