Premier vignoble québécois à produire du vin en amphore, Le Coteau des artisans s’apprête à distribuer dans quelque 70 points de vente son AmphORange, aux arômes de papaye et de pamplemousse rose, qui a été embouteillé il y a quelques semaines déjà.
Signe que ce vin hors de l’ordinaire, produit seulement par une dizaine de vignobles au Québec, gagne en popularité, Le Coteau des artisans a triplé le nombre de bouteilles qui seront mises en vente la semaine prochaine. « L’an dernier, pour la première cuvée du vin orange, on a produit 600 bouteilles. Cette année, on en a fait 2000 ! » lance Karine Lamoureux, copropriétaire du vignoble ayant remporté les honneurs au dernier Gala des Prix Distinction de la Chambre de commerce Haute-Yamaska, catégorie Produit du terroir.
« L’engouement est très fort, poursuit-elle. C’est un vin différent. Les raisins ont passé 200 jours en amphore, un procédé qui s’appelle macération pelliculaire. C’est ce qui donne son tannin et sa couleur au vin. »
« Pour l’instant, les raisins sont entreposés dans le congélateur », explique Christian Roberge, copropriétaire de la microbrasserie qui s’installe tranquillement dans sa nouvelle usine de la rue Bonin, à Acton Vale.
Le projet dit « embryonnaire » consistera à faire vieillir la bière sur le marc sur une période allant de 8 à 12 mois ; ce faisant, on espère une mise en marché de cette nouvelle offrande juste à temps pour la troisième cuvée de l’AmphORange.
« On ne sait pas si ce sera en barrique ou pas, mais comme ce sera une bière évolutive, son goût sera amené à changer au fil du temps passé en fermentation, indique le brasseur. De travailler avec le marc de raisin, ça adoucit la bière et ça lui donne un petit côté sauvage. »
Le rapprochement de deux mondes
S’il s’agit d’une première expérience pour Bob Magnale, sachez que depuis deux ans, les marcs de raisin du vignoble béthanien sont réutilisés par la microbrasserie waterloise Robin Bière Naturelle. Une manière pour le vignoble de donner une deuxième vie à sa matière première, mais également de gagner de nouveaux clients parmi les amateurs de bières microbrassées au Québec.
« Pour nous, c’est un maillage avec d’autres entreprises de la région qu’on trouve important et qui nous amène non seulement à participer à une forme d’économie circulaire, mais aussi à rencontrer une nouvelle clientèle par le biais des microbrasseries » , indique Mme Lamoureux.
« C’est une tendance qui a le vent dans les voiles au Québec, souligne M. Roberge. Plusieurs microbrasseries innovent à partir du raisin. Ça rapproche deux mondes. »
Bref, il s’agit là d’une initiative gagnant-gagnant, aussi bien pour le vigneron que pour le brasseur.
Avec l’annonce des mesures de déconfinement, qui promettent un été un peu plus occupé que celui de l’an dernier, Au Coteau des artisans, on est donc confiants de pouvoir renouveler l’expérience des vindredis, où camions de cuisine de rue et prestations musicales animent le vignoble.
La programmation des événements sera sujette à changement selon l’avancement du déconfinement et des mesures sanitaires en vigueur. Le tout sera affiché sur la page Facebook et sur le site Internet de l’établissement.
Campé sur un site enchanteur, bercé par la Rivière Noire qui suit doucement son lit un peu plus bas, le Coteau des Artisans est fier de ses 7000 vignes — 3000 autres seront plantés l’an prochain — qui arpentent un talus verdoyant embrassant un ciel bleu dépourvu de nuages lors de l’inauguration de l’endroit, lundi après-midi.
« C’était un vendredi soir. On allait vendre notre entreprise, et on se questionnait sur nos projets futurs, raconte Mme Lamoureux, designer. J’ai répondu à Jocelyn que je ne savais pas quoi faire, mais que je ne voulais pas quitter cet endroit où je me sentais si bien. Quand il m’a proposé d’y aménager un vignoble, j’ai dit : “Envoye donc !” ».
La belle aventure du Coteau des Artisans a donc débuté en novembre 2012. Six ans et demi plus tard, il sera enfin possible de goûter aux vins blanc, rosé et rouge élevés en cuve d’acier inoxydable, en fût de chêne ou en amphores de terre cuite ou de grès.
Avant de pouvoir procéder à ses premières vendanges, le couple avait fait appel à l’agronome Jean-François Péloquin pour vérifier si le sol de leur propriété était propice à la culture de la vigne. « Quand il a dit que c’était un très bon sol, tout est parti ! » se souvient Mme Lamoureux.
« En fait, il nous a dit que c’était un vrai projet de fou, mais qu’on serait capables de le faire ! » renchérit, à la blague, M. Deslandes, ébéniste de métier.
Neuf mois ont été nécessaires pour excaver le terrain qui était auparavant une forêt, couper les arbres, essoucher et planter les vignes.
