«Avec cette mise à jour, le gouvernement avait une chance de rectifier le tir, chance qu’il n’a malheureusement pas saisie.» À l’image de Caroline Toupin, nombreuses sont les voix à s’indigner de cette situation dans cette grande famille comptant 60 000 salariés et plus de 400 000 bénévoles.
Comme la coordonnatrice du RQ-ACA, le milieu revendique un meilleur financement. Les besoins sont estimés à 460 millions de dollars par an pour permettre aux différents organismes d’accomplir leur mission dans de bonnes conditions.
La question financière est d’autant plus importante que le secteur est frappé de plein fouet - comme tant d’autres sphères de la société - par une pénurie de main-d’œuvre qui fragilise ses fondations.
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Étude en cours
À l’échelle locale, la situation est elle aussi jugée préoccupante, pour ne pas dire alarmante. Contacté par La Voix de l’Est, Nicolas Luppens n’y va pas par quatre chemins pour la résumer.
Pour ce faire, le directeur de la Corporation du développement communautaire de la Haute-Yamaska (CDCHY) s’appuie sur une étude actuellement en cours, portant sur l’impact de la pénurie de personnel, dont les résultats doivent être dévoilés début 2022, sans doute en février. Les premières données récoltées sont assez révélatrices selon lui de l’urgence ambiante.
Il faut préciser, avant d’aller plus loin, que 23 organismes, sur les 45 que compte ce regroupement (un 46e devrait bientôt rejoindre les rangs), ont pour l’heure répondu au sondage. Sans surprise, la quasi-totalité des répondants (95%) se déclare préoccupée ou très préoccupée par cette carence d’effectifs.
«26% ont déjà coupé dans leurs services, et 57% prévoient de le faire dans les prochaines semaines ou les prochains mois», ajoute Nicolas Luppens.
Ce dernier rapporte par ailleurs que près de la moitié des organismes (43%) engagent leurs employés à moins de 18$ de l’heure. «On parle d’emplois qui demandent souvent un diplôme. Il y a même des postes qui sont moins rémunérés qu’au McDo ou dans des chaînes similaires», s’indigne-t-il.
57% de nos organismes prévoient de couper dans leurs services dans les prochaines semaines ou les prochains mois
Manque de reconnaissance
Il précise aussi recevoir beaucoup d’appels de ses membres, lesquels trouvent «gênante» (un mot qui revient souvent dans leur bouche, insiste-t-il) la situation qu’ils traversent.
Comme d’autres acteurs du milieu communautaire, il se montre grinçant envers le mini-budget déposé jeudi 25 novembre. «On avait de grandes attentes considérant le manque de ressources humaines qui nous frappe de plein fouet. On ne se sent pas du tout entendus.»
Celui qui a succédé en mars dernier à Sylvain Dupont à la tête de la CDCHY milite lui aussi pour une meilleure reconnaissance de ce milieu, au regard, dit-il, «du travail très difficile qui est accompli tous les jours sur le terrain».
Concernant la possibilité de rejoindre le mouvement de contestation national prévu l’an prochain, il précise qu’il est encore trop tôt pour se prononcer.
«Nous n’avons pas encore décidé d’un mandat de grève avec nos membres.» Une prochaine table ronde devrait permettre d’y voir plus clair à ce sujet, même s’il s’attend à des débrayages parmi les membres de la Corporation le moment venu.
Avant de succéder à Sylvain Dupont à la CDCHY, M. Luppens, qui a étudié en action collective et en travail social, était à l’emploi de la Cellule jeunes et familles de Brome-Missisquoi. Auparavant, il avait comblé un congé de maternité à titre de coordonnateur pour Action Plus Brome-Missisquoi. Et de 2011 à 2018, il a été le coordonnateur du Groupe Actions Solutions Pauvreté (GASP) de la Haute-Yamaska, en plus de siéger à d’autres instances de concertation régionales.
« Au cours des dernières années, j’ai eu le privilège de travailler sur le terrain avec des organismes d’aide, alors j’ai pu observer comment ils fonctionnent, comment ils offrent leurs services et quels sont les enjeux qu’ils vivent au quotidien. C’est pour moi une source d’information très importante et je crois qu’en quelque sorte, ces expériences m’ont préparé à la suite de mon parcours », mentionne le nouveau gestionnaire.
M. Luppens confie avoir été approché par la CDCHY afin qu’il dépose sa candidature pour le poste. Pas de passe-droit toutefois: il a par la suite réussi toutes les étapes du processus de sélection.
« Je crois avoir laissé ma marque au GASP après autant d’années, réfléchit-il tout haut. Je suis un candidat dynamique et j’espère apporter beaucoup. »
Faire rayonner le communautaire
Ambitieux, le nouveau directeur espère contribuer au développement de nouveaux projets communautaires et soutenir ceux qui sont déjà déployés ou en cours de développement. « Il y a plusieurs rôles au directeur général. D’abord, assurer la participation et le rayonnement du milieu communautaire dans la région, ce que je souhaite faire notamment en mobilisant davantage certains acteurs, et ce, sur tout le territoire, note M. Luppens. Ensuite, il y a la gestion du Centre communautaire Saint-Benoît, qui est en quelque sorte le cœur du milieu communautaire de Granby et de la région. Je veux m’assurer de répondre aux besoins des organismes, de leurs artisans et de leurs bénéficiaires. »
Nicolas Luppens entrera en poste officiellement le 22 mars prochain. À ce moment-là, il prendra le temps de s’immerger dans son nouveau rôle et de prendre connaissance de plusieurs dossiers qui l’intéressent et l’interpellent, mais sur lesquels il n’a pas souhaité se prononcer dans l’immédiat. « J’ai suivi ces dossiers de loin, mais je souhaite surtout consulter mes membres, explique-t-il. Le travail de la CDC, et particulièrement celui de son directeur général, doit se faire en concertation avec ses membres, car ce sont eux qui décident, en bout de ligne, des orientations à prendre. Mon rôle sera principalement de prendre leur pouls et de préparer le terrain en fonction de leur vision. »