Proche aidance: «j’ai décidé de vivre le moment présent»

Normand et Nancy forment un couple toujours aussi solide malgré les épreuves.

Le récit de Nancy Evoy est empreint de courage et de résilience. Proche aidante, elle soutient l’homme avec qui elle partage tous les moments précieux depuis plus de 40 ans et qui est atteint d’une forme rare d’Alzheimer.


On est à la veille d’une pandémie mondiale. À l’automne, Normand Girard, mari et père dévoué de cinq enfants, voit sa vie et ses projets s’effondrer. De la bouche d’un professionnel de la santé, il apprend qu’il est atteint d’atrophie corticale postérieure, une maladie neurodégénérative progressive rare qui endommage le cerveau. L’homme est âgé de 60 ans, à l’aube d’une retraite bien méritée.

« Ç’a été un choc énorme. Ce n’était pas ce qu’on prévoyait pour le futur », raconte Nancy Evoy.



Son conjoint était actif et très habile de ses mains. Ébéniste, il a tiré sa révérence professionnelle plusieurs mois avant le diagnostic afin de se consacrer à différents projets à domicile. Lorsque ses enfants vivaient à la maison, il était impliqué dans la routine quotidienne, préparait des repas. Avant la maladie, il jouait aux cartes avec sa femme, lisait et conduisait.

Hélas, dans ce cas précis, la condition rare a un effet sur l’évaluation de la distance et du temps. La mémoire et la concentration sont affectées par celle-ci. Lorsque Normand se prépare un thé, par exemple, il lui arrive d’oublier où se retrouve la tasse.

« En ayant des difficultés avec la distance, il n’a pas pu renouveler son permis de conduire. Il était très manuel. C’est beaucoup plus difficile pour lui de manier les outils », poursuit Nancy.

L’homme peut très bien prendre soin de lui au quotidien, s’habiller par exemple, mais ne peut plus effectuer des tâches précises, dont la préparation de certains repas. L’entraide est alors de mise dans la cuisine, une situation jugée agréable par la conjointe qui adore la tendre compagnie.



Mais la proche aidante avoue que la charge mentale et la gestion en lien avec la perte d’autonomie sont difficiles. « C’est une grosse épreuve, c’est une épée de Damoclès au-dessus d’une tête. Il faut faire avec et j’ai décidé de profiter de la vie, de vivre le moment présent », affirme-t-elle.

Normand Girard et Nancy Evoy comptent l’un sur l’autre. Ils ont également le support de ressources communautaires et des membres de leur famille.

Une famille serrée

Nancy Evoy ne chôme pas. Elle travaille 30 heures par semaine dans le domaine de la sécurité au travail, effectue deux heures de bénévolat hebdomadaire et fait partie d’une guilde de courtepointe. La dame tricote lorsque le temps s’y prête.

« Je suis incapable de ne rien faire et j’aime créer. J’ai toujours un tricot, il est toujours dans l’auto. Le bénévolat amène les discussions, la rencontre de gens avec qui je peux partager cette réalité », mentionne-t-elle.

Le diagnostic est tombé quelques mois avant la première vague, à l’automne, alors que le médecin avait conseillé au couple de concrétiser leurs projets le plus rapidement possible. Il comptait voyager en Europe, profiter de réunions en famille, mais la COVID-19 s’est invitée. Tout est tombé à l’eau, le confinement, les frontières fermées et les rencontres plus possibles.

Nancy Evoy a cependant trouvé des ressources nécessaires à la Société Alzheimer Granby et région. Le couple a bénéficié d’un groupe de soutien, de la tenue d’activités-rencontres et d’entraînements d’une heure par semaine en compagnie d’un physiothérapeute. Aussi, la conjointe a planché sur des démarches avec la maison Gilles-Carles, un lieu de répit situé à Cowansville.

« Ils m’ont partagé une phrase intéressante, puisque j’ai mentionné ne pas avoir besoin d’aide maintenant. Il ne faut pas attendre que la batterie soit à terre », lance la conjointe, consciente de ses capacités, qui a fait ses recherches d’avance et qui connaît bien les ressources disponibles dans la région en matière de répit.



Le couple ne vit pas cette épreuve seul. Avec l’aide communautaire, s’ajoute la présence soutenue de leurs cinq enfants et d’autant de petits-enfants. La famille complète a pour projet de partir vers le Mexique, l’année prochaine, si la situation s’y prête. Les temps s’améliorent et la vie reprend graduellement sa normalité. Le but est de permettre aux petits-enfants, âgés de 4 à 14 ans, de chérir les bons souvenirs de celui qu’ils appellent « papi ».

« Pour moi, c’est fondamental. Faire des bouffes, souligner les anniversaires. Je me souviens que ma fille, son conjoint et leurs deux enfants ont fait une activité et on ramené de belles photos. Ma petite-fille de 4 ans était heureuse d’avoir pêché des truites avec papi. C’est des souvenirs comme ça qu’on veut créer », partage Nancy. La famille, c’est tissé serré chez les Girard-Evoy.

Nancy Evoy dit avoir trouvé des ressources nécessaires et bénéfiques auprès de la Société Alzheimer Granby et région.

Un rôle essentiel

La Semaine nationale des personnes proches aidantes se tenait cette année du 7 au 13 novembre et revêtait un caractère important considérant la situation pandémique. En tout temps, elle vise à reconnaître et rappeler l’apport précieux de tous ces citoyens. Et la COVID-19 a mis davantage en lumière cette contribution essentielle.

Selon les données de Statistiques Canada, on estime à 1,5 million le nombre de personnes considérées proches aidantes dans la province. 58 % d’entre elles sont des femmes.