Faire le deuil de petits bonheurs

Pierre aime parler, lire, jouer au golf. Depuis un peu plus d’un an, il a appris qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer, qui, progressivement, le prive de ce qu’il aime. Il a accepté de témoigner de ce qu’il vit à <em>La Voix de l’Est</em>.

Pierre aime parler, lire, jouer au golf. Depuis un peu plus d’un an, il a appris qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer, qui, progressivement, le prive de ce qu’il aime. Il a accepté de témoigner de ce qu’il vit à La Voix de l’Est.


Armé d’un grand courage, Pierre a accepté de raconter ce que représente vivre avec la maladie, après avoir fait son «coming out» à ses proches. « Ils ont pleuré », dit l’homme qui travaillait auparavant comme consultant en entreprise.

« Ce que j’apprécie de Pierre, c’est son ouverture. Il est capable de nommer, de parler de sa maladie avec ses amis. Nommer aide à accepter. Ça améliore le processus d’introspection », dit Nathalie Auger, conseillère aux familles et au répit à la Société Alzheimer de Granby et région. Elle est aussi l’intervenante qui accompagne le résident de Brome-Missisquoi à travers cette épreuve.



Depuis plus d’un an, ça va, ça vient, ça s’améliore, ça régresse, raconte Pierre. « Ça a été très progressif. Ce sont des petits éléments qui, au fur et à mesure, ont déclenché des symptômes. »

« 3 ou 4 fois pour comprendre une phrase »

Il est conscient que son quotidien deviendra de plus en plus difficile, mais il se concentre sur ce qu’il peut faire. Par exemple, écouter les gens, des émissions. « Une chose avec quoi ça a malheureusement interféré, c’est ma capacité de lire. D’être capable d’analyser ce que je lis. Ça peut me prendre trois ou quatre fois pour comprendre une phrase, et je me demande si je l’ai lue. Puis, je me dis “je reprendrai plus tard”. C’est une partie très difficile pour moi, car j’aimais beaucoup lire. »

Le plus difficile, c’est de dire adieu à quelque chose qui te rendait heureux.

Malgré sa maladie, Pierre est résilient. « Je ne serai pas négatif envers une situation que, de toute façon, je ne peux pas changer. C’est sûr que des fois, je cherche mes mots, parfois ça va bien, d’autre fois moins, mais je laisse passer. »



Atelier de groupe

Pendant l’entrevue, le compagnon poilu de Pierre voulait aussi sa part de gloire, et venait montrer son museau à l’écran. « J’ai Chili qui s’occupe beaucoup de moi ! On a du plaisir ensemble. On court. C’est sûr qu’il n’est pas très bon en cuisine... »

Pierre n’aime pas le froid de l’hiver. Il pourrait se promener, confie-t-il, mais il y a eu une période où il tombait et ne savait plus pourquoi il était par terre, ainsi sa famille s’inquiète que cette situation revienne et qu’il se blesse. En octobre dernier, Pierre a contacté la Société d’Alzheimer de Granby et région. Il aimerait beaucoup participer à un atelier de groupe, activité malheureusement impossible pour le moment en raison de la pandémie. Néanmoins, il apprécié l’aide individuelle de Nathalie Auger et de la Société.

« Comme on a de plus en plus de personnes en début de maladie, on regarde la possibilité de créer un groupe de discussion ou de loisir, indique Sophie Foisy, directrice générale de la Société d’Alzheimer de Granby et région. On est en attente d’une aide financière pour pouvoir en développer dans les prochains mois. »

Pierre pourrait alors ainsi discuter et aider les personnes aux prises avec la maladie d’Alzheimer. Comme c’est quelqu’un de très social, mentionne Nathalie Auger, ça l’interpelle particulièrement.

« On attend ! », lance Pierre.

Sophie Foisy, directrice générale et Nathalie Auger, conseillère aux familles et au répit à la Société d’Alzheimer de Granby et région.

« Être heureux malgré les difficultés » 

La façon de vivre la maladie d’Alzheimer est différente d’une personne à l’autre, explique Nathalie Auger. « C’est beaucoup dans le respect des capacités de chacun. Respecter son rythme. C’est travailler avec ses belles capacités. La mémoire va s’imprégner émotivement, et je crois qu’on est capable d’être heureux malgré les difficultés. Mon rôle est d’accompagner Pierre, d’aller chercher avec lui des petits bonheurs. »



Avant, Pierre faisait du ski. « Le plus difficile, c’est de dire adieu à quelque chose qui te rendait heureux. Je jouais au golf, je n’étais pas bon, mais je jouais. Là, je ne peux plus. »

Pierre a conscience que l’annonce d’un diagnostic peut faire l’effet d’une bombe pour plusieurs personnes. « Tout le monde réagit de façon différente. Pour moi, je sais que c’est irréparable, alors c’est accepter le pire, d’une certaine façon. D’autres auront peut-être plus de difficulté à l’accepter. C’est important d’aller chercher de l’aide, des ressources, d’être appuyés. Ça peut arriver dans trois mois que je ne puisse plus parler. C’est des choses qui peuvent arriver. Mais pour l’instant, je suis là, et je fais mon possible. »

+

LA MALADIE D'ALZHEIMER EN BREF

Au Québec, en 2020, 1 692 486 personnes étaient âgées de plus de 65 ans et 152 121 d’entre elles étaient atteintes de la maladie d’Alzheimer.

1,1 million de Canadiens sont directement ou indirectement touchés par la maladie.

3 Canadiens sur 4 connaissent quelqu’un qui est atteint d’une maladie cognitive.

564 000 Canadiens sont atteints d’une maladie cognitive.

937 000 Canadiens seront atteints d’une maladie cognitive dans 15 ans.

Les femmes représentent 72 % des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer au Canada.

Depuis 1984, la Société Alzheimer de Granby et région, un organisme à but non lucratif, a comme mission d’atténuer les conséquences personnelles et sociales de la maladie d’Alzheimer et promouvoir la recherche biomédicale et psychosociale. BILLIE-ANNE LEDUC

(Source : La Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer diffusées dans la revue La Semaine Santé – Alzheimer, 2019)