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Gérer les forces motrices

CHRONIQUE / Nul besoin de fouiller longtemps pour découvrir que la planète va mal. Au premier chef des symptômes, on peut citer le réchauffement du climat et la crise de la biodiversité. Comprendre le phénomène demande un peu plus de travail. Si vous êtes créationniste ou climatosceptique, vous pouvez cesser de me lire ici.


Le sixième rapport du GIEC (1), dont la diffusion a commencé il y a un mois, est formel. L’activité humaine est responsable d’un réchauffement de 1,2 degré enregistré depuis le début du 20e siècle. Les prévisions pour la suite des choses sont assez peu optimistes, pour employer un euphémisme. Quant à la biodiversité, la 15e Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique et la publication annuelle de la Liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (2) font peu de place à la sérénité. L’humanité est devenue un tel facteur de perturbation des systèmes entretenant la vie qu’on postule une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène, qui est bel et bien commencée.

L’humanité est devenue un agent de changement à l’échelle planétaire et cela se traduit par cinq forces motrices :



1) la croissance démographique et l’urbanisation ;

2) l’augmentation de la consommation d’énergie fossile et de matières premières ;

3) les volumes et la toxicité des déchets produits ;

4) l’augmentation du niveau trophique, c’est-à-dire de la quantité de viande et de poissons consommés par personne ;



5) l’augmentation du tourisme et du commerce international.

Naturellement, ces forces motrices se nourrissent l’une et l’autre, ce qui engendre des pressions comme l’augmentation des gaz à effet de serre, l’accumulation de plastique dans les océans, la destruction des habitats et la surexploitation des espèces de poissons. Cela laisse craindre une sixième grande extinction de la biodiversité. Mais est-ce inéluctable?

L’histoire du vivant est marquée par une alternance d’extinctions massives et de recolonisation des habitats caractérisée par un foisonnement de nouvelles espèces issues des espèces survivantes. Deux de mes lectures d’été, « La préhistoire du Québec, la grande épopée de nos origines », de Patrick Couture (3) et, un peu plus scientifique, « Extinctions Living and Dying in the Margin of Error », de Michael Hannah (4), ont alimenté cette question : « Si la présente ‘extinction de masse’ est causée par les humains, l’humanité peut-elle l’empêcher? »

Les grandes extinctions du passé ont été causées par des événements d’origine tellurique ou cosmique. Qu’une telle situation se présente aujourd’hui, on n’y pourrait pas grand-chose. Quoi que la collision d’un astéroïde avec la Terre pourrait peut-être être évitée en dérivant le bolide de sa trajectoire par des missiles. En revanche, nous avons théoriquement tous les pouvoirs sur les forces motrices de la sixième extinction. Comme le disait Pierre Dansereau : « Si le problème est causé par les humains, seuls les humains peuvent le résoudre! ».

Nous connaissons les causes, les mécanismes d’action et les solutions. Le livre de Michael Hannah démontre dans sa conclusion qu’il n’est pas trop tard pour que le système planétaire revienne à son équilibre. Et ça marche! À titre d’exemple, cette année, quatre espèces de thons ont été retirées de la liste rouge des espèces en voie de disparition avec l’application de mesures de pêche durable (5). Alors, pourquoi ne pas se mettre au boulot?

Le programme 2030 de développement durable des Nations Unies (6) nous donne une feuille de route pour renverser les tendances mortifères que nous laisse présager l’évolution des forces motrices. J’en ai souvent parlé dans cette chronique. D’ailleurs, le scénario (7) qui permet de stabiliser le climat à 1,5 degré à la fin du siècle est construit à partir de la mise en œuvre de ce programme et de sa reconduction périodique jusqu’en 2100.



Pour y arriver, il faut cependant une volonté politique et un engagement populaire. Le 20 septembre, les Canadiens iront aux urnes. C’est l’occasion d’exiger de vos candidats des actions concrètes, fortes et suivies de façon récurrente par des indicateurs fiables. À nous de jouer!

1. https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/

2. www.iucnredlist.org

3. http://www.editionsfides.com/fr/product/editions-fides/essais/sciences/la-prehistoire-du-quebec_840.aspx

4. https://www.cambridge.org/core/books/extinctions/A4B6AA42F403802A0F9D99F64ECF583E

5. https://www.nationalgeographic.co.uk/environment-and-conservation/2021/09/these-popular-tuna-species-are-no-longer-endangered-surprising-scientists?utm_source=Nature+Briefing&utm_campaign=9a68c8d571-briefing-dy-20210906&utm_medium=email&utm_term=0_c9dfd39373-9a68c8d571-42609107

6. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

7. https://www.carbonbrief.org/explainer-how-shared-socioeconomic-pathways-explore-future-climate-change