{"accessibility":"METERED","authors":[{"coverUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F6ee6de75-dac7-42c9-84bb-8ae156cc0f5c.jpg&width=1024&stripmeta=true","description":{},"email":"marie-eve.martel@lavoixdelest.ca","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F2af0b559-dbf6-44aa-98f9-4e402b032ebd.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","location":"Granby","name":"Marie-Ève Martel","source":"La Voix de l'Est","twitter":"memartel87"}],"channel":"Vu d'même","chapters":[{"position":0,"text":"

Comme je l’ai déjà confié sur cette tribune, je souffre du syndrome FOMO (« Fear of missing out » — la peur de manquer quelque chose, en français). Je crains toujours de passer à côté d’une nouvelle, de manquer un message ou parfois, c’est simplement par ennui ou par réflexe.

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Comme si être oisive, ne serait-ce que deux minutes, était une perte de temps plutôt qu’un peu de répit pour mon cerveau pourtant constamment sollicité. Résultat : comme bien d’autres, ma capacité d’attention est réduite à son minimum parce que je la surmène plutôt que de l’entraîner.

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J’ai beau tenter de me soigner, je rechute immanquablement dès que je baisse la garde.

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Pour plusieurs qui ont l’espace et la technologie nécessaires pour faire leur travail sans en sacrifier la quantité ou la qualité, la mesure présente plusieurs avantages, dont l’économie du temps de transport et une conciliation travail-famille facilitée.

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En contrepartie, le fait de travailler de chez soi brouille la cassure nette qu’il doit y avoir entre la vie personnelle et la vie professionnelle et que nous imposait un déplacement au bureau de 9 à 5.

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Comme tout se déroule désormais au même endroit, difficile de laisser ses tracas personnels à la maison et ses dossiers non terminés au boulot.

"},"type":"paragraph"},{"position":3,"text":{"fr":"

Histoire qu’on se repose bien entre deux quarts de travail et qu’on puisse vivre notre vie, Québec solidaire a déposé cette semaine un projet de loi pour garantir aux Québécois le droit à la déconnexion, une nouvelle tentative survenue deux ans après la mort au feuilleton d’un projet de loi similaire. Celui-ci obligerait tout employeur à développer une politique de déconnexion en dehors des heures de travail afin de laisser des plages horaires durant lesquelles il ne pourrait pas solliciter ses employés.

"},"type":"paragraph"},{"position":4,"text":{"fr":"

Une telle loi existe déjà en France depuis trois ans. Le débat a aussi cours dans plusieurs pays d’Europe et d’Asie, signe que c’est dans l’air du temps.

"},"type":"paragraph"},{"position":5,"text":{"fr":"

C’est dommage qu’on doive évoquer une législation pour forcer une certaine réflexion sur la place qu’occupe le travail dans notre vie, et surtout dans nos esprits.

"},"type":"paragraph"},{"position":6,"text":{"fr":"

Ça démontre à quel point on est, collectivement et ironiquement, déconnectés de l’essentiel et qu’on a intériorisé la pression de performer.

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Changer une culture d’entreprise ou les mauvaises habitudes des gens ne relève pas nécessairement de la juridiction des législateurs; il s’agit davantage d’un contrat social auquel doivent adhérer patrons et employés.

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S’il est vrai que certains patrons n’ont pas la notion du temps et s’attendent à ce que leurs employés soient toujorus disponibles, il serait injuste de leur rejeter toute la faute sur les épaules.

"},"type":"paragraph"},{"position":9,"text":{"fr":"

Je fais partie de ces employés qui ont du mal à déconnecter. Du réveil au coucher, j’ai mon téléphone scotché dans la paume, toujours en train de faire défiler le contenu sur mon écran, au cas où que je tomberais sur quelque chose qui m’inspirerait un sujet de reportage ou de... chronique.

"},"type":"paragraph"},{"position":10,"text":{"fr":"

Je suis gravement atteinte du FOMO, le Fear of Missing Out, cette fameuse peur de manquer quelque chose. Je prends couramment mes courriels par réflexe.

"},"type":"paragraph"},{"position":11,"text":{"fr":"

Il m’arrive même régulièrement de faire parvenir des liens d’intérêt à des collègues en dehors des heures de travail dès que je tombe sur une information qui pourrait être pertinente, et ce, afin de ne pas l’oublier plus tard. Jamais je ne m’attends une réponse instantanée. Mais il n’est pas rare qu’on me réponde dans les minutes qui suivent, signe que je ne suis pas la seule qui est constamment habitée par son métier.

"},"type":"paragraph"},{"position":12,"text":{"fr":"

À ma défense et celle de mes collègues, il est difficile de se déconnecter du boulot quand celui-ci implique d’être constamment à l’affût de l’actualité. La nouvelle peut survenir à tout moment, même quand on s’y attend le moins; même quand on décroche, la switch n’est jamais vraiment tout à fait à off.

"},"type":"paragraph"},{"position":13,"text":{"fr":"

C’est tout de même important de prendre un temps d’arrêt et de mettre le boulot de côté pour recharger ses batteries.

"},"type":"paragraph"},{"position":14,"text":{"fr":"

Et vivre un peu tant qu’à y être.

"},"type":"paragraph"},{"position":15,"text":{"fr":"

Je le sais. Mais ce n’est pas une loi qui va me faire rompre avec ma mauvaise habitude.

