Une année 2021 «turbulente» pour le milieu communautaire

Nicolas Gauthier et Nicolas Luppens sont les deux nouveaux directeurs généraux des CDC de Brome-Missisquoi et de la Haute-Yamaska

L’année 2021 a été «turbulente, incertaine et épuisante» pour le milieu communautaire, indiquent les deux nouveaux directeurs des corporations de développement communautaire (CDC) de la Haute-Yamaska et de Brome-Missisquoi, Nicolas Luppens et Nicolas Gauthier. Non seulement les organismes ont dû faire preuve d’adaptation au quotidien, mais ils ont dû composer avec un manque de main-d’œuvre qui a eu des répercussions sur les services offerts à la population.


Arrivés en poste respectivement en mars et en avril 2021, Nicolas Luppens et Nicolas Gauthier sont d’avis qu’une grande vague d’épuisement et un exode des travailleurs dans les organismes ont beaucoup perturbé le fonctionnement de certains milieux, dont certains ont dû réduire leurs services.

Essentiels et toujours au front en cette deuxième année de pandémie, les organismes en soutien à la population vulnérable sont d’autant plus nécessaires.



Financement crucial

«L’incertitude du financement du gouvernement rend fragile la continuité des services. S’il n’y a pas plus de sous pour les maintenir et bonifier les salaires des travailleurs, on peut tout de suite prédire qu’il y aura encore plus de coupures de services dans les prochaines années», indique Nicolas Luppens, qui a d’ailleurs pris part à une manifestation devant les bureaux de François Bonnardel pour réclamer la juste part aux organismes, le 25 octobre dernier.

Et comment choisir quel service couper, alors qu’ils sont tous essentiels, s’inquiète celui qui a calculé que près du quart des 46 organismes membres de Haute-Yamaska ont dû mettre le couperet dans leurs services, et qui prévoit que ce nombre atteindra le tiers en 2022.

Le directeur général de la CDC de la Haute-Yamaska, Nicolas Luppens, en compagnie de membres du milieu communautaire, a manifesté devant le bureau de François Bonnardel, le 25 octobre 2021, pour réclamer un meilleur financement des organismes.

Nicolas Gauthier ajoute que non seulement les milieux communautaires ont connu une pénurie de personnel, mais aussi de membres participants et de bénévoles, ce qui a ralenti leur roulement. «L’arrivée du mode hybride et des contacts sur Zoom, ce qui est très impersonnel, a aussi créé un effet nocif. Les gens avaient plus de difficulté à obtenir de l’aide dans leur réseau de soutien habituel, ce qui a entraîné une plus grande détresse.»

Besoins les plus criants

Comme 2020, 2021 a encore vu les demandes d’aide alimentaire augmenter. «Ce n’est pas juste ceux qui ne travaillent pas, de plus en plus les bas salariés ont besoin d’aide alimentaire», nuance Nicolas Gauthier. Selon le Bilan-Faim 2021, le nombre de personnes en emploi qui ont recours aux banques alimentaires a bondi de 40%.



MM. Luppens et Gauthier sont unanimes : l’augmentation du coût de la vie et la hausse du prix des loyers ont directement affecté la population plus vulnérable. Sans parler des évictions, de l’isolement, de l’épuisement collectif, de l’anxiété et du manque de motivation. «Le prix médian des loyers dans la région a bondi de 22%», rapporte Nicolas Luppens. Les deux directeurs généraux ont aussi noté une certaine inquiétude du transfert à venir de certains ministères et services vers l’Estrie.

Des bons coups

Malgré les turbulences de l’année 2021, celle-ci a aussi été témoin d’une grande solidarité et de plusieurs bons coups du communautaire, qui continue de faire des miracles au quotidien.

Pour sa part, M. Gauthier souligne la créativité dont ont fait preuve les 55 membres communautaires de la CDC Brome-Missisquoi. L’ouverture du milieu municipal au communautaire et le vent de fraîcheur (et de féminin) aux récentes élections municipales sont des bonnes nouvelles pour les citoyens.

Sans trop en dévoiler, Nicolas Luppens confie qu’une table de développement de la Haute-Yamaska, impliquant notamment le CIUSSS de l’Estrie-CHUS, le centre de services scolaire et le milieu communautaire, s’est réunie, en juin, afin de développer un «plan d’action sur la question du rétablissement et des traumatismes vécus». «Quelque chose s’en vient en 2022. Une vague de positif, qui va faire du bien à tous», annonce-t-il, énigmatique.

Pour 2022, ce dernier souhaite, et même, demande que les 4000 organismes autonomes de la province obtiennent les 460 M$ attendus du gouvernement. «Sans ça, il y aura de grands impacts. On en a plus besoin que jamais. Le mot d’ordre est ‘‘restons fiers, on sait faire du bon travail’’!»

+

LA PRÉCARITÉ DE LA SANTÉ MENTALE EN CHIFFRES


Avant la pandémie, on estimait que :

  • 2 % de la population québécoise (18 ans et plus) vivait une détresse psychologique élevée;
  • 2,5 % de la population canadienne (15 ans et plus) présentait des symptômes compatibles avec un trouble d’anxiété généralisé;
  • 6,8 % de la population canadienne (12 ans et plus) présentait des symptômes compatibles avec un trouble de dépression majeure.

Depuis le début de la pandémie, on estime que :

  • Plus de 10 % de la population québécoise (18 ans et plus) vivrait une détresse psychologique élevée.
  • Environ 31 % des Québécois ont rapporté avoir éprouvé des sentiments de détresse psychologique plus souvent qu’à l’habitude entre mai et septembre 2020.
  • On observe une plus grande proportion de détresse psychologique élevée chez les personnes sans emploi ou en arrêt de travail en raison de la pandémie (21 %), les immigrants (17 %) et ceux inquiets de contracter la COVID-19 (15 %).

(SOURCE: SANTÉ PUBLIQUE DE L’ESTRIE, AVRIL 2021)