Selon lui, si représailles il y a de la part de la Russie envers les pays de l’OTAN lui imposant actuellement des sanctions économiques, celles-ci se manifesteront fort probablement sous forme de cyberattaques plutôt que d’attaques militaires.
« On sait que la Russie l’a déjà fait dans le passé. Si ce n’est pas l’état lui-même, ce sont des gens alliés de l’État russe qui l’ont fait », établit-il, nommant par exemple l’attaque du Colonial Pipeline aux États-Unis en mai dernier. D’autres cyberattaques ont encore été rapportées en Ukraine tout récemment.
Ce genre d’attaques pourraient notamment viser les banques afin d’empêcher les citoyens d’avoir accès à leurs comptes, ou paralyser les systèmes informatiques des hôpitaux, donne en exemple M. Lavoie.
« Ça n’a pas un effet destructeur, mais ça a un effet sur la vie de la population. L’objectif de ce genre de chose là est que la population fasse pression sur le gouvernement en disant “ le conflit, ça ne nous regarde pas. Enlevez les sanctions, nous on veut revenir à une vie normale. ” »
Sanctions : bonne idée?
Quelques heures après le début de l’invasion « finement planifiée » de l’Ukraine, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni notamment ont condamné davantage les actions de la Russie en annonçait davantage de sanctions économiques et politiques à son égard, mais aussi en signifiant que leurs troupes ne seraient déployées qu’en cas d’atteinte au territoire de l’OTAN. Est-ce suffisant pour s’attirer les foudres de Vladimir Poutine?
M. Lavoie ne peut que spéculer. Tout dépend de la sensibilité de Poutine à ce genre d’interférence, relève-t-il. Si ce dernier a bel et bien menacé ceux qui s’en mêleraient dans son discours officiel, encore faut-il savoir si ces sanctions sont « s’en mêler », ou si elles représentent « la normale pour le parcours » pour le président russe, dit-il.
Par contre, il n’est pas impossible qu’elles aient d’emblée eu leur rôle à jouer dans la colère de la Russie. « On a peut-être pensé que de menacer de sanctions économiques aurait plus d’impact, mais le problème revient un peu à ceci : si Vladimir Poutine perçoit une véritable menace qui met la Russie en danger, ou tout le moins son régime, de faire la menace de sanctions économiques et diplomatiques, ça ne fait que renforcer sa vision du monde. [...] Je ne dis pas qu’elles étaient une mauvaise chose, mais est-ce que ça précipite les événements? Peut-être, peut-être pas. C’est quand même une question qu’on doit se poser et dont peut-être les historiens du futur auront la réponse. »
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Guerre mondiale ou conflit isolé?
La réaction des États-Unis jeudi a permis au spécialiste d’émettre d’autres spéculations, et d’estimer que le conflit n’est pas nécessairement voué à déclencher une « troisième guerre mondiale ».
Tout dépendra bien sûr de l’ampleur des ambitions de conquête de Poutine, que tous sauf lui ignorent, mais comme le territoire de l’Ukraine ne sera pas défendu militairement par les Américains, « en théorie, ça diminue les chances d’un affrontement direct entre deux grandes puissances », analyse-t-il. « Ça évite une escalade. Il va y en avoir une dans le discours, mais pas nécessairement dans les moyens qui vont être utilisés. De dire si ça va être une troisième guerre mondiale, non, je ne pense pas, mais si vous m’aviez demandé vendredi dernier si je prévoyais qu’il y aurait une invasion en Ukraine rapidement, j’aurais dit non aussi. »
Et s’il se trompait, à quoi s’attendre?
« Le problème d’une troisième guerre mondiale, c’est que l’escalade va être très très rapide, et on a des armes aujourd’hui qui n’étaient pas disponibles dans le dernier grand conflit mondial ou juste à sa toute fin, qui sont les armes nucléaires. Il y a une raison pour laquelle quand on parle en sécurité des armes nucléaires, l’acronyme c’est MAD [fou en anglais], soit mutually assured destruction. Il n’y a personne qui puisse gagner une guerre nucléaire. On peut juste être le dernier à perdre. Je ne peux pas concevoir que ça se produise », lance M. Lavoie.
Autre particularité d’une guerre en 2022 : les sources de renseignement. Si M. Lavoie indique qu’il y a de très fortes chances que les téléphones et outils de communications des citoyens soient mis sur écoute en Ukraine vu leur accessibilité, il précise également que maintenant, les réseaux sociaux deviennent une source infinie d’information... pour les deux camps.
« Il y a des spécialistes en renseignement qui disaient qu’à peu près 90 % du renseignement militaire ou de sécurité, c’est de l’information de source ouverte, soit ce qu’on trouve sur les médias sociaux. Par exemple si ce n’était pas possible pour la Russie de confirmer si les bombardements sur Kiev étaient efficaces ou non, en regardant les vidéos que les gens mettent en ligne, ils ont une idée de ce qu’ils sont en train de faire. »