Les arbres abattus pour laisser place au vignoble y connaissent toutefois une deuxième vie : ils ont été utilisés pour donner un cachet unique à la boutique, dessinée et conçue par les nouveaux vignerons, eux qui étaient propriétaires, de 1997 jusqu’en 2013, de l’ébénisterie la Vieille Forge, à Saint-Joachim-de-Shefford.
Retour à l’amphore
Le couple s’est par la suite offert l’expertise de l’œnologue réputé Jean-Paul Martin pour réaliser ses premières cuvées. « On lui a dit qu’on voulait faire les choses différemment, en sachant qu’on ne réinventerait pas la roue », explique Mme Lamoureux.
On s’est donc tourné vers l’élevage de vins en amphore, une pratique millénaire, prisée entre autres par les Romains, qui s’est effacée alors que la production de vin en grande quantité a pris de l’ampleur.
La production de vin en amphore, en grès ou en terre cuite, n’a donc rien de nouveau. « Disons que c’est un ancien retour, blague l’œnologue. Dans le vin, on n’invente plus rien, mais l’élevage en amphore est revenu entre autres avec la mode des vins nature et la culture biologique. Les gens ont redécouvert cet ustensile. »
Selon M. Martin, les vins produits en amphore sont plus doux et moins acides. Ils sont donc plus facilement accessibles pour ceux qui souhaitent découvrir les différents arômes du vin.
Des « vindredis » estivaux
Le vignoble sera ouvert au public pour la première fois ce samedi, dès 13 h 30. Dégustations et visites de groupe gratuites seront offertes jusqu’à 16 h. Puis, à 17 h, un camion de cuisine de rue de La Galoche Pub Bistronomie rassasiera les ventres vides et la chanteuse Izabelle offrira une prestation musicale.
Les propriétaires du Coteau des Artisans souhaitent d’ailleurs faire une tradition de l’alliance cuisine de rue et musique en invitant des restaurateurs et des interprètes d’ici chaque vendredi dans le cadre de ses Vindredi 5 à 9.
En rotation, sept camions de cuisine de rue et des chansonniers seront présents sur place pour animer les vendredis soirs sur le site enchanteur du vignoble, où seront aussi célébrés des mariages et tenus des événements privés et corporatifs.
« On a conçu le site en fonction du bonheur des visiteurs, allègue Mme Lamoureux. On veut que vous veniez ici et que vous soyiez heureux d’être là, que la beauté de l’endroit vous fasse oublier vos tracas. C’est là la plus grande différence entre acheter un vin à la SAQ et chez le vigneron ! »
« Ça fait au moins depuis deux ou trois ans qu’on se cherchait un nouvel endroit, confirme M. Roberge en entrevue avec La Voix de l’Est. On a commencé comme brasseurs itinérants pour tester le marché avec nos produits et voir s’il y avait de la demande. »
L’idée de départ de demeurer dans le grand Montréal pour poursuivre la production a cependant été écartée. « Les loyers n’étaient pas abordables et on avait aussi le désir de sortir de Montréal pour aller dans une région, surtout qu’on souhaite s’implanter à long terme et s’impliquer dans la communauté », poursuit le brasseur.
Après une première tentative infructueuse d’ouvrir une place d’affaires à Acton Vale, dans l’ancien restaurant de la gare, les propriétaires de la brasserie ont finalement jeté leur dévolu sur un bâtiment du parc industriel, eux qui sont tombés sous le charme de la région.
« Acton s’est avéré l’endroit parfait pour nous, souligne M. Roberge, qui s’est même établi à Acton Vale en cours de route. Tout tombe sous le sens, aussi bien l’accueil de la Ville et de la MRC que les infrastructures en place. La distribution sera facilitée parce qu’elle sera plus centralisée. Et puis, ce secteur de la région n’a pas vraiment de microbrasseries, c’est comme un trou de beigne. On va le combler. »
Nécessitant un investissement frôlant le demi-million de dollars, les travaux d’aménagement de la nouvelle brasserie de 4255 pieds carrés sise au 500, rue Bonin devraient être lancés au cours des prochains jours afin que la production débute en mai. Ce faisant, les premières bières valoises de Bob Magnale seront sur les tablettes en juillet prochain.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/YS2TCNGDI5ENTLCG3WICS2WZJE.jpg)
Cette migration permettra à Bob Magnale de maintenir, voire d’augmenter de façon significative, sa production annuelle de quelque 60 000 litres de bière. Et un éventuel agrandissement est déjà en train de mijoter dans la tête des deux brasseurs. « On se spécialise dans les bières affinées en fût de chêne: ça prend de l’espace », note M. Roberge.
Si les copropriétaires n’entendent pas aménager un salon de dégustation à même l’usine dans la première phase du projet, notamment parce que la réglementation municipale actuelle ne le permet pas, ils planifient toutefois d’augmenter la présence de leurs produits dans la région d’Acton pour satisfaire les amateurs de bière.
« On souhaite avoir une place à Acton pour pouvoir faire déguster nos bières, explique l’entrepreneur. On aimerait contribuer à attirer les touristes et à les faire découvrir la région en même temps que nos produits. C’est sûr qu’en s’implantant dans la région d’Acton, on veut y être bien représentés. »