L’ancienne bourlingueuse, elle qui a notamment beaucoup voyagé en Europe et vécu en Bolivie, dit s’être assagie. « Je me suis sédentarisée », sourit l’intéressée, même si cela ne l’a pas empêchée d’avaler les kilomètres dans son Québec natal pour enseigner et partager ce qui la fait vivre, et pas seulement financièrement : l’art clownesque.
Pas plus tard que cet été, la jeune femme de 31 ans a animé deux sessions intensives sur le terrain de la maison familiale, où vit encore son père. « J’ai acheté spécialement un chapiteau pour pouvoir accueillir les gens », dit-elle.
Accueillir : dans sa bouche, ce verbe anodin a le goût du sacré, au même titre que le mot transmission. « Plus ça va et plus je me rends compte que cela m’interpelle », poursuit à ce sujet cette anticonformiste qui a étudié les lettres et le cinéma, mais aussi testé le piano classique et le ballet.
Sa drogue, c’est le courant qu’elle ressent entre ses élèves (même si elle n’aime pas ce mot) et elle. « Ce qui m’excite le plus, c’est d’être dans un groupe, dans un contexte d’atelier. Le fait de faire des recherches et de tester des choses ensemble. J’adore initier les gens à l’univers du clown, à ses codes et à son langage. »
« Former et déformer le clown »
Sauf qu’avec Annab Aubin-Thuot, la liberté est totale, les frontières toujours poreuses, le carcan souvent soumis à rude épreuve. Entendez par là que la dame éprouve peu de sympathie pour le figé, bref, ce qui est conventionnel. Avec elle, les robinets de la créativité ou de la réflexion sont toujours ouverts. « Avec mes stagiaires, on réinvente les codes du clown. Est-il uniquement comique ? Le nez rouge est-il nécessaire ?...» Comme elle aime le dire, il s’agit, en sa singulière compagnie, « de former et de déformer l’artiste clown ».
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Sa clientèle ? Essentiellement des adultes venus de tous horizons. « J’ai autant des artistes professionnels qui souhaitent élargir leur éventail de pratique que des personnes pour qui il s’agit d’une première expérience, qui viennent presque par instinct. Il y a quelque chose qui les appelle dans le clown et qui est très personnel », observe-t-elle, consciente que c’est aussi une façon de se connaître autrement, d’aller vers cet autre moi dont on n’avait jusqu’alors pas soupçonné l’existence, ou qui ne demandait qu’à s’exprimer.
Elle ajoute que la récente pandémie a peut-être aussi jeté dans ses bras des gens en quête de beauté et de rêve, mais aussi de joie et de fantaisie. « Le climat est devenu tellement lourd et triste que l’art clownesque revêt d’autant plus d’intérêt et d’importance », renchérit-elle en reconnaissant que c’est un très bon exutoire auquel on attribue souvent des vertus thérapeutiques.
Formation intensive
Désireuse d’implanter et de développer son art loin des villes, dans un cadre où la nature prodiguerait son énergie et ses bienfaits, La Nab s’est mise en tête de fonder sa propre école, laquelle serait chapeautée par la Compagnie Brimbalante. Les contours du projet sont encore flous, mais celle qui aime féminiser le mot clown (en lui accolant un E) a déjà les grandes lignes en tête. À commencer par le contenu, qui proposerait quatre formules au public. Outre des cours hebdomadaires, destinés entre autres à la population locale, la future structure offrirait des apprentissages en été, sous chapiteau, mais aussi des week-ends thématiques. Le plat de résistance correspondrait à un bloc intensif de 120 heures de formation, étalées sur un mois. Elle prévoit aussi de faire appel à des professeurs extérieurs pour l’épauler dans sa tâche.
[ La naissance d’une clowne [VIDÉO] ]
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Actuellement, Annab Aubin-Thuot s’échine à élaborer un plan d’affaires, mais surtout à y voir plus clair alors qu’il y a tout à faire et à débroussailler. « Je suis à fond là-dedans. J’ai parlé avec la banque Desjardins et le ministère de la Culture. » La priorité reste bien entendu de trouver du financement, sous forme de subventions (car il n’est pas question pour elle de s’endetter), considérant, d’après ses calculs, que la somme de 60 000 $ devrait être suffisante pour se lancer dans cette aventure.
Partenaires recherchés
Il lui faudra aussi trouver un lieu (elle vise la périphérie de Sutton) et des collaborateurs pour pérenniser et faire avancer ce projet. Car ce n’est pas une lubie et encore moins une décision irréfléchie, prévient cette grande amoureuse de la poésie qui confie au passage que c’est la poésie des mots qui l’a amenée à la poésie du corps.
Elle pourra en tout cas compter sur son optimisme et sa motivation pour aller de l’avant. Les réactions dans son entourage l’encouragent aussi à persévérer. « J’ai reçu beaucoup de soutien et d’enthousiasme autour de moi », conclut La Nab, qui restera confiante, quoi qu’il arrive, bien décidée à « réenchanter le monde » post-COVID... avec ou sans nez rouge.
Les personnes qui souhaiteraient proposer leur candidature peuvent la contacter via son site (www.lanabclowne.com) ou sa page Facebook (Lanab, clowne).