La Banque de terres née chez nous il y a une dizaine d’années se veut un service proposant d’identifier des propriétaires qui ont des parcelles de terre disponibles ainsi que de jeunes agriculteurs qui caressent un projet agricole.
Jusque-là, la MRC jouait l’entremetteuse entre les deux afin de conclure une entente pour l’exploitation de terres. Plusieurs dizaines de maillages ont eu lieu au cours de ses premières années, suscitant l’intérêt de nombreuses autres MRC québécoises. La banque de terre est ainsi devenue l’Arterre en 2016, notamment grâce à une aide financière du gouvernement provincial.
En tout, 82 MRC dispersées dans 15 régions administratives du Québec ont adopté ce service visant à mettre en relation des agriculteurs de la relève en quête d’un lopin de terre et des propriétaires disposés à leur louer une part ou la totalité de leur propriété.
Ce faisant, cela a permis à trois nouvelles familles, vont 4 enfants, de venir s’établir dans la région, a souligné Élyse Cardinal, agente au maillage chez Arterre et conseillère en relève agricole au CLD de Brome-Missisquoi.
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Pendant la même période, un total de 62 visites a été réalisé sous la supervision de l’Arterre, que ce soit pour évaluer la qualité du sol, la localisation de la propriété, établir un contact avec les propriétaires ou pour voir quels services sont disponibles sur place ou à proximité, par exemple.
Comme un jumelage nécessite «plusieurs ingrédients» pour être une réussite, il est important qu’aussi bien les agriculteurs que les propriétaires terrestres soient bien accompagnés, a fait valoir Mme Cardinal.
Actuellement, 64 candidats sont inscrits au projet; du nombre, 18 sont prêts à un jumelage, a fait savoir la conseillère.
« C’est comme un Tinder de l’agriculture ! », lance avec humour Élyse Cardinal, qui agit à titre de conseillère en relève agricole et d’agente de maillage locale pour Brome-Missisquoi. Elle n’est pas seule à jouer ce rôle. Plusieurs agents de maillage sont à l’œuvre dans plus de 75 MRC du Québec, précise-t-elle.
Leur rôle : jumeler des aspirants-agriculteurs à des propriétaires agricoles, soit par le transfert d’entreprises agricoles, par l’achat ou la location d’actifs (comme des terres) ou encore par des alliances d’affaires.
« Mais ce n’est pas un copier-coller, car les activités agricoles sont très diversifiées selon les régions, précise Mme Cardinal. Dans Brome-Missisquoi, on trouve beaucoup de cultures émergentes, de jardinage intensif et biologique. Selon le portrait de l’agriculture de la région, ça se modifie, mais on a tous la même mission. »
« Le rôle des agents de maillage c’est de trouver un bon fit, poursuit-elle. Avec L’Arterre, on a une plate-forme en ligne qui touche tout le Québec. Si quelqu’un habite en Gaspésie et souhaite s’établir dans Brome-Missisquoi, par exemple, il peut aller sur la plate-forme et voir les offres agricoles disponibles dans la région pour faire une recherche sommaire, puis contacter son agent de maillage pour aller plus loin. »
Ne s’inscrit pas qui veut, cependant. La qualification des aspirants-agriculteurs demeure primordiale. La personne doit caresser un projet commercial et détenir une solide expérience du milieu agricole, soit pratique, soit scolaire, de façon à assurer la viabilité de son entreprise.
« Pour les propriétaires, c’est un plus de savoir que l’aspirant s’occupera bien de ses affaires. On ne veut pas de feux de Bengale. Plus on s’assure que la qualification est bonne, plus les chances de survie de l’entreprise sont bonnes aussi. »
Les agents de maillage ont donc la mission d’accueillir les candidats, de s’assurer qu’ils sont fin prêts à se lancer, de les jumeler à un propriétaire qui correspond à ce que la personne recherche, et d’assister cette « paire » dans le processus jusqu’à une entente.
« Si la personne a une idée, un projet, on l’accompagne là-dedans et on la suit après », résume Mme Cardinal.
Dans le cas d’une location de terre agricole, comme c’est souvent le cas dans Brome- Missisquoi, il peut se passer de trois mois à un an entre le début et l’aboutissement des démarches. Lorsqu’il s’agit de transferts de fermes — plus courants dans d’autres régions du Québec—, la même démarche peut toutefois prendre jusqu’à cinq ans.
