Les choses du monde sont là, déposées. Comme moi ; comme toi.
Le ciel n’a pas mot à dire sur la teinte de son bleu. Les oiseaux façonnent leur nid, leur vol, mais pas leurs plumes.
Je ne contrôle pas leurs cris.
La fenêtre n’a pas d’emprise sur sa lumière.
Je ne contrôle pas…
L’algorithme. L’esprit des autres.
Je ne contrôle pas le changement de couleur des feux de circulation.
Ni le feu; ni la pluie; ni le débit d’Internet.
Je ne domine pas les nuages et leurs formes, la force du vent et les effondrements.
Je ne décide pas de la couleur de ma peau ni de mes cicatrices.
Je ne contrôle pas la maladie, les gènes, les atomes et les tissus adipeux.
Les battements de cœur et les coups de foudre.
Le flux sanguin est libre. L’hiver est maître.
Je n’ai pas d’emprise sur l’inattention des chauffeurs, les décisions prises en caucus, sur ce que répondra l’interlocuteur, ni sur son écoute, ni sur sa réaction.
La colère, la tristesse et l’absence d’émotion existent sans moi.
Je ne manœuvre pas le soleil.
Je ne maîtrise pas le bruit des voitures. L’indépendance de mon chat. Le jugement des autres.
La fin d’un film, d’une série, ne me concerne pas.
Je ne peux pas dompter l’amour. Sa réciprocité. Ses malentendus. Les guerres.
Je ne contrôle pas ma démarche. Mes os. Les handicaps. Mon destin.
Je ne peux pas agripper ce que je sens, ni le passé ni le futur.
Ce qui tombe, ce qui s’envole.
Je n’ai pas mot à dire sur le timbre de ma voix, mes cheveux, mes poils, mon estomac.
Je ne contrôle pas les prisons, les banques, les gestions, les organismes, les systèmes, les administrations, les comités.
Mon superpouvoir n’est pas le contrôle, mais le lâcher-prise.
Le rythme de ma respiration m’appartient.
Je me pose. Je choisis, ressens. Je laisse être. La chute d’eau coule sans moi.
Lâchez prise ; tenez bon.