"},"type":"paragraph"},{"position":16,"text":{"fr":"

Cette semaine, j’ai frappé mon mur. J’ai enfin eu besoin de tirer la plogue.

"},"type":"paragraph"},{"position":17,"text":{"fr":"

Trop de contenus. Trop de désinformation. Trop de confrontations. Trop de méchanceté.

"},"type":"paragraph"},{"position":18,"text":{"fr":"

Des gens qui s’invectivent et qui se traitent de tous les noms, tout simplement parce qu’ils ne sont pas d’accord.

"},"type":"paragraph"},{"position":19,"text":{"fr":"

Crois ou meurs.

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J’ai senti que j’avais besoin de faire le vide, ou de faire la vidange.

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Ma tête était pleine et mon cœur, gros.

"},"type":"paragraph"},{"position":22,"text":{"fr":"

Ce n’est pas une loi qui m’a finalement permis de me déconnecter.

"},"type":"paragraph"},{"position":23,"text":{"fr":"

C’est plutôt une overdose de bêtise humaine.

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Cette manie de toujours regarder mon téléphone, même inconsciemment, tape sur les rognons de mon doux chéri, qui d’un geste nonchalant de la main, m’invite (trop) souvent à laisser mon dispositif électronique de côté.

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Parfois, il soupire bruyamment pour me faire comprendre que je devrais me concentrer pleinement sur le film qu’on regarde. D’autres fois, il n’a qu’à mentionner mon petit surnom d’amour sur un ton réprobateur pour me faire réaliser que, sans m’en rendre compte, j’avais entrepris à nouveau de faire défiler des contenus sans fin sur mon téléphone.

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Je peux me compter chanceuse, mon beau Dave m’aime quand même malgré cet énorme défaut. Mais je me dois de l’admettre : ma dépendance à mon téléphone, car c’est ce que c’est, soyons honnêtes, est l’un des principaux irritants dans ma vie de couple.

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Mea culpa mon amour !

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Ça rassure, et en même temps, ça décourage de savoir que mon couple n’est pas le seul à vivre un genre de ménage à trois avec un téléphone intelligent, et par extension, avec le reste du monde.

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Dans certains cas, ce n’est pas toujours la machine qui est la troisième roue du carrosse.

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Il y a quelques années de ça, une firme d’avocats au Royaume-Uni a étudié près de 200 séparations et en est venue à la conclusion que Facebook et compagnie jouaient un rôle majeur dans leurs déboires conjugaux. En fait, dans le tiers des divorces recensés, un ou plusieurs médias sociaux étaient en cause d’une façon ou l’autre. D’autres études réalisées au fil du temps, en France et aux États-Unis notamment, sont venues confirmer cette réalité.

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Cyberinfidélité (surtout émotionnelle), étalement de sa vie privée en ligne, évasion de la réalité au profit du virtuel, jalousie, valorisation narcissique, distraction, recherche de l’attention perdue : voilà quelques éléments qui peuvent mener à des problèmes maritaux, dont les symptômes sont l’éloignement, la diminution du dialogue, une perte de désir ou un manque de confiance entre les partenaires, entre autres.

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Une autre étude a démontré que plus une personne partageait des moments de sa vie privée sur les réseaux sociaux, plus son couple avait des chances de battre de l’aile. Parmi les raisons évoquées, notons la pression de projeter l’image d’un couple idéal — voire de l’incarner —, le temps investi à alimenter le réseau social plutôt que de le consacrer au couple ou… le fait de ne pas « aimer » les publications de l’être cher !

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Le 28 février a été décrété la Journée internationale sans Facebook, il y a trois ans. Compte tenu de ce qu’on vient d’apprendre, ça aurait été une bonne idée de tenir cet événement deux semaines plus tôt…

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Une journée sur toute une année, ça peut sembler bien peu pour certains; pour d’autres, c’est beaucoup trop. C’est peut-être là le signe qu’une « cure de désintoxication » s’impose à coup de grandes doses de réalité.

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Mais bref, ce lundi, tout un chacun est invité à se priver du réseau social dans l’optique de prendre un pas de recul par rapport à l’utilisation qu’on en fait, mais celle qu’on fait aussi des technologies numériques en général.

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D’autres y voient également une protestation contre la place grandissante qu’occupe Facebook et les autres géants du Web dans nos vies.

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À ce sujet, j’ai récemment complété la lecture de l’essai Les Barbares numériques, rédigé par l’ancien directeur de l’information de Radio-Canada et jeune retraité de l’école de journalisme de l’UdeM, Alain Saulnier.

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Selon l’essayiste, les plateformes numériques américaines ne sont rien de moins que les empires colonialistes du 21e siècle tant ils se sont profondément – et insidieusement – enracinés dans nos vies, tant dans notre culture que dans notre économie, notre vie sociale et même notre système politique. De réaliser à quel point ces entreprises dématérialisées ont du pouvoir non seulement sur nous, mais sur un très grand nombre de pans de notre existence, et ce, de façon aussi invisible, ça fait peur.

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Même si l’auteur n’en fait pas mention dans son ouvrage, force est d’admettre que ces géants du Web se sont aussi invités dans la chambre à coucher.

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Bref, tout ça pour vous dire qu’il vaut peut-être mieux éteindre son téléphone avant que la flamme ne s’éteigne.

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