Portrait
Selon Élyse Cardinal, Brome-Missisquoi, malgré la valeur élevée de ses terres, attire les aspirants-agriculteurs pour bien des raisons, dont le paysage, l’atmosphère générale de la région, la « longueur » de la saison et la zone favorable de culture.
Comme déjà mentionné, ceux-ci se lancent souvent dans la culture bio-intensive, qui consiste à produire plusieurs espèces végétales bios sur un même petit lot. On constate également un intérêt marqué pour les cultures émergentes, comme l’argousier, le houblon, les noix ou l’ail, fait remarquer la dame.
« Même si c’est beaucoup de travail, ces gens ont envie d’avoir accès à une qualité de vie, de travailler dehors, d’être en contact avec la nature. Et je remarque que ce ne sont pas du tout des enfants d’agriculteurs. Ils choisissent de devenir des néo-fermiers. Raison de plus pour nous de s’assurer qu’ils sont bien qualifiés pour que l’aventure se passe bien », termine Mme Cardinal.
La mise sur pied de cet outil découle du succès remporté par la Banque de terres agricoles, lancée en 2012 par la MRC Brome-Missisquoi - sept MRC ont depuis emboîté le pas -, et la Banque de fermes créée dans l'Est-du-Québec, la même année, par le Centre d'innovation sociale en agriculture (CISA). La Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) avait d'ailleurs lancé un appel, en avril, pour qu'il y ait un investissement de la part du MAPAQ pour une coordination provinciale.
Sept mois plus tard, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) annonce une enveloppe de 150 000 $ dans le cadre de Cultivons l'avenir 2. Le Secrétariat à la jeunesse donnera aussi 150 000 $ sur deux ans.
Le nouvel outil, confié au Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ), mettra en relation les jeunes de la relève agricole et les propriétaires terriens de toutes les MRC du Québec.
« Pour l'instant, le côté proactif est surtout du côté de la relève, confie Leslie Carbonneau, agente de la Banque de terres agricoles. Le processus se passe en trois étapes. On commence par valider le sérieux du projet agricole en regardant la formation, l'expérience et le modèle et le plan d'affaires. Ensuite, on passe à l'étape du repérage, soit les cédants qui n'ont pas de relève ou les propriétés agricoles pour du partenariat ou de la location. En troisième lieu, c'est là que vient l'accompagnement dans l'aide à la négociation. »
Le succès de ces jumelages repose sur l'encadrement juridique et l'accompagnement dans le processus, ajoute-t-elle en entrevue avec La Voix de l'Est.
Depuis un an et demi, la MRC de Brome-Missisquoi, le CISA et le CRAAQ travaillent à l'unification des deux banques pour l'offrir partout en province. Avec le financement accordé par Québec, le projet peut aller de l'avant avec la formation des agents de maillage, l'intégration progressive de nouveaux territoires à la base de données et à la création d'une nouvelle plateforme web avec moteur de recherche.
« Malgré l'outil technologique, c'est vraiment l'accompagnement qui va rester l'élément principal, assure Mme Carbonneau. On est extrêmement contents et très fiers. C'est la concrétisation du travail de plusieurs MRC. C'est un apport de premier plan pour le développement de nos régions et le maintien du dynamisme agricole. »
En plus des huit MRC déjà intégrées (Argenteuil, Brome-Missisquoi, Charlevoix, Érable, Memphrémagog, Laurentides, Pontiac, Val-Saint-François), une quarantaine d'autres ont contacté Brome-Missisquoi puisque la « banque de terres figure parmi les mesures prioritaires dans leur Plan de développement de la zone agricole (PDZA) ».
Brome-Missisquoi jouera un rôle important dans la transition vers L'Arterre et sera la gardienne de la philosophie de départ.
Par ailleurs, les écoles enregistrent le plus haut taux d'inscription dans le domaine agricole depuis plusieurs années, selon Mme Carbonneau. Elle donne en exemple le programme d'agriculture biologique au Cégep de Victoriaville, qui « est passé d'un programme en danger de s'éteindre à un programme contingenté. Ils arrivent à fournir 50 % des demandes. » Comme l'accessibilité à la terre est de plus en plus restreinte, un tel outil peut donner des options aux agriculteurs qui sortent de l'école, la tête remplie de projets.